Elle avance vers moi sur la promenade, habillée de noir, voilée. Elle marche quelques pas derrière l’homme.
Je la hais. J’ai envie de crier ma colère, de l’interpeller, de lui demander « pourquoi » ? Je pense à tous nos combats pour la liberté , pour avoir le droit d’user de notre corps comme nous l’entendions. Je pense aux morts dans les attentats et cette femme me donne la nausée.
Bien sûr et heureusement, je ne dis rien. Je passe et je ravale ma méchanceté.
Une heure plus tard, je vais me baigner. Et alors que j’ai une très forte envie de reculer face aux grosses vagues, j’aperçois la femme en burkini avec une copine. Elles sautent dans les vagues en hurlant de rire. Fauchée par une vague méchante, je rejoins ma serviette un peu penaude et je tente de réfléchir à ma position sur cette question qui agite notre pays en ce moment : faut-il interdire le burkini ?
J’ai lu des dizaines d’articles à ce sujet : il y a ceux qui veulent l’interdire au nom de l’égalité entre hommes et femmes, ou au nom de la laïcité, ou au nom de la neutralité de l’espace public. il y a les partisans des droits de l’Homme qui veulent interdire d’interdire au nom de la liberté individuelle et du risque d’islamophobie. Tout cela est respectable. Il y a aussi ceux qui en profitent pour faire état de leur racisme nauséabond.
Il y a enfin d’ennuyeux analystes qui tentent de faire passer leurs obsessions à travers (si j’ose dire) le burkini : c’est ainsi que jacques Sapir désigne la fin de la souveraineté nationale et la mondialisation comme les responsables du repli identitaire et donc…du burkini.(Causeur, Aout 2016)
En regardant ces deux jeunes femmes sauter dans les vagues rejointes par leurs enfants, je me souviens de ces femmes mexicaines, catholiques qui dans les années 80 à Puerto Vallarta, jouaient dans la mer, entièrement vêtues.
Finalement, là encore, le doute l’emporte : au moins ces jeunes femmes peuvent profiter de la mer. Toute interdiction aboutirait à les priver de ce plaisir.
Je pense à toutes les femmes qui ne se baignent pas pour ne pas montrer leur corps et qui se privent d’un plaisir merveilleux
Le seul problème est : comment combattre l’intégrisme (dont le traitement discriminatoire des femmes fait partie intégrante bien sûr) dans TOUTES les religions (étant entendu qu’il est plus dangereux dans les religions prosélytes). Je ne crois pas que ce soit par une énième prescription vestimentaire réservée aux femmes que l’on y parviendra.
Parmi les commentateurs, je me rallie à Caroline Fourest qui titre avec humour dans son blog : »Face au burkini, optons pour le nudisme. »