J’ai vaincu mes appréhensions, peu aidée en cela par Internet qui véhicule des méchancetés sur les piscines municipales.
Celle que j’ai trouvé à Reuilly Diderot est propre. Il n’ y a pas trop de monde. Des maîtres-nageurs sont langoureusement assis et regardent au loin. c’est rassurant !
Je me lance dans ma brasse apprise il y a 60 ans, la tête hors de l’eau et les vertèbres cervicales tendues. Tout à coup heureuse de me trouver là, je demande à l’un des maîtres nageurs, assis un peu plus loin, s’il pourrait me donner des leçons pour apprendre à nager sur le dos. Je suis suspendue au bord de la piscine et ma voix est faible. Ils n’entendent pas mais ne font pas un geste pour s’approcher de moi. Je hurle. Ils me répondent que les leçons, c’est entre 7h et 8h du matin. Je crie : « pourquoi pas maintenant » . Impossible disent-ils. Ah bon ? Pourquoi ? Je ne le saurai pas.
Tant pis, je vais continuer ma brasse. Et Plouf, un mec me bouscule. Sa spécialité c’est une sorte de crawl sur le dos qu’il a dû apprendre avec le même prof que moi. Bref, il ne maitrise pas. J’avale de l’eau et je suis sur le point de paniquer. Je ne pense pas qu’il se soit excusé. Je continue tout en surveillant du coin de l’oeil deux petits mômes au bord de la piscine; Et plouf, ils ont plongé à 50 cm de moi. Non, je suis bien je ne vais pas être agressive, même si mes yeux me piquent méchamment.
Il y a un couloir réservé aux leçons (celles qui ne peuvent pas avoir lieu), deux couloirs réservés aux bons nageurs de crawl qui par définition ne doivent pas être gênés et les deux nôtres pour le tout-venant : enfants sauteurs, vieux qui nagent mal, mecs qui se la pètent, vieilles dames précautionneuses.
Ce bordel ne réussira pas à me mettre de mauvaise humeur même si un tout petit peu d’attention à l’autre pourrait améliorer les choses. Dans les 20 cm ou mes 150 cm ont pied, je demande au mec qui nage le crawl sur le dos comment il fait pour ignorer qu’il y a d’autres gens sur terre (et sur l’eau) que lui. Il me répond que nous sommes dans un lieu public et qu’il est libre de faire ce qu’il veut et que si ça ne me plait pas ….
Pas la peine de philosopher. Je décide d’inaugurer ma fameuse nage sur le dos qui consiste à s’agiter …sans avancer. Je heurte une gentille jeune femme enceinte qui arrivait avec grâce. Je me confonds en excuses. Elle m’ignore et repart avec grâce.
Alors, je fais mes 20 longueurs en circulant entre les plongeurs, les nageurs sur le dos, ceux qui changent de file sans prévenir.Il n’y a pas de code de la piscine.
La piscine est un microcosme où il fait bon observer l’élégance des rapports sociaux.
Quelle différence y- a-t-il entre ces incivilités et celles qui finissent par un tabassage en règle pour un regard de travers ?
c’est le fil ténu entre ces comportements quotidiens et anodins et la négation totale de l’autre qui me passionne.