En 1920, des membres de l’ultra-gauche allemande, préconisaient la lutte sans compromis du prolétariat contre la bourgeoisie, le boycottage du parlementarisme, la destruction des syndicats en même temps que de tout l’appareil étatique du capitalisme, lui opposant la dictature du prolétariat dans la forme des Conseils d’usine. Herman Gorter en fut l’un des théoriciens. Il écrivit en 1920 un ouvrage intitulé : « Réponse à Lénine sur son livre : » l’extrémisme comme maladie infantile du communisme »
Il est passionnant de se pencher sur ces débats, même s’ils apparaissent totalement dépassés par certains aspects. Il faut les garder en mémoire parce qu’ils font partie de notre histoire, parce qu’ils posent des problèmes fondamentaux. Il m’est apparu intéressant de citer Gorter à propos des syndicats.
» Marx écrit que, sous le capitalisme, le citoyen en face de l’Etat, est une abstraction, un chiffre. Il en est de même dans les vieilles organisations syndicales. La bureaucratie, toute l’essence de l’organisation forme un monde supérieur échappant à l’ouvrier, flottant au dessus de lui comme le ciel.L’ouvrier est en face d’elles un chiffre, une abstraction. Il n’est même pas pour elles l’homme dans l’atelier; il n’est pas un être vivant qui veut et lutte. Remplacez dans les vieux syndicats, une bureaucratie constituée par un personnel nouveau, et en peu de temps vous verrez que celui-ci aussi acquerera le même caractère qui l’élevera , le détachera de la masse. Les quatre vingt dix neuf centièmes seront des tyrans placés à côté de la bourgeoisie. Cela résulte de l’essence de l’organisation. »
Les problématiques ont changé, mais la question syndicale reste posée. La citation ci-dessous est empruntée à Michel Rocard dans le numéro du Nouvel Observateur du 4 Juin 2015:
« La principale raison de l’atrophie du PS, c’est l’absence de syndicats puissants dans notre pays…La cause initiale de l’évolution collective est un drame national d’une poignante atrocité: la Commune en 1871 qui se termine par 25000 tués et 25000 forçats durablement exilés. Tout ce qui dans la classe ouvrière française était alphabétisé et lettré disparaît. Les syndicats sont interdits et le patronat prend l’habitude de gérer absolument seul l’économie et le champ social. Et quand enfin nait plus tard, trop tard,, en 1898 un syndicat, l’appétit de puissance pour se défendre ou se venger est tel que tout parti politique, surtout s’il se dit socialiste, est un danger de trahison. Il prétend oeuvrer dans des institutions politiques pluralistes dont l’instrument de travail est le compromis, l’horreur dont les statuts de la CGT, déclarent l’indignité et exigent le rejet. Et lorsqu’enfin naît la SFIO en 1905, la CGT proclame le divorce sous la forme de la Charte d’Amiens. Les ouvriers ne rejoindront jamais le Parti socialiste. Il végètera avec des effectifs à peine égaux à 10% de ses congénères socio-démocrates en Europe. »
Les plus cultivés d’entre vous vont penser que les deux citations n’ont rien à voir entre elles. c’est sans doute vrai.
Mais mon intuition me dit qu’il y a là matière à réflexion, sur une question syndicale incontournable.