CHOISIR SA VIE, CHOISIR SA MORT : DES FEMMES PERSISTENT ET SIGNENT
Si pour une raison ou une autre, et qui vous appartient entièrement, vous avez décidé de mettre fin à vos jours, vous pouvez bien sûr vous précipiter sous la rame du prochain métro ou sous le TGV.
Vous pouvez bien sûr vous taillader les veines avec une lame de rasoir, vous pouvez sauter du haut de la Tour Eiffel- ou de votre balcon (si vous avez un balcon)
Vous pouvez vous pendre à l’arbre qui est au fond du jardin (si vous avez un jardin), vous pouvez bien sûr vous jeter dans la Seine lesté.e d’un solide bloc de béton (si vous avez les moyens de le transporter vers l’endroit requis)
Oui, si vous avez décidé d’en finir, si vos souffrances vous sont devenues insupportables, alors en effet vous pouvez tenter tout cela pour quitter la vie- et peut-être y réussir-ou non et peut-être à votre insu, sauvé-e, soigné-e et peut-être handicapé-e à vie, prisonnière pour toujours d’un corps meurtri qui ne vous obéit plus, d’un personnel soignant ou de familles (telle celle de Vincent Lambert), décidés à prolonger coûte que coûte cet état, à vous imposer de survivre que vous le vouliez ou non.
Vous pouvez donc, tant que vous en avez la force, tenter de vous donner la mort. Elle sera toujours violente. Car en France aujourd’hui il est interdit de mourir lorsque l’on a décidé de le faire de son propre chef, dans la sérénité et la dignité, entourée des siens, de ceux que l’on aime et qui vous aiment.
Vous pouvez aussi bien sûr comme Michèle Causse ou Anne Bert (et tant d’autres) tenter le voyage en Suisse ou en Belgique. Encore faut-il que vous en ayez la force physique(et les ressources, 15000 euros dans certains cas) Et que vous ayez préalablement accompli toutes les formalités, de plus en plus contraignantes, requises pour obtenir l’autorisation du suicide assisté.
Pourquoi faut-il que ce qui est , depuis des décennies, acquis pour certains de nos voisins européens soit interdit, criminalisé même en France?
Pourquoi faut-il que des lobbys de toutes sortes-religieux en premier lieu, mais aussi médicaux et pharmacologiques, décident pour nous (et contre nous) de notre vie et de la fin de notre vie.
Nous sommes des femmes.Nous avons pour certaines eu vingt ans, trente ans dans les années 70. A l’époque, les mêmes lobbys, prétendaient déjà disposer de nos corps, de nos maternités- c’est à dire de notre liberté. Nous l’avons refusé. Nous avons crié, nous avons écrit, nous avons manifesté, nous avons signé le » Manifeste des 343 femmes ayant avorté » . Et nous avons gagné. Nous avons obtenu le droit à l’avortement, le droit d’avoir des enfants si nous le voulons , quand nous le voulons.
Nous exigeons aujourd’hui pour nous et pour tous qu’il soit fait droit à cette liberté fondamentale: mourir dignement si nous le voulons et quand nous le voudrons
Une immense majorité de la population soutient l’idée du droit à l’euthanasie ou au suicide assisté.
Pour celles d’entre nous qui approchons de l’échéance , notre décision est prise : si l’on nous refuse de finir légalement et dignement notre vie, quand nous l’estimerons invivable, alors nous déclarons publiquement que nous aurons recours à une assistance ou à des moyens (aujourd’hui encore) illégaux. De même que nous avons obtenu le droit de choisir notre vie, nous choisissons aujourd’hui celui de choisir notre fin de vie.
Ce texte rédigé par quatre féministes, Liliane kandel, Régine Dhoquois, Annie Sugier et jacqueline Feldman a été publié dans Libération du 1er Novembre 2019 et signé par plus de 200 femmes.
Juste avant la parution de ce texte, le 15 Octobre 2019, des personnes pour la plupart âgées étaient perquisitionnées chez elles à l’aube parce qu’elle figuraient sur une liste d’acheteurs de phénobarbital au Mexique, réseau découvert par la police américaine qui enjoignit la police française de mettre fin à ce trafic illégal!
L’Association Ultime Liberté a été perquisitionnée, tous ses documents emmenés.
On attend de savoir quelles poursuites judiciaires vont suivre.
la police n’a t-elle pas mieux à faire que d’empêcher des gens âgés et malades ou simplement lassés de vivre en souffrant, de se suicider ?
Il s’agit là d’une violence qui ne dit pas son nom : Ce serait tellement rassurant de savoir que quand nous n’en pourrons plus, une solution pacifique s’offrira à nous.
Le combat continue