LE QUOTIDIEN DE PARIS, 20 février 1989

     THEATRE MOUFFETARD

LE DEPOT DES LOCOMOTIVES

DE MICHEL DIAZ

CASARES DEFEND UN JEUNE AUTEUR

     C’est au Rond-Point qu’on la retrouve. C’est là qu’elle répète. Chez les Renaud-Barrault. Sa grande famille de théâtre. […]

     « C’est si délicat, une écriture nouvelle », Maria Casarès se confie à Armelle Héliot pour le Quotidien de Paris… Toute énergie bandée, impétueuse, toujours éclatante d’intelligence, de jeunesse, de joie mystérieuse, Maria Casarès, belle infiniment et simple, majestueusement. Souveraine à la recherche d’un paquet de cigarettes. Il faut bien que l’angoisse parte en fumée! Elle rit et c’est plus de quarante ans de la grande histoire du théâtre et du cinéma qui est là, offerte. Oh! ne comptez pas sur elle pour effacer de son parcours les premières stations. « Deirdre des douleurs », c’était 1942-1943, et son premier spectacle avec Georges Vitaly, c’était en 1946: Les Epiphanies de Pichette, poète que certains cuistres faiseurs de dictionnaires oublient, mais qui est bien là, dans les plis d’une langue magnifique.

     C’est Vitaly que Maria Casarès retrouve aujourd’hui donc, pour encore une fois créer un auteur, un jeune auteur, un écrivain tout neuf.

     « C’est Georges, en effet, explique-t-elle, qui a reçu cette pièce et, l’ayant lue, m’a appelée. Il y a déjà un certain temps. Mais j’avais d’autres engagements… Pourtant, je tenais particulièrement à jouer ce texte que je trouve d’une vitalité extraordinaire, insensée! Il y a une virtuosité d’écriture tout à fait fascinante, quelque chose qui ne peut que mettre en appétit un acteur! »

     Michel Diaz, l’auteur, est professeur de lettres à Tours. Une de ses pièces a été diffusée par France-Culture en 1985: L’Insurrection. Sujet: l’Algérie. Il a écrit des recueils de poèmes (Le Miroir de sable) et d’autres pièces que ce Dépôt des locomotives que Vitaly crée aujourd’hui. Le metteur en scène signale d’ailleurs à l’attention d’autres textes: Tangos et Trois impromptus pour clarinette seule.

     « Ce qui me plaît, dit Maria Casarès, c’est de plonger dans un univers de notre temps, cela procure  un sentiment de virginité… Mais créer la pièce d’un auteur nouveau, cela fait trembler aussi… On prend un risque, on fait courir un risque à l’écrivain… »

     Deux personnages, Michael, que joue François Perrot, et Nina. Fin de vie dans une maison de retraite tenue par des soeurs. « Ils ne peuvent plus supporter d’être là et souhaitent aller au bout d’un chemin: ils réinventent leur vie… Ils traversent cauchemars, rêves, paysages… Une histoire de couple. Un homme, une femme. Avec tout ce que cela peut comporter de malentendus parfois… Ils ne se ressemblent pas; lui, ce sont les mots, la création, les images… Elle, ce sont la terre, les relations plus sensuelles aux choses, plus sentimentales aussi… »

     Casarès en parle bien de cette pièce, avec toujours cette gourmandise de ton et cette flamme magnifique dans l’oeil qui brille…

     La pièce, qui s’ouvre sur une scène avec deux autres comédiennes (Valentine Varela et Nadine Servan), s’appuie tout entière sur ce rêve à deux: « J’aime beaucoup ces textes à deux personnages, dit Maria Casarès. J’ai joué déjà ainsi dans Cher menteur avec Pierre Brasseur et dans Le borgne est roi avec Sami Frey… C’est très fatigant, mais très passionnant… »