Le courage des vieux et des vieilles

Mon amie Jacqueline Feldman a attiré mon attention sur le courage des vieux.

Je n’y avais jamais pensé avant. Mais tout à coup j’ai pris conscience de l’importance de ce trait de caractère dans ma vie de vieille dame.

Energie, bravoure, force d’âme, héroîsme, vaillance, volonté et parfois une forme d’audace , tous ces synonymes sont d’indispensables accompagnateurs de cette période de la vie.

Sans doute certains vieux ne connaissent-ils pas la peur et son corollaire, le courage. Tant mieux pour eux. Ce sont en général ceux qui ne sont pas seuls et sur qui veille un être dévoué.

Le courage est le corollaire de la peur : peur de tomber, peur de descendre des marches sans se tenir, peur d’avoir un malaise, peur de ne pas trouver l’appui qui vous permettra d’atteindre sans encombres la porte du métro ou de l’autobus, peur de ne pas parvenir en haut d’un escalier, peur des locaux sombres… A toutes ces peurs plus ou moins vaincues chaque jour, s’ajoutent les appréhensions, celle de faire face à la condescendance, à la pitié ou à l’invisibilité et parfois à la haine plus ou moins masquée.

Il en faut du courage pour se lever de ce merveilleux endroit qu’est le lit, pour trouver une tenue qui ne soit ni ridicule, ni trop triste, pour prendre cet ascenseur qui est en panne une fois sur deux, pour tirer l’énorme porte cochère, pour faire semblant de marcher normalement malgrè la raideur de vos jambes, pour parcourir les 500 mètres qui vous séparent du supermarché et en ressortir avec un sac trop lourd.

Il faut du courage pour demander de l’aide quand vraiment, on n’en peut plus ou que la peur de conduire vous tombe dessus un jour sans prévenir, ou que la maladie vous impose l’immobilité. Affronter les aidants nécessite de la fermeté, alors même que l’on a toujours détesté demander de l’aide à qui que ce soit.

On pourrait multiplier les exemples. Alors oui, on peut avoir la tentation du suicide pour débarrasser le plancher et pour cesser d’avoir peur. Mais surtout il ne faut pas en parler . C’est tabou : attendez vous aux réponses convenues : « Mais tu es en pleine forme! » ou encore : »Arrête de parler de la vieillesse et de la mort, quelle noirceur, pense à la beauté de la nature! ». Alors là il faut avoir le courage de ne pas frapper votre interlocuteur(trice), de garder son calme, de parler d’autre chose et de hair en secret tous ces gens qui manquent de courage et refusent d’envisager ce qui va pourtant leur arriver si ce n’est déjà fait.