Nouvelle : Invitation estivale

Je me lève. j’ai mal partout, dans le dos, la cuisse droite… Se traîner jusqu’à la salle de bains. Allumer France-Inter pour connaitre toutes les catastrophes en cours, puis France-info pour réécouter en boucle. Un jour, il faudra que je m’interroge sur cette boulimie de nouvelles du monde. Que tout aille si mal doit me rassurer sur mon vieillissement. Ouvrir la douche chaude et peu à peu pouvoir réutiliser mes membres.
Vivre ou survivre, telle est la question.
Penser à supprimer tous les miroirs définitivement.
Pour cet été, ça ira encore. La chair des bras se plisse et bouge.
S’appliquer la crème truc et la crème machin, et celle spéciale pour le cou et celle qui enlève les plis d’amertume…Non finalement, pour ceux là, je n’ai pas trouvé de crème. L’amertume, c’est une sorte de manifeste.

En sortant de la salle de bains, je vois le regard désespéré de mon mec. Je sens qu’il faut que je prenne le relais avec l’invité, que j’appelle le type bien, sans trop savoir pourquoi.
On échange des banalités. Je me demande s’il y a quelque part, des gens qui échangent autre chose que des banalités avec leurs congénères.
Le type bien me raconte qu’il a rêvé d’une grande fille blonde et mince, qui ressemble à une autre qu’il a rencontrée. Il y voit un présage.
S’il savait ce que je m’en fous. Peut-être le sait-il et parle-t-il pour que le temps s’écoule jusqu’à son départ et au divin silence de la solitude retrouvée.
Autour de nous, les libellules s’affairent, les voisins aussi. Ils entassent dans leur voiture, des glacières bleues. Ils partent sans doute faire un pique-nique dans un lieu terrible où une masse de gens font la queue à des toboggans et se laissent ensuite glisser dans les eaux bleuâtres d’un immense bassin rempli d’une foule compacte.

Je me dis souvent que le seul moyen de ne pas être invisible, c’est de ne pas faire ce que l’on attend de vous : se mettre à chanter au restaurant, dire tout haut dans un colloque que l’on s’emmerde à mourir… Mais , je n’y arrive pas et je fais toujours ce que je crois que les autres attendent de moi. Donc, je propose au type bien d’aller au marché en vélo, acheter des fruits de mer , acheter un ou deux chiffons, et peut-être boire un verre pour pouvoir dire du mal de cette foule moutonnière et si peu cultivée!
Le type bien est grand, maigre, sec. Il a une belle automobile, genre gros truc noir. Il est capable de discourir pendant de longues minutes sur la moindre pierre qu’il a le malheur de rencontrer, sur les fours à micro-ondes, sur l’entretien des pelouses, la politique, les raisons profondes de la solitude des femmes à notre époque. Celles-ci pourraient se résumer d’après lui à une idée forte : elles ne savent pas reconnaître les types bien et se laissent séduire par de beaux égoistes qui les laissent tomber. Le type bien, lui, s’accroche, invite, prévoit, est galant, offre des fleurs et écoute de la musique soufi dans un appartement tellement propre que l’on se demande s’il y a un être vivant qui vit là. Et pourtant, il vient quand même de se faire larguer.
Bref, nous voici assis au bistrot. De la supériorité de l’être humain assis sur celui qui déambule à la queue leu leu, en écrasant les pieds des voisins avec les roues de la voiture du petit dernier. Alors, on déblatère : cette manie ridicule qu’ont les gens de s’entasser tous ensemble dans le même lieu …etc.ses projets de boulot, ses projets familiaux, ses projets de vacances….Je me demande s’il se rend compte que l’on ne parle que de lui. Je suis une sorte de mur/écho. Il y a quelques années, cela m’aurait mise en colère. Maintenant, la sagesse me murmure de m’en foutre. C’est tellement fréquent… J’en profite pour faire semblant d’écouter tout en mettant mes vieilles jambes au soleil

On rentre déjeuner à la maison. Mon mec regarde le Tour de France à la télévision. Oh la la, regarder la télé dans la journée, c’est si vulgaire dans ma petite échelle de valeurs auxquelles je persiste à m’accrocher. Je m’excuse auprès du type bien en lui disant que le Tour de France pour mon mec, c’est une sorte de rite enfantin et immuable…mais le type bien est ravi et s’enquiert de l’évolution de l’étape! Ouf

Pendant que les deux mâles se retirent pour faire la sieste, je fais la vaisselle, je range, je parle avec le voisin de sa mère maltraitée dans un EHPAD. J’aimerais tellement pouvoir me retirer comme eux sans me sentir tenue à des obligations diverses qui me bouffent la vie. Mais que ferais-je si je ne les avais pas ? ça m’occupe comme disait ma maman. La liberté est si pesante. Il me faut bourrer le temps, pour ne pas me sentir au bord d’un précipice qui ressemble au vide sidéral de l’ennui. l’Univers est trop vaste pour nos petits égoïsmes !

Quand le type bien se réveille et me propose d’aller à la plage avec lui, je dis oui bien sûr même si je sais qu’il y a des méduses et que je supporte mal le soleil. Sur le chemin du retour, il me dit qu’il va partir tôt le lendemain. je dis : « déja! ». Puis, je panse à la petite chambre à nettoyer et au silence qui va revenir, aux conversations avec mon mec qui vont reprendre, à nos engueulades, nos découvertes, nos rencontres passionnantes et nos rendez-vous manqués. je soupire d’aise comme un chat qui s »étire.

Le lendemain, quand je me réveille, le type bien est déjà parti. Je repense, en buvant mon café au lit, à mes petits efforts pour essayer de lui parler de ses affirmations péremptoires, de ses certitudes sur les femmes…Je savais pourtant qu’il ne faut jamais faire çà. Il est devenu très agressif. On ne gagne jamais à essayer de dire ce que l’on pense aux gens même s’ils sont vos amis. Ils vous en veulent de leur tendre un miroir. Le mensonge se perpétue ainsi jusqu’à la rupture. Tant de ruptures dans une petite vie! Comment font ces tribus que l’on voit sur les plages pour rester apparemment bien ensemble ?

Mon mec me parle de la bêtise humaine. Je réponds : »Si tout le monde est cons, on doit l’être nous aussi, non ? »

« Nous construisons trop de murs et pas assez de ponts » (Newton): quand les féministes sombrent dans des idéologies sectaires

Le communiqué ci-contre, attire l’attention sur la censure au sein même du Mouvement féministe universitaire. En annulant un débat à l’Institut Emilie du Chatelet sur le thème : »Conditions et contours d’un féminisme universaliste, aujourd’hui », qui devait être introduit et animé par Christine Le Doaré et Fatiha Agag-Boudjahlat, auteure entre autres de : »Le grand détournement » (Cerf, 2017) et cofondatrice du Mouvement : »Vivre la République », La Direction de l’IEC affiche un sectarisme qui se cache derrière une nouvelle idéologie à la mode : l’INTERSECTIONNALITE.
Celle-ci permettrait d’intégrer les différences entre les femmes, d’aller au delà de la notion même de féminisme. Elle serait un nouvel espace de visibilité aux femmes qui subissent à la fois le sexisme, le racisme, le classisme, l’homophobie etc…
Fatiha Boudjahlat qui dans son livre précité s’attachait à montrer derrière cette nouvelle théorie, un communautarisme qui ne dit pas son nom, s’est vue également écartée du 8° Congrès international des recherches féministes dans la francophonie qui doit avoir lieu à Nanterre entre le 27 et le 31 Aout 2018.
Dans un article paru dans Le journal, Le Parisien du 18 aout, elle s’exprime en ces termes : » L’intersectionnalité, qui prétend reconnaitre le cumul de discriminations, fonctionne comme une intersection routière : il y a toujours une priorité et un Cédez le passage. Avec l’intersectionnalité, ce sont toujours les femmes qui cèdent le passage aux intérêts du groupe ethnique et religieux auquel on les assigne. Houria Bouteldja (Les indigènes de la République), explique qu’une femme noire violée par un Noir, ne devrait pas porter plainte contre cet homme pour ne pas nuire à sa communauté…. Je considère que ma couleur de peau, mes croyances ne me rendent pas différente de mes compatriotes blanches. Que ces nouvelles féministes me contestent le droit à la parole, parce que je ne reste pas à la place qu’elles me destinent, voila le racisme. Celui des bons sentiments qui livrent les femmes au patriarcat oriental. Voilement, excision, mariages précoces et/ou forcés, tryptique imposé aux femmes de la viginité, de la pudeur et de l’humilité. »

L’auteure de ce blog (femme, juive, petite,vieille, frisée…(sic)), est indignée par cette nouvelle censure, au sein même de l’université qui devrait être un lieu de débats libres.
Par ailleurs, ce nouveau concept d’intersectionnalité me semble à la fois évident ( nous sommes tous plusieurs, nous avons tous plusieurs identités) et dangereux.
Je suis de celles (ceux) qui se battent pour les Droits de la personne universels.
L’Universalisme permet de tenir compte de tous les aspects d’une réalité. Ce sont ceux qui sectionnent qui affaiblissent nos combats pour la conquête de droits minima universels, dont le droit à la dignité et à la liberté qui ne nuit pas à autrui , sont des piliers.

De la piscine de la résidence d’été à l’enseignement du droit…

La piscine de cette résidence est décidément un lieu d’observation hors pair.
Le schéma est toujours le même : mamie nage tranquillement quand arrive en hurlant une horde de mômes qui plongent à 10 cm d’elle.
Dans le groupe, il y a un petit blond d’environ 4 ans armé d’un pistolet à eau à « haute pression »… que mamie reçoit…dans l’oeil..
Mamie se met fort en colère. La mère du gamin daigne quitter sa chaise longue au bout de dix minutes pour venir s’excuser et exhorter le blondinet viril à demander pardon à la « vieille dame ».
Tous les autres autour de la piscine regardent ailleurs….Mieux vaut ne pas se mouiller!
Mamie qui refuse de passer pour l’emmerdeuse de la résidence a décidé, depuis le dernier incident (voir plus haut) de se taire. Elle sort de la piscine aussi dignement que le lui permet la marche trop haute de l’escalier en pierre.
Rentrée chez elle, elle se met à la lecture du Monde. La lecture d’un journal pour intellos vous redonne un statut voire une existence.
Elle tombe alors sur un article intitulé : Comment enseigner l’économie au lycée. Elle y apprend que des sommités en économie sont en train de repenser les programmes de SES (sciences économiques et sociales). Ils souhaitent y introduire plus de microéconomie pour tenter de « réconcilier les Français avec l’ultra-libéralisme » et enrayer « la défiance excessive envers le monde de la finance. » Cette révision se traduirait disent les réformateurs par « plus de mathématiques »
Ce à quoi les enseignants de SES répondent qu’ils sont attachés à l’approche pluridisciplinaire, fondée sur l’économie, la sociologie et les sciences politiques.
Pas un mot sur l’enseignement du droit !
Mamie se précipite sur son IPAD et découvre que l’enseignement du droit figure en optionnel en filière Littéraire et n’est obligatoire qu’en STMG (Sciences et technologies du marketing et de la gestion). Dans ce cursus, « il donne un cadre à l’activité économique »

Mamie-qui dans sa jeunesse- s’intéressa à la critique du droit, à ses principes généraux, au respect du contrat, à la responsabilité, et surtout aux difficultés pour le faire appliquer, qui risquent de le vider de tout intérêt, comme on le voit bien en droit international, reste stupéfaite.
Les règles du contrat social qui reposent sur le respect de l’Autre et donc en grande partie sur le droit ne sont pas enseignées. Le Droit est devenu le valet de l’économie de marché.
De son balcon, elle observe la piscine ou se bousculent des êtres de tous âges, les plus vieux…restant sur le bord.
Et là lui vient une pensée horrible : Nous, les propriétaires payons des charges énormes pour cette piscine et nous ne pouvons pas en profiter...
Mamie est de gauche et elle repousse cette terrible pensée avec honte…
Mais elle ne peut s’empêcher de penser que le respect de l’Autre s’il n’est pas inné ne peut être imposé que par la loi, par les limites à sa liberté quand elle nuit à celle des autres.
« Billevesées ? » Peut-être n’est ce plus de saison ?

« Israël, Etat-Nation des seuls juifs » : l’indignité

(sic !!!!!!?????)

Le 19 juillet 2018 la Knesset a voté une loi scélérate sur : Israël : la nation-Etat du peuple juif
Je ne peux pas dire que j’ai honte, parce que cela signifierait que je me sens proche d’israël. J’essaye parfois mais trop c’est trop.
Cette loi est indigne d’un Etat qui se prétend démocratique
Je reproduis ici des extraits de la pétition d’intellectuels israéliens contre cette loi, parmi lesquels :Amos OZ, David Grossman, A.B.Yehoshua, Eshkol Nevo, Orly Castel-Bloom, Etgar Keret, Zeruya Shalev, Yael Dayan…
« Nous-écrivains, scénaristes, dramaturges, universitaires et membres de la communauté des arts et des lettres d’Israël- souhaitons vous exprimer notre très grand choc et notre consternation, suite à la loi sur l’Etat-Nation.
Selon une loi récemment adoptée par la Knesset et intitulée « Israël: la Nation-Etat du peuple juif », Israël est maintenant défini comme nation-etat des seuls juifs. Celle-ci est une loi fondamentale, de statut quasi constitutionnel, qui autorise de façon explicite la discrimination raciale et religieuse, qui abroge le statut de langue officielle de la langue arabe en même temps que l’hébreu, qui ne mentionne pas la démocratie comme principe de base du régime et qui ne mentionne pas l’égalité comme valeur fondamentale. En tant que telle, cette loi fondamentale est non démocratique et est contraire à la définition de l’Etat d’Israël comme Etat démocratique.
Cette loi exclut les Arabes chrétiens et musulmans( y compris les Bédouins), les Druzes et les Circassiens.
En sapant ainsi les fondements de notre pays juif et démocratique, vous avez causé un grave préjudice à la société israélienne. mais l’atteinte la plus grave a affecté les valeurs d’égalité et de responsabilité mutuelle, sur lesquelles la société israélienne est fondée et desquelles elle tire sa force;
Nous exigeons que vous abrogiez immédiatement la loi sur la nation-Etat, qui instaure une discrimination à l’encontre des arabes, des Bédouins, des Druzes et des Circassiens et provoque la détérioration de la coexistence de la majorité juive d’israël avec ses minorités.
S’il vous plait, empêchez votre gouvernement et votre coalition d’accabler les minorités qui forme la mosaïque pleine de couleurs qui constitue la société israélienne et qui contribue à garantir son existence. faites le maintenant!

Merci Mr Benalla : Un été parfait…et une question : Comment définir une Affaire d’Etat ?


Il y a eu la Coupe du monde et la victoire des Bleus…Youpi
Il y a ce temps merveilleux même en Normandie
Il y a le Tour de France… un peu ennuyeux
Et puis il y a eu Alexandre Benalla: Merci Cher Alexandre. Grâce à vous, nous passons des heures passionnantes à écouter les grands chefs, les sous-chefs, les moins que chefs, les défenseurs de la démocratie comme Le Pen et Mélenchon sans oublier Ciotti, Jacob…demander des comptes sur ce qu’ils appellent UNE AFFAIRE D’ETAT
Outre d’attirer notre attention sur une administration pléthorique et inefficace (parfois), ce spectacle total nous permet d’assister à la faim (fin ?) des vieux partis, déboussolés.
Ils ont enfin quelque chose à se mettre sous la dent et ils nous montrent leurs muscles!
Certes, Cher Alexandre, ce que vous avez fait est condamnable. Seul un vrai flic a le droit de frapper un manifestant à terre, sans être condamné à quoi que ce soit ! Mais, en même temps, vous nous avez montré que le pouvoir, même le plus minime fait péter les plombs ! On le savait déjà mais il ne faut jamais le perdre de vue.
Mais, Cher Alexandre, J’ai peur que vous ayez surestimé votre pouvoir. Vous ne faites pas partie des chefs. On peut tirer sur vous sans ménagements.
A propos de cet évènement, qui est censé faire trembler le Président, Je propose à mes lecteurs une question à l’ordre du jour : Entre l’affaire du refus d’accoster sur les côtes françaises pour l’Aquarius et l’affaire Benalla, laquelle vous parait être une affaire d’Etat ?

Echec cuisant d’un petit cours d’application du droit…

Je fais consciencieusement ma brasse (coulée ?) dans la piscine. Il faut que j’arrive à 40 longueurs aujourd’hui. C’est un peu ennuyeux mais Bon !
Une mini armée d’enfants et de grand-parents arrive. le petit garçon myope et tout blanc se précipite sur l’interminable liste des interdictions affichée par la co-propriété et hurle à sa soeur : « Il est interdit de plonger, de crier … »
Je me dis que ce petit fera un parfait député faiseur de lois inutiles et je poursuis mes efforts.
La petite fille me demande alors si c’est vrai qu’elle n’a pas le droit de plonger.
La juriste critique que je suis est ravie : je lui dis que tant qu’elle ne gêne pas d’autres personnes et puisqu’elle nage bien, elle peut sauter et qu’il faut interpréter les règlements avec souplesse.
Elle saute pendant que le futur député éructe.
Contente de moi, je vais rougir au soleil en lisant un polar.
Un premier cri perçant d’une troisième petite fille vrille mes vieilles oreilles. Je résiste à l’envie d’engueuler sa famille affalée au bord de la piscine.
Au quatrième cri strident, je ne résiste pas à un deuxième cours .
« Pouvez vous s’il vous plait dire à vos enfants de hurler un peu moins fort ? Appliquer le règlement avec souplesse s’applique dans l’autre sens aussi ! »
Les dames se taisent, rappellent les enfants, leur disent qu’ils vont aller au bord de la mer puisque nous gênons la dame…etc
Je tente alors de leur expliquer que ce n’est pas grave mais que chacun doit respecter l’autre. Je respecte le droit de plonger, la petite respecte mon droit à ne pas devenir encore plus sourde…
Tout le monde boude.
Mon enseignement est un échec total
La tête basse, je quitte mon soleil.

Les émotions négatives : les conseils des sages

Ce livre réunit un psychiatre, Christophe André, un philosophe, Alexandre Jollien et un moine bouddhiste, Mathieu Ricard
Ils dialoguent sur des sujets fondamentaux : L’écoute, les émotions, le corps, la souffrance, la cohérence, l’altruisme …etc
Parmi les trois, il y a Alexandre. Je me sens si proche de lui que je vous présente ici quelques citations qui m’ont émue :

 » L’idée d’être un intermittent du bonheur apaise en profondeur…Pour celui qui peine au quotidien, il est encourageant de voir que ni la fatigue, ni la faiblesse, la maladie ou le handicap, ni en un mot, l’imperfection du monde n’interdisent la joie. L’exercice c’est d’oser inlassablement la non fixation. Tout est éphémère, même le mal-être. Et les mots de Spinoza disent l’essentiel et me servent de programme : » Bien faire et se tenir en joie. »

« Trop souvent, sans écouter l’autre à fond, je ramène tout à moi, à mon histoire, à mes catégories mentales. Affligeant réflexe qui nous pousse à balancer des : »ça me rappelle ma belle-mère », « Tu me fais penser à mon cousin. », « J’ai vécu la même chose, enfant », etc. Je me replie alors sur mes opinions, sans laisser l’autre réellement exister. Ecouter, c’est s’arrêter, oser ne plus avoir une réponse toute faite, cesser d’ensevelir autrui sous des tonnes d’étiquettes. »

On a l’impression en lisant ce livre et notamment Alexandre, le philosophe, d’avoir un ami qui nous comprend. Que dire de mieux ?

« La minute vieille »

C’est une très vieille dame courbée en deux, qui pendue au bras de sa (vieille) fille, exige de venir à la piscine de la résidence.
Après une descente périlleuse de trois marches, la très vieille dame s’assied sur une sorte de banc en béton.
La fille la couvre d’un chapeau et me rejoint dans la piscine.
Je la salue et déclare (hypocrite) : « Elle est merveilleuse, Quel âge a-t-elle ? »
« 96 ans. On peut dire çà » répond-elle avec une sorte de grimace. « Elle voulait se baigner mais je ne sais pas comment lui faire descendre les trois marches de la piscine! »
« Se baigner, dans son état ! » dis-je (très impoliment).
« Toutes les deux, nous avons toujours adoré l’eau. » répond sa fille avec un léger énervement.
Nous nageons côte à côte notre brasse années 50, la tête hors de l’eau et le dos arc-bouté.
Je suis si bien dans l’eau. Moi aussi, dès que je vois un lac, une piscine, un fleuve, la mer, j’ai envie de m’y plonger. J’ai 78 ans. Combien de temps me reste-t-il avant de devoir renoncer et me sentir à jamais exilée ?
« Il faudrait faire des piscines pour les handicapés » reprend dans un souffle de plus en plus faible ma nouvelle copine.
Je bredouille et je sens ma détermination à mourir avant la grande vieillesse et dans la dignité vaciller, d’autant que la très vieille dame crie à sa fille en rigolant : » Elle est aussi bonne que la mer ? »

Dubito ergo sum

Marquis de sade
Philippe Roth

Prétendre détenir LA vérité peut conduire aux pires monstruosités, aux idéologies meurtrières.
Mais comment gouverner (un pays, un parti, une association, une entreprise…) sans croire et appliquer UNE vérité ?
Dans une démocratie où la diversité politique est la norme, le désaccord est nécessaire comme l’accord peut être indispensable. La critique systématique est inutile et contre productive.
Qui peut prétendre dire LA vérité sur l’accueil des migrants ? Seuls les chercheurs comme François Héran et Stephen Smith peuvent envisager tous les aspects d’un problème aussi complexe. Ils sont indispensables mais ils ne donnent pas de directives concrètes. Nous y reviendrons.

Pire encore, comment condamner une oeuvre littéraire au nom, par exemple, de LA vérité d’une idéologie féministe ? Pour certaines féministes, Philippe Roth doit être condamné pour sexisme ! C’est méconnaitre le rôle fondamental de la subjectivité de l’auteur, de son droit aux phantasmes, de son devoir de dévoiler les aspects parfois sordides de son inconscient.
Seule la littérature peut nous aider à comprendre l’être humain, ses contradictions, ses allers-retours entre le Bien et le Mal. C’est avec ce monde là que nous devons agir ou pas ?
Dans le même esprit, le rejet « féministe » du Marquis de Sade. On peut ne pas aimer. On ne peut pas le condamner au nom du féminisme. Sade décrit avec froideur des pratiques sexuelles violentes. Il montre aussi par ce biais les limites de la sexualité. Ce sont des pratiques et des phantasmes que beaucoup d’êtres humains partagent.
En évoquant cet échange avec quelques copines féministes, je parle toujours de ce qui me tient le plus à coeur : le fil ténu entre nos comportements quotidiens et les actions les plus meurtrières.
« Je condamne donc je suis » pourrait résumer cette tendance de certains êtres humains (parmi lesquels des intellectuels) à préparer le terrain aux fanatismes les plus stupides.
Ce fil ténu m’obsède depuis que j’ai commencé à écrire . Certain(e)s me l’ont reproché estimant qu’il n’y a aucune commune mesure entre une mauvaise pensée ou une petite mauvaise action et les génocides… C’est vrai et faux.
Pour moi continuer à penser ce fil ténu c’est m’interroger sur ce qui au tréfonds de nous-mêmes, participe du mal que les êtres humains sont capables de faire subir à leurs semblables.