De la dangerosité des groupes et de la camaraderie…

J’ai toujours été mal à l’aise dans les groupes, au dessus de trois personnes.
A vingt ans j’avais déclaré : »Le groupe c’est la mort »
Certes, j’ai toujours eu envie d’appartenir à ces bandes que je voyais rire ensemble sur les plages de mon enfance
A force de les envier, en suis-je venue à les condamner ?
Il y a sans doute de cela dans mon refus mais il y a aussi quelques bonnes raisons. Le groupe risque d’annuler la réflexion et la responsabilité individuelles. Il faut faire comme tout le monde, ne pas se singulariser et s’aligner parfois sur le plus violent ou le plus stupide des membres du groupe.
Sebastien Haffner est l’auteur d’un livre admirable , « Histoire d’un Allemand »: Souvenirs (1914-1918)
Il y raconte sa vie de juriste de bonne famille, dans l’Allemagne d’après la grande guerre. On l’y voit s’épanouir dans un pays qui sombre peu à peu dans le fascisme, alors que la majorité de la population reste indifférente au drame qui se prépare. Lui fuira vers l’Angleterre en 1938, où il écrira ce récit qui ne sera redécouvert qu’à la fin du siècle dernier.
Apprenti juge dans les années 30, il est assigné à un camp où il fait du sport, apprend à se battre, se plait dans cette joyeuse camaraderie.
Je cite ici quelques extraits de ce chapitre final sur ce thème : » Pendant la journée, on n’avait jamais le temps de penser, jamais l’occasion d’être un « moi ». Pendant la journée, la camaraderie était un bonheur…..Et c’est précisément ce bonheur, cette camaraderie qui peut devenir l’un des plus terribles instruments de la déshumanisation- et qu’ils le sont devenus entre les mains des nazis…La camaraderie annihile le sentiment de la responsabilité personnelle…Le camarade fait ce que tous font. Il n’a pas le choix, pas le temps de réfléchir…La camaraderie ne souffre pas de discussion: c’est une solution chimique dans laquelle la discussion vire aussitôt à la chicane et au conflit… C’est un terrain fatal à la pensée, favorable aux seuls schémas collectifs de l’espèce la plus triviale et auxquels nul ne peut échapper, car vouloir s’y soustraire reviendrait à se mettre au ban de la camaraderie. »
Penser par soi même n’empêche malheureusement pas d’être raciste, violent, etc. Mais ne pas penser par soi même et se soumettre au groupe peut annoncer de graves manquements à la « civilité », au sens large du terme.

Attention, Publicité

J’ai écrit ce petit livre sur mon père
-parce que je voulais laisser une trace de la vie « ordinaire » de David Cohen qui eut 20 ans en 1914 et 45 ans en 1939
– parce qu’il avait laissé des cartes postales de la grande guerre et des lettres des années 40. (Pourquoi l’aurait-il fait s’il ne souhaitait pas transmettre ?)
– parce que je n’ai jamais trouvé le temps ni le moyen de lui dire que je l’aimais, malgrè ses « Allons Bon » et ses accès de mauvaise humeur
– parce que je voulais tenter d’expliquer comment un nom peut modifier le cours d’une vie, dans le mauvais (ou parfois le bon) sens.
Ce fut le cas de mon père, Ce fut en plus petit mon cas et malheureusement c’est encore le cas pour des Lévy, Coulibaly, Belkacem etc…
A partir de la trajectoire de vie de mon père, qui a fini par changer son nom juif en 1958, ( tout en restant croyant) je souhaitais aussi convaincre certaines personnes de tous bords politiques que l’on peut se sentir juif sans être religieux. Les processus d’exclusion, de discrimination séculaire, finissent par forger un autre rapport au monde, une forme de désespoir optimiste (ou le contraire), une colère retenue qui n’ont souvent rien à voir avec la religion ou un quelconque communautarisme.

(Vous pouvez le commander sur : commande@harmattan.fr)

Quand l’absence de Chef(s) fait peur

Je n’aime pas les gens qui veulent être chefs. Ils se reconnaissent très vite : ils parlent beaucoup pour ne rien dire, ils savent, Ils s’introduisent, expliquent que « c’est dans les statuts » et qu’il nous faut être représentés dans le Conseil truc-muche de l’association machin etc …
Et comme un chef n’est rien tout seul, il faut un vice-chef, un sous-chef…etc
En cela, le Mouvement des Gilets jaunes est intéressant. Ils ne s’estiment pas représentables. On prend le tout ou rien.
C’est plutôt sympathique.
Mais c’est là que la « démocrate » que je suis ne peut aller jusqu’au bout de son refus des chefs.
Peut-on imaginer une démocratie sans représentation, fondée sur des référendums d’initiative citoyenne, une absence de leaders et même des positions contradictoires ou changeantes ?
Ce serait l’idéal dans une société formée d’êtres généreux, intelligents, qui auraient conscience de ne pas détenir la vérité…
Ce serait suicidaire de penser qu’une telle société est possible dans un monde injuste, où les plus stupides des citoyens trouveront le moyen de dévoyer le système, de trouver des bouc-émissaires à leurs frustrations (par ailleurs justifiées)… Bref cessons de rêver.
Une telle société est impossible.
Reste le « despotisme représentatif » qui a le mérite d’établir une forme de paix…. jusqu’à la prochaine explosion qui celle-ci aura peut être un Chef auto -désigné peut-être démocrate, peut-être fasciste.

Quand deux arrogances se rencontrent… ça pète et ça ne sert qu’aux extrêmes

Inutile de revenir sur l’arrogance de Mr le Président Macron et de ses ministres. Ils semblent parfois vivre dans un autre monde.
En face, il y a des supposés « braves gens » qui galèrent mois après mois pour survivre.
Les salaires trop faibles, les CDD, les interim …ne leur permettent aucun extra.
Cette colère contre des conditions de vie difficiles ne pouvait susciter au début de leur mouvement que de la sympathie
Mais cette sympathie a ses limites : ce n’est pas juste le chaos dans les beaux quartiers de Paris (dont je veux croire qu’il n’est pas de leur fait), qui me fait douter, c’est leur… arrogance quand ils disent : nous manifesterons où nous voulons, nous ne voulons plus de taxes, nous ne voulons pas désigner de représentants, c’est le peuple qui s’exprime, Macron démission etc…
« En même temps » ils ont dénoncé des migrants cachés dans un camion citerne, ils sont majoritairement blancs, ils se croient au dessus des lois en refusant un parcours de manifestation qui permette la coexistence avec les parisiens qui ne sont pas d’accord avec eux, avec les touristes qui ne leur ont rien fait, ils refusent de désigner des représentants prêts au dialogue, ils vont tmême semble-t-il jusqu’à menacer ceux qui oseraient dialoguer.
La démocratie est le pire des régimes… à l’exception de tous les autres et en particulier le gouvernement du peuple par le peuple n’a jamais marché. Le peuple est pluriel et le pouvoir forcément obligé de tenir compte des contradictions au sein du peuple.
L’arrogance du pouvoir libéral qui favorise les riches contre l’arrogance de ceux qui se sentent exclus des bienfaits du capitalisme ne peuvent que provoquer des haines, des jalousies, des racismes et des frustrations, et faire le lit du populisme voire du fascisme.
C’est aux arrogants qui ont le pouvoir de faire le pas qui permettra le début d’un dialogue. En sont-ils capables ? Je l’espère
Mais il faut être deux prêts à s’écouter et à savoir qu’ils ont peut-être tort sur tel ou tel point, pour dialoguer.
L’avenir le dira

De la la perfection (Guy Dhoquois)

Guy Dhoquois

Poême de Guy Dhoquois publié sur son blog (localhost/auteurs2/guy-dhoquois) : La perfection

La perfection n’a qu’un défaut la perfection
La perfection n’a qu’un défaut elle même
Seule l’imperfection rend possible le mouvement

J’ai beaucoup de questions et peu de réponses
J’ai donc beaucoup de questions sans réponse
En fait de moins en moins
Je me pose de moins en moins de questions

Le vieillissement invite à la régularité
Et à la modestie
Je tente de nettoyer chez moi
Le bête et le méchant

C’est un peu tard
Je me compare parfois à un poussin poussah
L’oeil entend
Le génie est seul
Même le petit génie

Macron, Kafka et l’autre côté de la rue

 »
Beaucoup se plaignent que les paroles des sages fussent toujours des paraboles dont on ne pouvait se servir dans la vie quotidienne, la seule que nous ayons. Quand le sage dit : « Va de l’autre côté », il ne veut pas dire qu’il faut traverser la rue pour aller de l’autre côté, ce qu’on pourrait du moins faire si ce qu’on obtenait en faisant le chemin avait quelque valeur. Mais il veut parler de quelque chose de légendaire, quelque chose que nous ne connaissons pas, que le sage lui-même ne peut pas désigner plus précisément et qui donc ne nous aide en rien. » (Parabole de Kafka citée par Nicole Krauss dans son livre Forêt obscure)

Tout à coup, j’avais trois ans : de l’arrogance au quotidien

Il y a l’arrogance du pouvoir, l’arrogance des nantis, l’arrogance des hommes et celle dont je vais parler : l’arrogance des femmes grandes gueules.
Elles sont contentes d’elles, s’affirment avec volubilité et sonorité et risquent de réduire au silence ceux ou celles qui n’ont pas eu la chance d’être une « grande gueule« .
Dans un groupe de femmes de gauche, qui se penchent sur le sort des défavorisés, j’ai été confrontée à plusieurs de ces femmes , celles qui savent se faire entendre, qui ont des voix fortes, et surtout qui ne nagent pas dans les contradictions.
Et tout à coup, à leurs côtés, j’ai eu trois ans…ou 7 ans..
J’ai été enfermée dans ma timidité, dans mon incapacité à dire ce que j’avais à dire. Muette, transpirante, les larmes aux yeux, je rétrécissais jusqu’à ne plus exister.
Hélène Cixous a dit cette phrase admirable dans une interview à un site juif( Akadem) à propos de son enfance à Oran dans les années 40, et du jardin du Cercle militaire où son père lieutenant avait eu le droit d’entrer avant le statut des juifs :  » J’avais beau rentrer, j’étais pas dedans. »
C’est une expérience douloureuse, mais fréquente, pour beaucoup de gens.
Et ce qu’il y a de pire encore, c’est que les « grandes gueules » autour de vous en profitent souvent pour vous rabaisser un peu plus.
Ce petit article un peu narcissique m’a paru important pour parler des gilets jaunes, de leur sentiment d’exclusion sociale, de leur rejet de l’arrogance d’où qu’elle vienne, et elle peut venir de gens qui vous sont proches.
Pour faire la transition, voici une autre phrase méprisante de Gérard Darmanin, dans un entretien avec le JDD du 28 octobre 2018 : « Notre politique va bénéficier à ceux qui travaillent, qui font tourner le pays. »
Comment ne pas être blessé par cette phrase quand on est retraité, chomeur, employé intérimaire etc.
L’arrogance , on la trouve dans les rapports individuels, dans les entreprises,dans les associations, dans la manière d’exercer un pouvoir même minuscule. On ne peut pas l’assimiler à la lutte des classe et au capitalisme. Elle est en embuscade partout y compris chez celle qui écrit ce texte.

Pittsburgh : je sais pourquoi je me sentirai juive jusqu’au bout du chemin

Dans un article précédent, je me demandais pourquoi je me sentais juive, alors même que je n’ai pas été élevée dans la religion juive, que je ne parle pas le yidish ni le ladino…, que je ne suis pas sioniste (mais…), que je me suis battue depuis toujours pour deux Etats en Palestine…etc
Les 11 morts de Pittsburgh et la lecture d’une magnifique nouvelle de Stefan Zweig : »Le chandelier enterré » ont mis en lumière (blafarde) ma volonté de m’affirmer juive, de reprendre le nom maudit/magique- Cohen- que mon père avait souhaité changer pour nous épargner les malheurs qu’il avait subis tout au long de sa vie.
S’affirmer comme juif n’a rien à voir pour moi avec le communautarisme, que je refuse totalement.
S’affirmer comme juive, c’est être solidaire, c’est ne pas trahir tous ces êtres humains qui ont souffert depuis l’aube des temps et continuent de mourir parce qu’ils sont juifs.
Ce n’est pas seulement le regard d’autrui qui me fait juive. C’est la fidélité à un lien que je ne veux pas trahir tant que l’antisémitisme existera.
« Tout le mal du monde, ils le savaient, se transformerait inéluctablement en un mal pour eux, et ils savaient aussi depuis longtemps qu’il n’y avait pas de rébellion possible contre leur destin. »…. » Et ils savaient que cette souffrance et cette plainte liée au fait d’avoir été rejetés ensemble constituait leur seule unité sur cette terre. » (Stefan Zweig, Le chandelier enterré, Ed Payot, 2018, pages 48 et 109)

#Mort dans la dignité : Extraits d’une lettre ouverte à Agnès Buzyn, Ministre de la santé

Ces extraits sont issus du Blog de Mme Jacqueline Jencquel, membre de l’ADMD, qui a accompagné pendant dix ans des patients en Suisse ou en Belgique, pour y mourir dignement. (Blog : La vieillesse est une maladie incurable)

« Madame Buzyn, voila dix ans que j’accompagne des patients qui font appel à l’ADMD lorsqu’ils se trouvent dans des situations de détresse médicale ou psychologique. Il s’agit souvent de personnes âgées et seules qui ont besoin d’être rassurées.
Elles le sont lorsqu’elles savent qu’elles auront une porte de sortie. Pour le moment, la porte de sortie ne peut pas être en France. Est-ce juste d’obliger des personnes gravement malades et/ou très âgées de devoir s’exiler pour mourir ?
En France, il faut avoir un pronostic vital engagé à court terme pour avoir accès à la sédation profonde et continue jusqu’à la mort. Donc, il faut être mourant pour avoir le droit de mourir un peu plus vite. Quelle hypocrisie et quelle cruauté !
Madame Buzyn, vous pouvez rassurer vos amis des labos et des EHPADS, ils ne perdront pas de clients si la loi change. L’instinct de survie est très fort et très peu d’entre nous font le choix de mourir même dans les cas les plus extrêmes.
Il faut simplement que ce choix existe. Il rassure. Qui êtes-vous pour refuser ce choix à vos concitoyens ? On vous nomme ministre de la santé. C’est une responsabilité énorme qui vous incombe…
……
Réfléchissez Mme Buzyn, et parlez à des interlocuteurs qui connaissent le terrain. Quand avez-vous accompagné un patient pour la dernière fois ?

D’après les sondages plus de 80% des Français demandent que la législation change en France.

#La vieillesse : citations de « L’abattoir de verre » de J.M. Coetze

« Ce que je trouve troublant en vieillissant, dit-elle à son fils, c’est que j’entends sortir de ma bouche des mots que, jadis, j’entendais chez les personnes âgées et que je m’étais promis de ne jamais employer. Du style Où-va-le-monde-ma-bonne-dame ? …Les gens se promènent dans la rue en mangeant des pizzas tout en parlant dans leur portable – où va le monde ? »…
 » Ce qui m’importe, c’est que me voici en train de faire ce que je m’étais juré d’éviter. Pourquoi ai-je succombé ? Je déplore où va le monde. Je déplore le cours de l’Histoire. De tout mon coeur, je le déplore. Cependant quand je m’écoute, j’entends ma mère déplorant la mini-jupe, la guitare électrique. Je me souviens de mon exaspération. « Oui, mère », disais-je, mais je grinçais des dents en priant pour qu’elle se taise…
« Tout ce que je fais, c’est de m’insurger et déplorer…Je me suis enfermée dans un cliché, et je ne crois plus que l’Histoire modifiera ce cliché…Le mot qui me revient de tout côté est MORNE….Je suis celle qui aimait rire et ne rit plus. je suis celle qui pleure. »

C’est un tout petit extrait d’un beau roman qui parle magnifiquement bien de la vieillesse.