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Propos d’un fils
Aigle et milan fondent sur le poussin
Mais le poussin peut compter sur sa mère
J’ai franchi le seuil quitté mes parents
Le long du long chemin mon coeur frissonne

La belle a quinze ans les cheveux flottants
Elle laisse deviner sa petite poitrine
Sa coupe de jade invite au vin de raisin
« Si vous passez le fleuve jaune sous le ciel venteux
Vous n’aurez plus ce doux vin de printemps »

*

Lorsque la pluie terreuse emplit le ciel de bruine
Les feux follets comme les lucioles s’envolent
Ils s’éparpillent semant des étoiles dans le ciel
On croit entendre mille voix gémissantes
Ce feu tel un flambeau est un héros défunt
Il commande à l’armée des farfadets d’agir ensemble
Jadis c’est lui qui menait les légions
D’autres lueurs d’une noirceur de laque
Tapies au creux des monts chuchotent
Les chevaux des morts hennissent
Un vent fou tourbillonne
Les deux armées se heurtent
Sous les sabres invisibles les crânes tombent
Plus légers que les feuilles
L’éclat du sang reste aussi vif
Les os blanchis s’en vont en poussière en fumée
Les nouveaux morts rejoignent les âmes froides des anciens
Les veuves nouvelles n’envoient plus de vêtements d’hiver

Les derniers cavaliers entrouvrent leurs habits à la brise
En haut des monts les premiers laissent choir leurs doigts gelés dans la neige
Quittant le sol natal les soldats ont des cheveux blancs à la racine
Les larmes se teintent de rouge
Les cavaliers maudits chantent leur peine
Les nobles portent un bel arc ciselé à la ceinture

A flanc de la montagne une petite ruine de frontière
A l’ombre des bannières une tour de guet
Derrière le dernier escadron les fleurs
Devant les premiers cavaliers la neige
Franchissant la passe, comment ne pas tourner la tête ?

Les cavaliers sont descendus du ciel
Les frontaliers sont ébahis
Dans le fossé sans fin de la muraille
Les chevaux boivent il est à sec