A propos du combat féministe contre le harcèlement

Le texte qui précède risque d’être mal compris. Je souhaite y apporter quelques précisions
1- Les réactions des femmes et des féministes aux affaires Weinstein and co sont fondamentales et importantes. Elles permettront sans doute une avancée de la situation des femmes violentées, harcelées . Elles se sentiront plus autorisées à parler, à dénoncer.
2- la pétition Millet, Lévy, sur le droit d’importuner est malvenue et inopportune et à la limite de la stupidité dans ce contexte
3- Les féministes se sont toujours battues contre les violences faites aux femmes. Ce qui se passe permet un bond en avant de cette lutte.

Une fois précisés ces points, quatre remarques qui ne sont que des pistes de réflexion
1- Les femmes ne sont pas des « femmelettes ». Elles peuvent se défendre, insulter, porter plainte, quitter le domicile conjugal, refuser les grossesses multiples avec des conjoints violents. Il y a maintenant des lieux d’accueil pour les femmes victimes de violences (grâce aux combats des féministes des années 70 qui se sont battues pour créer les premières structures). Je suis blessée par toute victimisation collective des femmes en Occident.
2- Le mouvement actuel est à la mode, porté par des stars, en noir, en blanc sur tapis rouge. Tant mieux. Mais les modes passent et le combat des femmes harcelées, violées, voilées, mariées de force devra continuer partout dans le monde. Et c’est bien aux femmes d’assumer ce combat. Je suis en désaccord avec Christiane Taubira quand elle dit que le féminisme est un humanisme et qu’il est rendu faible par sa focalisation sur les femmes. Si le féminisme est faible c’est du fait de sa division, des luttes de pouvoir (comme partout), des réticences des femmes elles mêmes qui acceptent leur servitude. La servitude volontaire n’est pas seulement une spécificité masculine.
3- Je ne pense pas que le mouvement actuel permette aux femmes de montrer plus leur désir, d’en parler, d’en formuler les spécificités. La sexualité -hors violence- qui n’a pas cessé d’exister, est d’ordre privé. Les femmes n’ont pas besoin de pétitions pour dire la spécificité de leur désir. La timidité est un autre problème et il concerne aussi bien les hommes que les femmes.
4- Toute différence (de poids, de couleur de cheveux, d’habillement, de couleur de peau etc) peut susciter le rejet et même la haine, notamment chez les enfants conformistes pour la plupart d’entre eux. L’éducation à la liberté, au droit à la différence, au droit de dénoncer ses harceleurs(ses), dans la famille et à l’école permettront aux filles (et aux garçons) de s’assumer dans leur marginalité ou leurs différences et de mieux se défendre plus tard contre les imbéciles.

Ma dernière remarque est une question : Comment faire pour que ce combat de stars et de privilégiées(ce qui n’a aucun caractère péjoratif) atteigne les millions de femmes dans le monde tyrannisées par des pouvoirs politico-religieux ?

dessin de Claire Bretecher