En ces temps de commémoration on n’arrête pas de citer ce passage de Lettre à un ami allemand (1943) : » Nous luttons justement pour des nuances, mais nuances qui ont l’importance de l’homme même. Nous luttons pour cette nuance qui sépare le sacrifice de la mystique, l’énergie de la violence, la force de la cruauté, pour cette faible nuance encore qui sépare le faux du vrai et l’homme que nous espérons des dieux lâches que vous révérez. »
Quand j’ai écrit sur l’exclusion, sur les petits abus de pouvoir quotidiens, sur la Politesse, c’est le fil ténu entre les plus petits comportements humains négateurs de l’existence même de l’Autre (Par ex :ce grand jeune homme qui l’autre jour dans le métro voulait ignorer la foule et restait assis sur un strapontin, étendant ses grandes jambes tout en lisant un article sur « la santé par les plantes ») et les petits ou grands meurtres que des êtres humains sont capables de commettre.
Ces petits meurtres peuvent commencer par l’ignorance et le mépris d’un(e) autre et continuer par le refus de catégories entières d’êtres humains.
La politesse pour moi n’a rien à voir avec les moeurs de l’Ancien Régime, même si elle y trouve son origine historique. Elle montre juste (et c’est déjà beaucoup) que j’ai VU l’autre , que j’ai conscience de son existence et de la fraternité ou de la sorrorité qui m’unit à elle ou à lui, parce qu’il/elle est un être humain.
Bien sûr, je ne dis pas que mon grand jeune homme affalé sur son strapontin va trucider ses voisins dès qu’il sera rentré chez lui !
Il s’agit juste par ce thème de la politesse de souligner des nuances qui peuvent profondément modifier notre quotidien et notre rapport à la violence, la différence que fait Camus entre l’énergie et la violence.