Quand Tariq Ramadan a été dénoncé comme violeur en série, je dois dire que j’étais plutôt contente et je ne me suis posée aucune question sur l’application du droit.
Quand ce monsieur dont j’ai oublié le nom a été accusé par Adèle Haenel et qu’il a été exclu manu militari de je ne sais quelle société de réalisateurs, je n’y ai guère prêté attention.
Mais quand Woody Allen a commencé à être vilipendé et interdit de tournage dans son pays, j’ai commencé à dénoncer la vox féminista et à protester en disant qu’il avait été jugé et acquitté.
Idem pour le réalisateur que j’apprécie, Roman Polanski. Quand l’affaire a éclaté J’ai eu envie de boxer mes copines féministes et leurs tribunaux médiatiques.
Ces quelques notations montrent à quel point nos comportements peuvent être irrationnels, dictés par notre subjectivité.
Les victimes de ces viols ou harcèlements ont toutes été atteintes dans leur intégrité morale et physique et elles ont eu raison de dénoncer leurs violeurs. Tant mieux si Adèle Haenel dispose de plus d’ écoute que Mme X dans un HLM du 93.
Mais c’est justement parce que la violence est au coeur de ce problème que le respect du droit et de la procédure sont essentiels.
Et c’est pour cela que les sociétés démocratiques ont inventé l’Etat de Droit : Le Droit met des mots sur la violence
Le Droit ne nait pas spontanément : il est le résultat de luttes, comme celles menées par les travailleurs, les femmes etc
Il est aussi le résultat de compromis souvent injustes et c’est pourquoi il est parfois indispensable de désobéir à la loi pour la faire avancer.
Quand on met en cause une personne, la délation publique et le refus de passer par les tribunaux est inacceptable. (Bien sûr il faut mettre à part le cas des mineur(e)s mais dans ce cas c’est la responsabilité des parents qui, dans certains cas ont semble-t-il fait preuve d’une irresponsabilité qu’il est utile aussi de dénoncer)
Les féministes et plus généralement les gauchistes ont longtemps considéré le Droit comme l’outil de la classe dominante et du patriarcat. Ce n’est pas faux mais jusqu’à présent aucune société n’a inventé un meilleur outil que le Droit pour régler les conflits .
Ce que l’on peut dire par contre, c’est que faire des lois ne sert à rien si elles ne sont pas ou mal appliquées sur le terrain. Et c’est le cas pour les violences contre les femmes comme c’est le cas pour le droit des étrangers ou le droit du travail, c’est à dire toutes les fois où il y a subordination ou inégalité des parties. Si l’on veut qu’il soit appliqué il faut se responsabiliser et ne pas clamer que la justice est inefficace.
Audi alteram partem : Entendre l’autre ou les autres côtés est l’un des adages importants qui fondent notre droit.
Le droit a le mérite d’énoncer des normes explicitement. Il n’y a rien de pire que les normes implicites dans certains groupes : modes, anti-normes etc qui engendrent souvent des exclusions graves ,souvent fondées sur l’origine sociale,
Une société sans droit relève d’une utopie meurtrière. Il n’y a pas de sociétés humaines sans codes, sans rites, sans règles (du jeu), sans droit, parce que la bonté naturelle des êtres humains n’existe pas. Un Etat de non droit est une tragédie pour ses habitants.
PS : J’ajoute juste à propos de J’ACCUSE, le film de Roman Polanski que c’est un grand film sur une affaire qui a coupé la France en deux, sur les luttes de pouvoir, sur l’antisémitisme. Ce film est une oeuvre collective comme le rappelle Le Canard enchaîné. Des centaines de gens ont travaillé sur ce film et n’ont sans doute jamais violé personne. Boycotter ce film est d’une stupidité stupéfiante.
Faire une hiérarchie dans les injustices est aussi irrecevable.
Il faut vivre et agir avec toutes ces contradictions. Une vision binaire du fonctionnement social conduit au politiquement correct c’est à dire au contraire de la réflexion créative.