La règle du jeu social n’est pas la morale mais le droit

La Morale (du latin mores, mœurs) est la science du bien et du mal.
L’enseigner aux enfants ou aux adolescents relève de la prouesse.
Comment enseigner le bien et le mal à des enfants venus de sociétés, de religions, de milieux sociaux différents, sans que cela conduise à des réactions opposées, voire violentes, notamment quand elle touche au statut des femmes ou à la place des religions.
La Morale évolue avec le temps : Qui aurait imaginé il y a encore 50 ans dans nos pays, le mariage pour tous ? A contrario, qui pourrait enseigner en 2020 que le suicide assisté pour les personnes malades ou dépendantes, est du côté du bien, (ce que nombre de français pensent) alors même qu’il est interdit par la loi et par les religions ?
Comment expliquer à des enfants que parmi les participants à ce jeu social, il y en ait de très riches qui refusent parfois de partager leur magot et de très pauvres qui meurent de faim. Ces inégalités font-elles partie du bloc Bien ou du bloc Mal ?
Si même des adultes censés penser rationnellement ont parfois du mal à différencier le bien et le mal, comment peut-on le faire comprendre à des enfants qui abordent la vie sociale, dans des conditions parfois difficiles.
Par contre les enfants jouent. Ils jouent à des jeux vidéos, ils jouent au football … Dans tous les jeux il y a des règles. On peut même dire qu’il n’y a pas de jeux sans règles. Si l’on touche le ballon avec la main, on reçoit un carton rouge et l’on peut-être exclu du jeu.
La société peut se comparer à un jeu, avec ses règles propres de coexistence. Ces règles constituent le Droit. Elles ont une histoire nationale et internationale qui permet de les remettre dans leur contexte et de comprendre leur évolution. Elles sont obligatoires pour tous et toutes. Tout manquement grave peut valoir une forme d’exclusion du jeu social. En d’autres termes, le droit sanctionne, pas la morale.
Certes, souvent l’application du droit laisse à désirer pour des raisons diverses. A titre d’exemples, on peut citer le manque d’agents ou de relais syndicaux pour le droit du travail, l’appréhension faussée par certains policiers ou juges des violences contre les femmes, l’absence de volonté du législateur de condamner – même quand les textes de loi existent- des pratiques économiques ou environnementales qu’ils estiment contraires à l’intérêt de l’économie capitaliste.
D’un autre côté, il peut y avoir à des moments historiques des lois scélérates (lois racistes) ou des lois attentatoires à la liberté (la loi interdisant de prendre en photo les policiers dans l’exercice de leurs fonctions) auxquelles, pour certains d’entre nous, notre idée du bien et du mal nous ordonne de désobéir.
Le droit dans un Etat démocratique ne prétend pas changer le monde. Il s’efforce d’organiser les relations humaines dans le sens de l’apaisement en tenant compte des contradictions inhérentes à toute société humaine.
Rappelons quelques unes des règles contenues dans la Déclaration des droits de l’Homme de 1789 ou dans le préambule de la Constitution de 1946 ou encore dans la déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948 :
– La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui (art 4 de la DDHC, 1789)
– La loi garantit à la femme dans tous les domaines des droits égaux à ceux de l’homme (art 3 du Préambule de 1946)
– Toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur le territoire de la république.(art 4 du même préambule)
– Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi.( art 10 de la DDH, 1789)
– La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme.(art 11 de la DDH, 1789)
– La volonté du peuple est le fondement de l’autorité des pouvoirs publics ; cette volonté doit s’exprimer par des élections honnêtes qui doivent avoir lieu périodiquement, au suffrage universel égal et au vote secret. (art 21 de la DUDH, 1948

L’enseignement de certains grands principes du droit, de leur histoire et de la difficulté de leur mise en œuvre ne semble pas faire partie des enseignements obligatoires dans les collèges et lycées. Seul le Bac STMG (Sciences et techniques du management et de la gestion) , comporte un enseignement de droit tourné vers les techniques du droit.

Pourquoi les principes généraux du droit ne sont-ils pas enseignés dans le secondaire ? Sans doute a-t-on peur d’ennuyer les jeunes avec des concepts et des techniques compliqués et inutiles.
Il s’agirait seulement de remplacer l’éducation morale par la sensibilisation aux règles essentielles et sanctionnées qui structurent notre jeu social. On peut espérer que cette approche loin de dégoutter les jeunes élèves, leur rendrait le droit sympathique et qu’ils comprendraient mieux pourquoi une règle juridique édictée pour le bien des citoyens doit être appliquée par tous.