Depuis que j’ai fait l’acquisition d’un petit appartement au bord de la mer, je peux observer la magnificence de ses couleurs, de sa densité, à toute heure du jour. J’admire les chevaux, les chiens, les oiseaux, les grand-parents qui creusent des trous sous les yeux intéressés de leurs petits-enfants.
De ma fenêtre, j’aperçois aussi la piste cyclable qui longe la mer.
Cette piste m’a redonné envie de monter sur un vélo. Cette idée banale allait se révéler presque irréalisable.
Il y a deux ans, ne me doutant pas de l’extrême difficulté de la tâche, j’ai commencé par me rendre dans les grandes surfaces. Là, il y avait des vélos mais une absence totale d’êtres humains qui auraient pu m’aider à les détacher ou à les essayer.
J’ai continué par les boutiques parisiennes qui pullulent. Cela a donné grosso modo le dialogue suivant :
» Bonjour Monsieur. Je cherche un vélo qui me permette d’avoir en même temps les fesses sur la selle et les pieds bien arrimés sur terre. Je n’ai jamais appris à faire du vélo autrement. J’ai peur de tomber à mon âge mais en même temps, je voudrais tellement retrouver ce plaisir. Excusez-moi de vous compliquer la vie. » Ouf
» Bonjour ma petite dame. Mais vous ne m’ennuyez pas du tout. Ne bougez pas, je vais vous trouver çà tout de suite. »
Oh attente, Oh Espoir !
L’arrivée du vélo qu’il me faut me plonge dans la panique. Je ne vois pas comment je vais parvenir à soulever ma jambe, hantée par une sciatique persistante, par dessus les trois barres transversales. Une fois parvenue à les escalader sur l’insistance du vendeur, la selle même surbaissée m’arrive au milieu du dos.
Je renouvelle mes excuses que le vendeur ne refuse pas (c’est donc bien moi qui suis coupable d’après lui) quand il ne murmure pas une phrase du genre :' »En même temps, si vous ne faites pas d’effort ! »
Je passe sur l’épisode du vélo pliable à toutes petites roues acheté une fortune et qui m’a valu une quasi impossibilité de marcher dans les heures qui ont suivi son utilisation.
Je ne résiste pas cependant à raconter deux épisodes de cette saga qui en dit long sur la capacité des commerçants de ce pays à sortir de la normalité (ou de ce qu’ils considèrent comme telle)
Le premier se passe dans un magasin qui se nomme Sport 2000. Pendant que la patronne m’explique que si elle commande un vélo XS , elle est obligée d’en commander dix et qu’elle doit donc attendre 9 autres demandes de nabots avant que je puisse essayer le vélo qu’il me faut, un jeune stagiaire qui assiste à notre passionnant échange déclare : »Madame, vous feriez mieux de renoncer à faire du vélo à votre âge! »
Le deuxième se passe au téléphone avec un fabriquant de vélo bas normand connu pour son professionnalisme.
« Bonjour monsieur; je cherche un vélo…etc »
« Je vous arrête tout de suite madame. Chez G., nous faisons du travail sèrieux. La bonne position sur un vélo, c’est les fesses sur la selle et les pointes des pieds par terre. Il n’y en a pas d’autres.Toutes les autres positions ne sont pas correctes. »
» Ah bon, merci , je dois donc renoncer à faire du vélo parce que je suis petite et trouillarde ? »
« Vous pouvez toujours passer, mais je n’ai pas en rayon la taille XS et… »
‘Et vous devez les commander par dizaine, c’est çà ? »
L’histoire s’est finalement bien terminée. J’ai trouvé le vélo de mes rêves et de ma jeunesse sur le Bon Coin.fr, tout près de chez moi et en plus, la dame me l’a transporté.
J’ai même eu le courage de prendre la piste cyclable au bord de la mer et je n’ai (presque) plus peur de tomber.
Dans le même ordre d’idées, il y a l’achat du jean qui ne moule pas, des chaussures pour pieds mal foutus etc
Clap de fin