Préface au Dépôt des locomotives, 1989.

 
Le Dépôt des locomotives, Pièce en un acte
Michel Diaz

ISBN : 2 85893 110 0
1989 – 88 p. – 120 x 195 mm
7.00 €



[Extrait de la préface:] … Comme tout auteur, Michel Diaz impose sa règle de jeu. C’est moins par le sens le plus immédiat de ses répliques qui révèlent les sentiments profonds que par le choc de ces répliques.
Ce qui m’a séduit, en premier chef, dans Le Dépôt des locomotives, c’est L’ESPOIR. Cet espoir est à la limite de l’impossible. Il est avant tout l’espoir de retrouver l’autre.
Nina et Michael s’expriment par monologues. Les différentes strates du langage se superposent, se complètent comme par échos dissonants, lointains mais douloureux. L’être, placé face à son miroir intérieur, prête un regard et une oreille attentifs aux images hallucinées et aux sons inquiétants, mal répertoriés. Ils semblent vouloir deviner le pourquoi des choses hostiles, d’un monde froid, ennemi. Dans la nuit lunaire, irréelle, ils livreront un combat délirant et robuste à la fois, atteignant un lyrisme et une démesure qui les projette dans une non réalité qui deviendra vite leur domaine magique et palpable.

Le choix du monologue, comme langage de communication, souligne un profond besoin de confessions. C’est une psychanalyse en vase clos. La parole linéaire, aux accents obsessionnels fait débonder le trop plein de souffrances accumulées d’amour manqué. La vélocité du langage et son rythme accéléré, les phrases souvent réduites aux  » mots-force « , aux  » mots-douleur « , nous mettent en présence d’un univers qui exprime des pulsions d’un moi mal vécu.

Dans Le Dépôt des locomotives le désespoir des personnages est profond, mais subsiste néanmoins l’ultime espérance d’un devenir encore possible dans l’évasion de soi et dans l’amour.

Georges Vitaly, Paris, 1989

LA NOUVELLE REPUBLIQUE, jeudi 25 mars 1989

 

     MICHEL DIAZ DANS LA COUR DES GRANDS

     A Langeais, le théâtre a réussi a se faire une place enviable, grâce au patient travail entrepris tant au collège, avec l’Autruche Théâtre, qu’au club des jeunes. Ceci permet à trois groupes de monter des spectacles, à un festival amateur d’avoir un public fidèle et jeune.

     Mais le collège est décidément fortement marqué par cet art, au niveau des professeurs de français, puisqu’un autre, Michel Diaz, a choisi, quant à lui, l’écriture.

     Depuis près de 20 ans, il s’exprime au travers de la poésie et du théâtre. Dès 1976, l’une de ses pièces est jouée à la Maison de culture d’Orléans, puis en 1977 le Théâtre du Pratos, à Tours, accueille « Le Verbe et l’hameçon« . En 1981-1982,  le poème « Cristaux de nuit », mis en musique par Jean-Marie Gibellini, est donné en concert à Tours, Rouen, Paris. Radio France-Culture produit « L’Insurrection » et s’intéresse à d’autres de ses textes.

     Mais c’est cette année que Michel Diaz entre par la grande porte dans ce monde du théâtre avec « Le Dépôt des locomotives ». En efffet, il a la chance d’être joué par une artiste de grand talent, Maria Casarès, accompagnée de François Perrot et mis en scène par Georges Vitaly au Théâtre Moufferard , à Paris.

     Maria Casarès a relevé l’écriture très personnelle de Michel Diaz comme un défi à son expérience et elle a voulu redonner toute la poésie, la musique de cette langue de notre temps.

     Mélange de tragédie et de comédie que cette histoire d’un vieux couple qui, attendant la mort dans une maison de retraite, réinvente la vie au cours d’une dernière nuit.

     Voilà donc le professeur de collège de Langeais arrivé dans la cour des grands, situation que beaucoup d’autres ont connue avant de devenir des auteurs consacrés.

LE QUOTIDIEN DE PARIS, lundi 13 mars 1989

 

     THEATRE 

     LE DEPOT DES LOCOMOTIVES

    de Michel Diaz. Mise en scène de Georges Vitaly. Décor: Agostine Pace. Avec Maria Casarès, François Perrot, Nadine Servan, Valentine Varela. Au Nouveau Théâtre Mouffetard jusqu’au 26 mars.

     Partir disent-ils

      Dans un décor net et vivement coloré de grillages métalliques, un décor tranchant mais non pas froid, un décor que les luminaires transfigureront au fil de la représentation (il est signé Pace), Georges Vitaly lance les personnages de Michel Diaz comme dés sur un plateau existentiel: c’est le destin de tout homme qui va se jouer là, par delà l’anecdote cruelle et lumineuse. Deux soeurs aux paupières outrageusement peintes, deux nonnes terribles, infirmières de l’enfer, malmènent deux pauvres petits vieillards soumis, affaissés dans des chaises d’invalides. On est dans un hospice. Elles ont bien autre chose à faire que prendre le temps du coeur. On est dans un mouroir. Michel Diaz, jeune auteur, brosse un tableau violent de l’institution, on n’ose croire que ce soit vraiment la réalité. Il accuse les traits, creuse, noircit. Mais, bien sûr, le spectateur sera touché car l’outrance ne fait que dévoiler ce qui existe vraiment: l’exclusion de la vieillesse.

     Abandonnés à leur nuit, les deux complices, Nina et Michael, vont échapper aux brimades, tenter de s’échapper sur les voiles du rêve: souvenirs et regrets mêlés, espoirs battants comme oriflammes. Michel Diaz a de jolies formules, quelques bonheurs d’écriture que porte un style « foisonnant » aux accents oniriques. Mais le mouvement dramatique est assez confus et rien dans la mise en scène, un peu trop en retrait par rapports aux propositions exigeantes du texte, n’en éclaire la progression. Mais parce que François Perrot et Maria Casarès incarnent ce vieux couple à l’insolente et vaillante jeunesse, on est ému, intéressé. Perrot, avec beaucoup de retenue, de pudeur, Casarès en un jeu qui ne la ménage jamais – car têtue, contradictoire est cette Nina aux fêlures de Mouette -, ces deux grands acteurs se dépensent sans compter pour défendre un jeune auteur qui a des faiblesses. Ils le font avec tant de coeur  et de fermeté qu’on ne peut  qu’être touché. Ils prennent des risques. Ils sont passionnés. Même s’ils se trompent d’histoire d’amour, il faut les suivre, aller les voir. D’une bluette, ils font vrai théâtre.

     A. H.

    

LE CANARD ENCHAINE, 8-14 mars 1989


Le dépôt des locomotives

(Un bon petit train)

     Ce dépôt, c’est la ferraille, la casse, le rebut où l’on jette les locomotives humaines à bout de course. Une maison de repos qui porterait mieux le nom de maison de tourment: c’est là qu’ont échoué Maria Casarès et François Perrot, Nina et Michaël, en fin de parcours. Bouts de bidoche fanés, ils y butent sur l’humilation d’être devenus des légumes qu’on lève, qu’on lave et qu’on égoutte sans même les écouter, entre les mains de leurs insupportables infirmières, Nadine Servan et Valentine Varela, qui gloussent et caquètent, roucoulent et clabaudent sans retenue ni pudeur, indifférentes, sadiques, scandaleuses de vie.

     Une nuit, ils s’évadent. Ils se libèrent de leurs chaises roulantes. Ils font le mur. En un dernier soubresaut, ils empoignent les crinières du rêve, guidés par le souvenir. Laissés-pour-compte de l’existence, ils interrompent leur fin de partie pour galoper en plein azur, harcelés, pourchassés, fugitifs, fouillant l’un l’autre leurs plaies vives, et les pansant au baume de la tendresse, jusqu’au fin bout du monde, jusqu’au bord de l’abîme.

     C’est – à ma connaissance – la première pièce de Michel Diaz, en tout cas la première à être montée par des professionnels d’un aussi haut talent. Il convient d’autant plus de saluer d’un grand coup de chapka l’audace tranquille de l’éternel jeune homme Georges Vitaly: depuis Beckett et Ionesco, combien d’auteurs en culotte courte, au talent d’abord jugé déconcertant, sont passés entre ses mains? Après Victor Haïm, Bourgeade ou Varoujean, il s’acharne à démontrer qu’il y a des auteurs français: que n’a-t-il davantage d’émules!

     Maria Casarès et François Perrot jouent le jeu avec superbe. Diaz ne leur a pas livré un texte facile: tourbillonnaire comme une galaxie, avec des pépites d’une intense beauté, charriées dans un flot parfois plus flou. Ils s’y attaquent avec une fougue, un primesaut juvénile dont le souffle culbute, et qui s’infiltre dans nos veines: c’est cela le miracle de l’élan Vitaly…

     Bernard Thomas

 

LA CROIX, 8 mars 1989


     LE DEPOT DES LOCOMOTIVES au Nouveau Théâtre Mouffetard

    Bien sûr, le sujet n’est pas très neuf: deux pensionnaires pour maison de repos entre mouroir et prison – de ceux qui « se cramponnent », qui « s’agrippent » – décident de s’évader et prouvent, tout au long de cette folle cavale, que l’aspiration à la vie n’est qu’une question de désir et de respiration. Bien sûr, l’écriture de Michel Diaz, un rien apprêtée, fait un peu avant-garde désuète – ô héritage de Beckett, Ionesco… voire Arrabal. Pourtant, on se laisse prendre par à-coups à cette fuite d’amour et de mort moins réelle que rêvée. Cela tient en partie à la mise en scène de Georges Vitaly, discrète mais efficace dans son élégante manière de canaliser les débordements quelque peu redondants du texte. Cela tient surtout aux têtes d’affiche sur le plateau: François Perrot et Maria Casarès. Lui, héros fatigué, jouant les mots, les idées qui lui viennent comme s’ils venaient de naître dans sa tête. Elle, magnifique comme il se doit et toujours aux aguets, vaticinant en silence ou savourant à l’avance, oeil mi-clos, sourire aux lèvres, le verbe qu’elle appelle de si loin et qu’elle profère. Rien que pour la voir et pour l’entendre, ce spectacle vaut la peine d’être vévu…

     D. M.

LE PARISIEN LIBERE, 21 février 1989

  A L’AFFICHE

MARIA CASARES PREND ENCORE DES RISQUES

     D’Euripide à Michel Diaz, un auteur tout neuf, professeur de lettres à Tours; c’est toujours avec cette dévorante passion du théâtre qu’on découvre Maria Casarès sur la scène du Tourtour dans « Le Dépôt des locomotives », entourée notamment de François Perrot, dans une mise en scène de Georges Vitaly. Une Maria Casarès toujours très émouvante et qui sert ce texte avec perfection… […] Nous découvrons ici une langue particulière, tout autant dramatique que poétique (ce n’est plus si courant!), ce qu’en parlant littérature on nomme une « langue d’auteur »… 

     Agnès Dalbard

LE FIGARO, 21 février 1989

     Maria Casarès

l’ensorceleuse

Elle a le charme des monstres quand ils sont sacrés.

Dans « Le Dépôt des locomotives », une pièce du jeune poète Michel Diaz,

elle est une fois de plus… la locomotive.

     […]

     « Le théâtre, c’est un creuset de sorcellerie, on y déverse ses démons. Il n’y a pas d’un côté le diseur et de l’autre le voyeur. Pour qu’il y ait théâtre au sens où je l’entends, il faut qu’il y ait risque. Mais si les spectateurs sont avec vous, ils peuvent vous donner du génie. »

     Maria Casarès tient de la fée et de la sorcière. Elle a conservé intact son pouvoir d’envoûtement. Intactes sa foi, sa force, sa générosité, son rire, sa vitalité, sa vertu de ne jamais être là où on l’attend, monstre sacré, étouffé par les honneurs, mais éternelle comédienne en quête de passion.

     Elle crée vendredi au Théâtre Mouffetard Le Dépôt des locomotives de Michel Diaz avec François Perrot, sous la direction de Georges Vitaly.

     « La pièce annonce un jeune poète de théâtre. C’est un très beau texte sensible et fort à la fois, traversé d’images fulgurantes. J’ai été touchée par son univers onirique et picaresque, sa langue littéraire, recherchée, et dans le même temps, écrite comme en se jouant, à la diable, dérapant vers des expressions populaires.  Une langue qu’on a plaisir à se mettre en bouche et totalement théâtrale dans sa facture. »

     Michel diaz, poète (Le Miroir de sable) est en poste à Tours où il est professeur. Pour la première fois, il est joué à Paris. Le Dépôt des locomotives, c’est l’histoire d’un couple qui achève ses jours dans une maison de retraite. Il décide de quitter cet endroit qui les étouffe. Et c’est le départ vers la mer, la traversée du désert, l’arrivée sur la terre promise. « Mais s’enfuit-il? interroge Maria Casarès. N’est-ce pas dans l’imagination du couple qu’a véritablement lieu cette cavale? Finalement la pièce tente de répondre à une question clé: quelle route peut-on prendre pour aller à la mort sans abandonner l’idée de vivre jusqu’au bout?… C’est, après tout, une question essentielle. »

     […]

     Marion Thébaud

     

LE QUOTIDIEN DE PARIS, 20 février 1989

     THEATRE MOUFFETARD

LE DEPOT DES LOCOMOTIVES

DE MICHEL DIAZ

CASARES DEFEND UN JEUNE AUTEUR

     C’est au Rond-Point qu’on la retrouve. C’est là qu’elle répète. Chez les Renaud-Barrault. Sa grande famille de théâtre. […]

     « C’est si délicat, une écriture nouvelle », Maria Casarès se confie à Armelle Héliot pour le Quotidien de Paris… Toute énergie bandée, impétueuse, toujours éclatante d’intelligence, de jeunesse, de joie mystérieuse, Maria Casarès, belle infiniment et simple, majestueusement. Souveraine à la recherche d’un paquet de cigarettes. Il faut bien que l’angoisse parte en fumée! Elle rit et c’est plus de quarante ans de la grande histoire du théâtre et du cinéma qui est là, offerte. Oh! ne comptez pas sur elle pour effacer de son parcours les premières stations. « Deirdre des douleurs », c’était 1942-1943, et son premier spectacle avec Georges Vitaly, c’était en 1946: Les Epiphanies de Pichette, poète que certains cuistres faiseurs de dictionnaires oublient, mais qui est bien là, dans les plis d’une langue magnifique.

     C’est Vitaly que Maria Casarès retrouve aujourd’hui donc, pour encore une fois créer un auteur, un jeune auteur, un écrivain tout neuf.

     « C’est Georges, en effet, explique-t-elle, qui a reçu cette pièce et, l’ayant lue, m’a appelée. Il y a déjà un certain temps. Mais j’avais d’autres engagements… Pourtant, je tenais particulièrement à jouer ce texte que je trouve d’une vitalité extraordinaire, insensée! Il y a une virtuosité d’écriture tout à fait fascinante, quelque chose qui ne peut que mettre en appétit un acteur! »

     Michel Diaz, l’auteur, est professeur de lettres à Tours. Une de ses pièces a été diffusée par France-Culture en 1985: L’Insurrection. Sujet: l’Algérie. Il a écrit des recueils de poèmes (Le Miroir de sable) et d’autres pièces que ce Dépôt des locomotives que Vitaly crée aujourd’hui. Le metteur en scène signale d’ailleurs à l’attention d’autres textes: Tangos et Trois impromptus pour clarinette seule.

     « Ce qui me plaît, dit Maria Casarès, c’est de plonger dans un univers de notre temps, cela procure  un sentiment de virginité… Mais créer la pièce d’un auteur nouveau, cela fait trembler aussi… On prend un risque, on fait courir un risque à l’écrivain… »

     Deux personnages, Michael, que joue François Perrot, et Nina. Fin de vie dans une maison de retraite tenue par des soeurs. « Ils ne peuvent plus supporter d’être là et souhaitent aller au bout d’un chemin: ils réinventent leur vie… Ils traversent cauchemars, rêves, paysages… Une histoire de couple. Un homme, une femme. Avec tout ce que cela peut comporter de malentendus parfois… Ils ne se ressemblent pas; lui, ce sont les mots, la création, les images… Elle, ce sont la terre, les relations plus sensuelles aux choses, plus sentimentales aussi… »

     Casarès en parle bien de cette pièce, avec toujours cette gourmandise de ton et cette flamme magnifique dans l’oeil qui brille…

     La pièce, qui s’ouvre sur une scène avec deux autres comédiennes (Valentine Varela et Nadine Servan), s’appuie tout entière sur ce rêve à deux: « J’aime beaucoup ces textes à deux personnages, dit Maria Casarès. J’ai joué déjà ainsi dans Cher menteur avec Pierre Brasseur et dans Le borgne est roi avec Sami Frey… C’est très fatigant, mais très passionnant… »


LE NOUVEL OBSERVATEUR, 16 février 1989


LE DEPOT DES LOCOMOTIVES

de MICHEL DIAZ

LA DERNIERE NUIT

     Un jeune auteur, professeur à Tours, qui, pour ses débuts, a la chance d’être joué par Maria Casarès, cela ne se voit pas tous les jours! C’est ce qui arrive à Michel Diaz pour son « Dépôt des locomotives », qui affronte les feux de la rampe au théâtre Mouffetard le 21 février. Loin de jouer les divas, la grande Casarès se fait toute petite: « J’ai une peur bleue de le trahir!, dit-elle de sa voix célèbre, c’est pire que Shakespeare! Toutes les pièces posent des questions, mais avec les classiques, on a déjà des césames, de vieilles familiarités, même si les acteurs doivent être toujours neufs, vierges. Ici, il s’agit d’entrer: mais par où, comment? La pièce est un mélange de tragédie et de cocasserie, elle peut se prêter à plusieurs lectures. François Perrot et moi incarnons un couple très âgé qui est dans un hospice. Il va passer sa dernière nuit: comment inventer encore de la vie pour aller jusqu’au bout? C’est une nuit onirique, un voyage à travers des déserts, des océans, mais un périble immobile, un rêve ou cauchemar cocasse. La pièce me fait penser à certaines histoires juives: nous parlons beaucoup de la Bible, nous revivons l’histoire du monde. Peut-être suis-je Eve? Le monde est montré comme un ennemi souvent atroce. Un autre thème est celui des mots, de la culture, de la création. Nina, mon personnage, est la femme terrienne, viscérale, sensuelle. Dans leur affrontement, Nina et Michael se butent et s’entraident, toujours comme si, entre eux, ils poursuivaient un jeu ininterrompu. »

     Comme metteur en scène, Maria Casarès retrouve Georges Vitaly, qui ne l’avait pas dirigée depuis… 1946! « C’était pour Les Epiphanies de Pichette avec Gérard Philipe… Georges possède à la fois la douceur et l’humour. Il a aussi une peur, celle de gêner l’imagination des acteurs dans leur cheminement. Il faut un directeur, un chef d’orchestre, mais on propose et on prend des deux côtés. Les comédiens, je les aime tout nus, en train de travailler: quand ils n’ont pas encore sur le visage le masque de leur personnage. Voilà ce qui me porte le plus loin. »

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                Bruno Villien

 

LIBERATION, lundi 4 novembre 1985

     L’Insurrection, de Michel Diaz.

    Une pièce (un récitant, un choeur de femmes) qui semble vouloir renouer avec la forme de la tragédie primitive. Et le sujet se prête au genre de la tragédie: l’insurrection algérienne, la guerre et le déchaînement de ses violences.

     Ce texte, conçu pour la scène, se prête au traitement sonore qu’exige une dramatique radiophonique. Et y gagne peut-être même en intensité. On est alors, devant son poste, comme à l’écoute du chaos qui secoue le monde, car cette guerre-là c’est aussi l’écho de toutes les autres qui ne finissent pas de le faire trembler.

     Dans le rôle principal du récitant, S. Amidou qui doit certainement renouer avec d’autres souvenirs de théâtre puisqu’il a créé le rôle de Saïd dans Les Paravents de Jean Genet, au début des années soixante.  C’est lui qui porte le texte de M. Diaz sur les épaules, à bout de voix, avec des accents de révolte et une émotion retenue qui ne nous laissent pas indifférents.

     Réalisation Jacques Taroni, France-Culture, lundi 4 novembre 1985, 20h 30.