Quand j’étais jeune inspectrice du travail, je m’habillais tout en noir, portait un très lourd cartable noir et des lunettes cerclées de noir.
J’avais 27 ans, en paraissait moins et je m’imaginais que pour être prise au sérieux par les patrons, les ouvriers sur les chantiers, les militants syndicaux, il fallait que je disparaisse en tant que jeune femme éventuellement séduisante. J’ai tellement disparu que j’ai failli devenir invisible.
Nous ne parlions jamais de fringues dans les organisations de gauche auxquelles j’appartenais à cette époque.
Ce n’est que beaucoup plus tard que j’ai osé affirmer que « les petites jupes font aussi partie de l’Histoire » et revendiquer la superficialité comme l’un des éléments de notre vie sociale, reposante. Cela ne veut pas dire que seule la superficialité rend la vie supportable. Mais elle aide.
Puis vint le MLF. Entre femmes nous nous autorisions à parler chiffons, à faire du shopping même si nous culpabilisions. C’est au MLF que j’ai compris que la vie de militante peut être joyeuse, et que la superficialité n’est pas forcément là où les valeurs dominantes dans un groupe la remisent.
Et pourquoi voulions-nous changer le monde sinon pour le rendre certes plus juste mais aussi plus joyeux.
Le deuxième fil conducteur se trouve entre la recherche de la jupe et le fonctionnement économique de ce pays. Les impératifs de la mode sont perçus par les derniers maillons de la chaîne commerciale comme des diktats. Il s’agit d’habiller la jeune fille entre 17 et 25 ans, faisant du 36/38…etc, ou encore la jeune femme chic entre 30 et 50 ans, atteignant rarement la taille 40, dotée d’un confortable budget vêtements et qui peut dépenser 300 euros pour chausser ses pieds.
Les autres- trop rondes, trop vieilles, trop grandes, trop petites etc ne constituent pas un « marché » rentable.
En termes économiques, il s’agit d’un raisonnement absurde. Il y a beaucoup plus de gens (femmes et hommes) dans cette dernière catégorie que dans les deux premières. Les gens qui la composent ont souvent un peu d’argent à dépenser. Cette fermeture, cette obéissance aux décideurs, conduit les commerçants à perdre de la clientèle au nom d’idées reçues.