Kamel Daoud est algérien. Il est né en 1970 à Mostaganem.
Il a fait toute sa scolarité en arabe, comme la plupart des enfants algériens nés après l’indépendance.
Il a vécu, entre 20 et 30 ans, la sale guerre des années 90.
Il n’a pas connu l’Algérie française.
Le livre de Kamel Daoud m’a ému aux larmes, au point de le relire plusieurs fois. Son idée est lumineuse : rendre une identité à l’Arabe de « l’Etranger ». Peu importe que ce ne soit pas le meilleur livre de Camus, comme l’insinuent quelques critiques malveillants et stupides avec condescendance à l’égard de Kamel Daoud.
Daoud a su à merveille, dans son premier roman, manier les contradictions: L’Européen a tué l’Arabe et n’a pas été condamné pour cela. Le héros de Daoud tue un Français quelques jours après l’indépendance et ne sera pas non plus puni. Son crime n’a pas de sens, à moins que ce ne soit une piètre vengeance.
Il prend conscience de l’absurdité et de la facilité du crime : » Quand j’ai tué, donc, ce n’est pas l’innocence qui par la suite, m’a le plus manqué, mais cette frontière qui existait entre la vie et le crime. » et : » L’Autre est une mesure que l’on perd quand on tue. »
Il va plus loin et se demande finalement si l’assassinat n’est pas un moyen de tout résoudre, y compris ses petits problèmes personnels. Certains l’ont fait et continuent à le faire dans notre monde. On ne sort pas de l’absurde.
Il y a aussi dans ce livre une violente critique de l’Algérie d’aujourd’hui, une déception profonde sur un processus d’indépendance confisqué, « et une colère contre l’instrumentalisation de la religion: « Hurler que je suis libre et que Dieu est une question, pas une réponse. »
L’oeuvre de Camus et celle de Kamel Daoud se déroulent dans un monde absurde, sans Dieu. Mais, Daoud s’en sert aussi comme prétexte à un roman, à une fiction, une histoire dont on a envie de connaître la fin. Il dit avec humour: »Les mots du meurtrier et ses expressions sont mon bien vacant. »
Je me souviens avoir été choquée en lisant l’Etranger de Camus par l’anonymat de l’Arabe, la gratuité du crime et l’absence de sanction. Kamel Daoud émet une hypothèse à ce sujet : »Dès le début, on le (Meursault) sent à la recherche de mon frère (l’Arabe). En vérité, il le cherche, non pas tant pour le rencontrer que pour ne jamais avoir à le faire. »