Stefan Zweig évoque ainsi les réactions- celles du peuple comme celles des intellectuels- au début de la première guerre mondiale :« Peu à peu, au cours de ces premières années de la guerre de 1914, il devint impossible d’échanger avec quiconque une parole raisonnable. Les plus pacifiques, les plus débonnaires, étaient enivrés par les vapeurs de sang. Des amis que j’avais toujours connus comme des individualistes déterminés, voire comme des anarchistes intellectuels, s’étaient transformés du jour au lendemain en patriotes fanatiques, et de patriotes en annexionnistes insatiables. Toutes les conversations se terminaient par des phrases aussi sottes que celle-ci : »Qui ne sait haïr ne sait pas non plus aimer vraiment », ou encore par de grossières accusations …….Les « défaitistes » étaient -disaient certains- les pires criminels contre la patrie.
Il ne restait dès lors qu’une chose à faire: se replier sur soi-même et se taire aussi longtemps que dureraient la fièvre et le délire des autres. Même vivre en exil n’est pas si terrible que vivre seul dans sa patrie. »