Tropiques du Verbe


Un ventre d’améthystes s’ouvre dans la brise des landes. Le navire d’Illusions échoué aux prémisses des Mondes gagne le rivage, Ivre de nectars dans la chaleur des festins, sous un ciel galopant d’étoiles en émoi.

Viendra le Temps des Belles Triomphantes !

Un Paradis pour les Exclus, les Gueux, les Laids, et les Putains !

Qu’un doux délire enivre de légèreté, pour un ciel de septembre, pour un ciel de mai ! Quand la Mort se couche dans les vignes folles, sur des lits de raisin tendres entre les seins des jouvencelles !

Je me coucherai là, au pied du centenaire, le chêne des vergers, le chêne séculier. Aux vertiges des sens je livrerai ma lie, et oublierai le serment qui me déchire les entrailles jusqu’au dernier souffle.

Tu viendras me bercer comme l’Océan des Tropiques, me couvrir de Volupté dans la moiteur des ibiscus, me délecter du sel des coraux enlacés.

Je veux mourir dans le sang, la sueur et l’odeur des terreaux de mon enfance.

 


Les paradis de vertu sont des havres de solitude pour les marins americanos. Le bordel suinte de ses larmes d’exil dans l’odeur de la papaye verte et de la goyave. Des fillettes lunaires tortillent leurs jupes plissées sur les trottoirs de la Habana. Comment souhaiter le vent après la tempête si les ombres de la faim errent dans les taudis en fleurs ?

Ce soir, je pense à toi, ô bordel aux épices !

Que d’embruns sur ta peau encore tiède. Ton âge à ma fenêtre agite mes pensées et ombrage mon auréole.

Vivras-tu, mon enfant, jusqu’au corridor des désespoirs ? Ton aube est un jour trompe l’œil, qui écarquille les yeux des hommes, et fait trembler les jouvencelles.

Triste Europe, qu’as-tu fait des joyaux du Nouveau Monde ?

Nos frontières ont saigné aux horizons d’albâtre, le sel cicatrise nos océans de mémoire.

 


Ave Maria, où est le passage ?

Ô Immaculée conception, un pèlerinage brave les interdictions et le cortège des mulâtres se faufile le long des corridors blancs ! Les Espagnols se sont éteints sur des chariots de feux ! Les trophées de naguère roulent sur des autels de fortune dans l’ombre des grands hommes. La prière est un culte pour les déshérités.

À l’Est, on profane les dieux, à l’Ouest, on profane les hommes ! Que d’avenir pour les Lettrés!

Les porteurs de louange roulent les feuilles de tabac entre les cuisses des jeunes pucelles et les paraboles pleuvent dans les églises délabrées. La fraternelle complicité est un enjeu d’Etat, qui boira de cet élixir-là dans la retraite des Idoles ?

L’humaine condition n’a d’humain que sa progéniture. Le vieil homme se rappelle un combat innocent aux frontières des libertés.

La charrue s’est embourbée dans les montagnes de Vinales.

 


Je suis des vôtres. Je suis des vôtres lorsque se couche le soleil dans la rougeur violacée d’un ciel en émoi. Je suis des vôtres pour humer les vins de citronniers, de mirabelles, et de goyaves. Je suis d’ici et d’ailleurs, avec dans mon capuchon d’aventurier le croassement du corbeau sur les plaines de septembre et l’envol des échassiers sur les étangs salins.

Quel siècle nous sépare ? Qui sont ces imposteurs qui marchandent la vertu des Braves ?

Les épines semées sur leur passage ont fait jaillir le sang des pieds des esclaves, et le paysan révolté en a oublié le sens profond sous la roche des champs. La perversion n’a ni visage, ni nom, elle couvre de son manteau d’été tous les hivers du monde. Et l’Humanité en oublie son pacte.

Quelle espèce à venir pour la nature de l’homme ?

Pas la mienne.

 


Je lis dans les coquillages de Gorée. Le vent s’est joint à la déroute. Le marabout s’est fait marchand du temple et mangeur de serpents. Les imaginaires déambulent dans les ruelles sableuses du négoce.

L’Occident triomphant est là, quelque part sous l’asphalte reconstitué !

Une orgie de corps bruts ! L’Inconscient exsangue

Je voudrais délivrer ces frères de laid des bateaux blancs, alléger la fuite et rendre supportable le soleil d’Allah. Mais l’église rappelle le vertige des prétentions. Des animaux apeurés se sont cachés dans l’entrebâillement des frontières de sel. Je cherche le geste dénué de profit, et l’île s’effondre sous tant de voyeurisme. Aucun péché à racheter, l’empreinte est brûlante.

Vivifiante soit la source de Gorée comme un mea culpa pour les Héritiers aventureux !