Bonnet d’âne pour l’Europe sociale

En 1997 le Traité de Nice instaurait le vote à la majorité qualifiée dans certains domaines. Restaient votés à l’unanimité les mesures d’harmonisation dans le domaine de la sécurité sociale et de la protection sociale. Le Traité d’Amsterdam et le Traité de Lisbonne ont étendu la majorité qualifiée à d’autres questions mais ont laissé l’unanimité comme règle pour les questions sociales.
Comment s’étonner ensuite du dumping social quand on voit par exemple que le SMIC n’existe pas dans la plupart des pays européens et que la protection sociale y est le plus souvent moins développée qu’en France ? (ceci serait bien sûr à nuancer)
Rappelons qu’un million de travailleurs sont détachés en Europe dont la majorité dans le BTP , l’Agriculture et les transports.
En 1996, une Directive « Détachement » a vu le jour: elle établissait un ensemble de règles obligatoires relatives aux conditions de travail d’un travailleur détaché dans un autre Etat membre. Ainsi, si un Etat membre prévoit des conditions d’emploi minimales, ces dernières doivent s’appliquer aux travailleurs détachés. Cela concerne la durée du travail, le repos hebdomadaire, la rémunération minimale, les congés payés.
Cette Directive ne concerne pas les prestations sociales
Par ailleurs, les contrôles effectués sur son application sont rares voire inexistants.
C’est pourquoi les ministres européens voulaient réformer en cette fin d’année cette Directive pour éviter les abus. Aucun accord n’étant intervenu, la négociation a été remise.
La France, les Pays-Bas, le Luxembourg et la Belgique sont pour une réforme qui permette de donner à l’UE des outils juridiques qui l’autorisent à lutter efficacement contre les abus frauduleux des détachements.
Par contre la plupart des anciens pays de l’Est ainsi que le Royaume Uni sont opposés à un surcroit de règlementation;
L’Allemagne a une position ambigue (en cours de négociation entre Angela Merkel et les socio-démocrates). En effet l’absence de SMIC en Allemagne lui permet de rémunérer très peu des travailleurs venus de l’Est notamment dans l’agro-alimentaire. Qui plus est, si la durée de leur contrat est inférieure à 24 mois, les charges à payer sont celles du pays d’origine.

Cette absence d’Europe sociale qui établit une concurrence entre les travailleurs des 28 pays européens est un serpent de mer qui montre l’une des failles de la construction européenne. Elle ne peut que favoriser l’europhobie .
Pour les gens de ma génération, après les deux guerres mondiales fondées, entre autres causes, sur un nationalisme étroit , la construction européenne était un rêve. Celui-ci risque de s’écrouler du fait même de l’incapacité des pays membres à sortir de leurs égoïsmes nationaux et de l’absence d’instances politiques en mesure de les y obliger.