La résidence (a.b.)

J’y arrivais de mon plein gré, certes, mais forcée par les circonstances, des menaces sur ma santé existaient. Il fallait m’en arranger.
La salle était immense, ronde, peu remplie le soir, trop à midi, c’était la foule, j’en avais peur.
Que des vieux. Cela fait de l’effet. On a peur. Ils sont laids, courbés, lents, tristes. Ainsi, je suis désormais l’un d’eux.
Avec le temps, on apprivoise la nouvelle réalité.
Ce n’est plus une foule, indistincte, menaçante.
C’est une femme, Roberte, elle a gardé un charme fou, une élégance habite son corps tout cabossé, ses yeux pétillent de malice et de vie.
C’est un vieil homme très doux, très voûté, très lent, il perd la vue, peu à peu. On me raconte que, quand sa femme était vivante, ils se promenaient ensemble en se tenant la main. Nous l’aimons tous. Il fait des poèmes, il regrette de ne plus chanter. A table, on lui donne les sachets de sucre que l’on n’a pas utilisé pour le yogourt. C’est devenue une douce tradition.
La douceur. En américain, on dit, care.
Il y a ici une atmosphère de gentillesse, car nous nous savons tous fragiles, nous nous aidons les uns les autres, nous respectons.
Sauf quelques-uns, quelques-unes, surtout, qui sont pleines de fiel, et se plaignent tout le temps, de tout, systématiquement.
C’est comme çà, c’est la nature humaine, il y a toujours du mal quelque part, il faut faire avec, savoir s’en protéger, ne pas se laisser infecter, garder la positivité si grande qui existe tout autour.
Je me plais bien dans cette résidence.
J’y ai découvert d’autres aspects de la vie, d’autres aspects humains, d’autres aspects sociaux.
La vie ici est tout aussi intense qu’ailleurs, et même plus, avec les visites, plus fréquentes qu’ailleurs, des ambulanciers emmenant ou ramenant de l’hôpital, et la proximité de la mort, qui semble nourrir la vie.
A.B.