Je suis féministe depuis près de 60 ans.
J’ai manifesté, fréquenté les réunions, les colloques, les AG.. dans les années 70 et jusqu’à récemment.
J’ai connu les années 80/90 où il était ringard de se dire féministe, autrement dit « mal baisée »
Alors je devrais être ravie de voir fleurir cette mode du féminisme qui s’affiche même dans les défilés de mode sur des mannequins anorexiques!
Mais curieusement, cette avalanche m’ennuie.
Ecrire des milliers de pages pour arriver à cette découverte si nouvelle (sic) : » Le genre est l’identité construite par l’environnement social des individus. La masculinité et la féminité ne sont pas des données naturelles mais le résultat de mécanismes de construction et de reproduction sociale… » Et s’il manquait le mot « seulement » avant « des données naturelles » ?
« On ne nait pas femme, on le devient » disait Simone de Beauvoir en 1949 et même…Durkheim en 1897 : « La division entre hommes et femmes n’est pas réductible à une différence biologique…. »
Tout en dénonçant cette construction sociale de la femme, cette catégorisation entre hommes et femmes, nos théoriciennes universitaires ajoutent des catégories aux « non catégories » que semblent être les hommes et les femmes : lesbiennes, gays, Bi, trans, queer, intersexes….
J’ai parfois envie de murmurer, imitant Galilée : et pourtant il y a aussi des hommes et des femmes, biologiquement différents et c’est pas désagréable !
Et Il me revient en mémoire ce livre d’Annie le Brun, « Lâchez tout »,critique acérée de l’idéologie féministe, paru en 1977 qui m’avait déjà fasciné à l’époque par son acuité, sa liberté, sa volonté de ne pas se laisser enfermer dans une nouvelle identité
Extraits ( entretiens, ouvrages) : « Il s’agit toujours du discours du même où l’identité est affirmée au détriment de l’individualité de sorte que le groupe doit prévaloir sur toute autre forme d’existence. » ou encore : » A un moment le refus d’obligation d’être se transforme en une nouvelle identité qui devient une autre obligation d’être. Là est le danger de toute revendication identitaire toujours en voie d’être relayée par un désir d’insertion sinon de pouvoir. Quant à la liberté des femmes, elle n’a aucun sens si elle n’est pas posée dans la perspective de la liberté de tous. »
Je ne renie pas le féminisme des années 70, nos révoltes, nos « meutes hurlantes » ( terme utilisé par Annie le Brun) mais le féminisme universitaire m’assomme. J’observe avec passion les mouvements de femmes dans les pays où elles sont victimes de discriminations intolérables ou de violences parfois impunies. Je sais aussi qu’il y a des combats à mener dans les pays occidentaux
Toutes les idéologies sont dangereuses, par leur prétention à asséner une vérité. Ce qui n’était qu’une révolte évidente contre les inégalités, les violences, les rôles imposés tend à devenir une idéologie, c’est à dire une interprétation du monde qui prétend représenter la vérité, une philosophie qui spécule sur des idées vagues et tend à rejeter violemment toutes celles et ceux qui émettent une critique.
* Certaines réactions de lectrices m’amènent à préciser ma pensée : Je pense que les luttes des femmes contre les discriminations, les inégalités, les violences etc…sont indispensables. Le développement de luttes sur tous les fronts ( poids,vêtements, obligation au mariage et aux enfants, accès à tous les métiers, égalité des salaires, parité, lutte contre le harcèlement…) en ce moment est remarquable. De même la reconnaissance d’identités sexuelles diverses est un progrès évident.
Ce que je vise dans cet article c’est La Théorie du genre développée notamment dans la recherche féministe universitaire.