Elio Cohen-Boulakia n’était pas « connu » au sens vulgaire du terme. C’était juste quelqu’un de bien.
Né en Tunisie en 1930, il est mort le lundi 17 Octobre 2013. Il a été enterré dans un petit cimetière de Savigny sur Orge, entouré de sa femme adorée Lucie, de ses trois enfants, de ses petits enfants et de ses nombreux amis.
Il avait voulu un Kaddish laïque qu’un de ses amis philosophe a lu. Il y a eu une petite prière (laïque) en arabe.
Elio était pour moi un modèle : Né dans un milieu sépharade modeste et religieux, il avait souhaité rester en Tunisie pour y enseigner. Il ne partira qu’en 1962.
Dans un article remarquable publié dans : »La Méditerranée des juifs » (L’Harmattan, 2003) il racontait pourquoi Il avait décidé de quitter sa Tunisie tant aimée. » Il m’aurait fallu beaucoup de courage pour maîtriser l’arabe classique, langue bien plus élaborée que ne l’était le judéo-arabe, beaucoup de courage aussi pour m’accommoder du handicap de ma condition de juif dans le combat citoyen que j’aurais eu à mener aux côtés d’autres Tunisiens si j’avais tenté de rester. »). Il ne deviendra français qu’en 1964.
Il nous fait découvrir dans le livre précité comment une partie des juifs tunisiens dans les années 80 a rompu avec le judaïsme sepharade accusé de « privilégier la clémence miséricordieuse d’essence abrahamesque sur la prééminence dogmatique de la Loi. »« Ces juifs se sont ralliés à la mouvance Loubavitch, se rattachant à la tradition hassidique. » C’est par un rejet violent du judaïsme sépharade de leurs pères, que leur crise identitaire allait trouver son dénouement. »
En France Elio a participé à l’Association Coup de Soleil, association culturelle qui rassemble ceux qui ont un lien de vie et d’amitié avec la Maghreb. En même temps il était membre du cercle Gaston Crémieux créé en 1967 par des intellectuels juifs , laiques, a-sionistes, diasporiques, qui estiment que les cultures minoritaires ont leur place dans la société française, sans nier le Pacte républicain.
Elio avait tenu à représenter Le Cercle Gaston Crémieux au Forum social Mondial à Tunis où il fut beaucoup question de la jeune révolution tunisienne.
C’est pour toutes ces raisons que j’ai tenu à la saluer ici. C’était un tunisien français, juif, amoureux de la culture arabo-berbère, ouvert sur le monde.
Elio, tu vas terriblement nous manquer. Des Justes comme toi sont rares. Trop de gens , français « de souche », Français d’origine étrangère, juifs ashkenazes ou sépharades, musulmans…etc ont tendance à se replier sur leur micro culture et oublient que le monde est riche de sa pluralité de traditions, de cultures et qu’une vie ne suffira pas à en faire le tour;
Merci Elio