Accueil des migrants à la Préfecture de Créteil : témoignages

En tant que bénévole à la CIMADE je publie ici avec leur autorisation les témoignages écrits de deux femmes, la première, française qui souhaite faire venir sa mère libanaise, veuve âgée de 74 ans qui vit seule. Elle a trois enfants français et tous s’engagent à prendre en charge leur mère et grand-mère. Elle peut prétendre à une carte visiteur, même si elle n’avait pas assez d’argent pour que le Consulat de France lui délivre un visa long séjour.

« Je me suis présentée à la préfecture avec ma mère et mon fils, la même dame au guichet 8 nous a désagréablement accueilli  et n’a pas voulu nous donner ni son nom ni un rendez-vous.

Alors, je me suis dirigée vers l’accueil et j’ai expliqué ma situation à un monsieur très humain qui nous a demandé de patienter. Au bout d’une demi heure d’attente, la même dame nous a appelé et nous a donné un rendez-vous le 30 Mai tout en précisant qu’on obtiendra rien du tout, ni récépissé ni carte de séjour. Je vous répète exactement ses propos. Je lui ai alors posé la question :Le rendez-vous c’est pourquoi alors?. Elle m’a dit : »c’est pour refuser votre demande et renvoyer votre mère dans son pays. »

ça m’a vraiment fait beaucoup de peine, même si on a tort au niveau des dossiers, je ne crois pas que l’on mérite d’être traités d’une telle manière.

Cette même dame a déchiré le document d’un pauvre monsieur. Quand le Monsieur a demandé de quel droit vous déchirez ma convocation, elle lui a rendu le document déchiré bien sûr sans lui adresser la parole.

Excusez-moi si je vous raconte les détails car le comportement de cette dame m’a vraiment blessé.

Mme A.

La seconde est tunisienne. Elle est en France depuis dix ans et travaille sans papiers (avec son numéro d’étudiante) depuis cinq ans. Elle peut prétendre à une régularisation selon la circulaire VALLS du 28 Novembre 2012. Voici sa lettre adressée au Préfet du Val de Marne.(Créteil).

« Je suis actuellement enceinte de neuf mois, je travaille et je déclare mes revenus depuis cinq ans et le 27 Février dernier je suis sortie en congé maternité.

Depuis la sortie de la Circulaire du 28 Novembre 2012, j’ai décidé de déposer un dossier pour réexamen de situation. J’ai obtenu un premier RV  pour le 28 Décembre sauf qu’il manquait des timbres donc je suis sortie acheter les timbres en courant malgré mon état de santé enceinte de six mois et je suis revenue dix minutes plus tard redonner les timbres à l’agent sauf qu’elle ne voulait pas les accepter et elle a haussé la voix pour me dire devant tout le monde qu’elle n’est pas ici pour me faire plaisir et elle m’a donné un autre RV pour le 28 février. Tous ceux qui étaient à la préfecture même ses collègues étaient choqués par son attitude. Les policiers qui m’ont vu courir et appris qu’elle ne voulait pas prendre mes timbres étaient aussi écoeurés par son attitude et ils m’ont demandé d’écrire une lettre à l’administration. Mais qu’est ce que je peux bien faire contre eux. je me trouve en situation de faiblesse dénudée de mes moyens de défense et de mes droits et je ne peux rien faire et ils ont raison de laisser cours à leur pouvoir et leur méchanceté car on ne peut que subir et ce genre de personnes le savent bien.

…..

Je me suis présentée à vos guichets le 28 février et je me suis vu répéter le même scénario. report du RV au 23 Mai parce que cette dame ne conçoit pas que la taxe d’habitation est une preuve de domicile.

Aujourd’hui je me trouve enceinte de neuf mois. bientôt je vais accoucher et sans ressources, incapable d’assumer mon futur bébé à cause de ce décalage de RV à chaque fois. Je suis allée voir quelqu’un du service d’enquêtes au 2° étage. La personne au guichet m’a demandé d’essayer d’avoir un RV par Internet (un service qui ne marche jamais) (la blogueuse confirme). Elle m’a précisé que la prochaine fois s’il manque un papier, ma demande sera définitivement annulée et plus le droit à la régularisation!!!

Mon état de santé s’est détérioré depuis et je déprime.

Monsieur le Préfet, je sollicite votre aide. Je ne demande pas à transgresser vos lois ou à être favorable mais tout simplement à respecter mon état d’urgence.

Moi je sais que je vais avoir mon titre de séjour un jour et même devenir française et mon fils aussi comme tous ses cousins et je ne souhaiterais pas avoir en mentalité cette France à la préfecture car elle est totalement opposée à ce que je vois en réalité.

Mme B.( extraits de sa lettre)

Il s’agit de deux témoignages parmi tant d’autres.

Je sais que beaucoup d’agents en préfecture font ce qu’ils peuvent face à une demande croissante et des effectifs probablement stagnants.En les voyant agir, en lisant ces témoignages, je me rappelle de mon père nous décrivant après la guerre sa bataille avec les administrations pour récupérer notre appartement qui nous avait été confisqué parce que nous étions juifs. Comparaison n’est pas raison mais le mépris affiché de certains agents de préfecture fleure bon le racisme.