C’est une très vieille dame courbée en deux, qui pendue au bras de sa (vieille) fille, exige de venir à la piscine de la résidence.
Après une descente périlleuse de trois marches, la très vieille dame s’assied sur une sorte de banc en béton.
La fille la couvre d’un chapeau et me rejoint dans la piscine.
Je la salue et déclare (hypocrite) : « Elle est merveilleuse, Quel âge a-t-elle ? »
« 96 ans. On peut dire çà » répond-elle avec une sorte de grimace. « Elle voulait se baigner mais je ne sais pas comment lui faire descendre les trois marches de la piscine! »
« Se baigner, dans son état ! » dis-je (très impoliment).
« Toutes les deux, nous avons toujours adoré l’eau. » répond sa fille avec un léger énervement.
Nous nageons côte à côte notre brasse années 50, la tête hors de l’eau et le dos arc-bouté.
Je suis si bien dans l’eau. Moi aussi, dès que je vois un lac, une piscine, un fleuve, la mer, j’ai envie de m’y plonger. J’ai 78 ans. Combien de temps me reste-t-il avant de devoir renoncer et me sentir à jamais exilée ?
« Il faudrait faire des piscines pour les handicapés » reprend dans un souffle de plus en plus faible ma nouvelle copine.
Je bredouille et je sens ma détermination à mourir avant la grande vieillesse et dans la dignité vaciller, d’autant que la très vieille dame crie à sa fille en rigolant : » Elle est aussi bonne que la mer ? »