J’étais assise à l’arrière de l’autobus, là où il y a deux places qui se font face , une marche pour y accéder et aucune barre pour se tenir. Si vous parvenez à vous asseoir, vous passez le reste du trajet à échafauder des plans pour le moment où vous allez descendre.
Assise à l’une de ces places, j’observais la file de voyageurs qui s’allongeait dans « le fond de l’autobus » et calculais mes chances de descendre sans me casser la figure.
Mes pensées furent interrompues par un petit spectacle qui se déroulait dans l’espace identique situé de l’autre côté de l’allée centrale : un vieux monsieur essayait de s’extraire de sa place près de la fenêtre mais se heurtait à la présence d’un gros sac noir situé aux pieds d’un jeune homme, écouteurs sur les oreilles. Un ami du vieux monsieur enleva alors le sac afin qu’il puisse s’extraire.
Le jeune homme courroucé saisit alors le sac, murmura une sorte d’accusation de vol… et le posa sur le siège laissé vacant par le vieux monsieur, sans un regard pour la file de gens debout dans le couloir.
C’est alors qu’un gros monsieur s’écroula à mes côtés non sans m’avoir envoyé son sac à dos dans la figure. Il ne parut pas s’apercevoir que j’existais.
Il y a quelques années, j’aurais sans doute vociféré contre ces incivilités qui ont toujours représenté pour moi la première étape vers des comportements beaucoup plus graves voire létaux.
En regagnant mon appartement, je me sentais gagnée par l’indifférence et j’évoquais cette phrase de Montaigne : » La plus grande chose du monde c’est de savoir être à soi. il est temps de nous dénouer de la société puisque nous n’y pouvons rien apporter. »