Vilnius est une jolie ville, proprette, avec de belles églises un peu kitch, blanches et roses, des restaurants par centaines,des touristes par milliers, des habitants grands et blonds et une absence étonnante de pauvres, de basanés, de SDF dans les rues du centre ville.
Il ne reste quasiment rien des ghettos ou entre 1941 et 1944 près de 90% des juifs furent massacrés par les nazis.
Une seule synagogue subsiste sur les 100 qui existaient. Nous l’avons visité le 5 Aout et c’est en rentrant à Paris que je suis tombée sur une furtive nouvelle : la synagogue avait été fermée entre le 6 et le 8 Aout pour causes de menaces de mort.
Mais ce voyage restera pour moi celui de la découverte d’un peintre, Samuel Bak , né à Vilnius en 1933, peintre dès l’âge de huit ans, rescapé du génocide par miracle et vivant actuellement aux Etats-Unis.
Ses oeuvres magnifiques sont visibles au musée du génocide.
C’est tellement agréable de visiter une jolie ville en touriste insouciant qui ne se préoccupe pas du passé, des monceaux de cadavres ensevelis, de la collaboration des habitants de la ville soucieux d’échapper à la dictature de l’URSS. Mais on ne peut pas se bander les yeux tout le temps.
Comme dans certains des tableaux de Bak, quand le touriste joyeux fait semblant de découvrir des traces de ce centre fondamental de la vie juive religieuse et laique en Europe (c’est là que fut créé le BUND) à la fin du 19° et au début du 20° siècle , c’est comme s’il était aveugle. Le guide lui dit qu’il y a des choses à voir mais il ne voit rien.
C’est toujours dans l’exposition Samuel Bak que le même touriste apprend quelques bribes du présent de ce pays à propos de l’antisémitisme : »L’antisémitisme existe encore en Lituanie. A la vérité, il n’a jamais disparu à un niveau privé : beaucoup de lituaniens et de russes tiennent des propos antisémites dans leurs conversations. On y entend des stéréotypes sur la « mafia juive » qui règne sur le monde et les juifs rusés qui ne travaillent pas mais vivent bien parce que ce sont des escrocs. Parmi les lituaniens les moins éduqués, on raconte que les matzos sont remplis du sang d’enfants chrétiens
Au niveau politique, un parti néo-nazi s’est créé en 1995 qui célèbre chaque année l’anniversaire d’Hitler
Un autre problème a été le processus d’actualisation de l’Holocauste qui est apparu dans les médias en 1995 quand le Président lituanien Algirdas Brazauskas s’est excusé auprès d’Israël pour le génocide. La presse a condamné le Président pour s’être humilié lui même sans nécessité. Dans les années 2000, toute tentative de rappeler à la Lituanie les criminels de guerre qui n’avaient jamais été jugés, s’est accompagnée de vagues de colères médiatiques contre les juifs qui avaient collaboré avec les soviétiques… »
Le touriste joyeux mais trop curieux rentre chez lui avec une pointe d’amertume mêlée d’une joie profonde d’avoir découvert Samuel Bak !