Les médecins de Molière

Je me souviens du mois de septembre 2003
Je me souviens de m’être évanouie et d’avoir séjourné dans les couloirs de l’hôpital Saint Joseph pendant 48 h
Je me souviens que chaque fois que je voulais descendre de mon brancard, une extrême faiblesse s’abattait sur moi jusqu’à la chute
Je me souviens des cinq pages d’analyses réalisées par le labo de la médecine interne de l’hôpital où tout semblait normal et où aucune analyse de la thyroïde n’apparaissait
Je me souviens de ces heures passées dans mon lit sans savoir ce qui me mettait dans cet état de fatigue immense
Je me souviens de mon adorable gastro-entérologue que j’avais réussi à atteindre en vacillant me disant que tout allait bien
Je me souviens de sa secrétaire m’assénant à la sortie : vous avez vieilli de dix ans
Je me souviens des médecins de SOS me regardant d’un air vaguement méprisant et décrétant que tout ces maux étaient d’ordre psychologique
Je me souviens d’une amie me conseillant d’aller au laboratoire sans ordonnance me faire faire une analyse (dite TSH) du fonctionnement de la thyroïde
Je me souviens de l’endocrinologue consultée par téléphone en urgence devant les résultats alarmants de l’analyse
Je me souviens du Lévothyrox qui m’a permis après un mois de quasi coma de revivre
Je me souviens de mon médecin qui, il y a quelques jours lors du renouvellement de mon ordonnance, déclarait que les réactions au nouveau Lévothyrox étaient de « l’hystérie collective »
Au secours Monsieur Molière, vos médecins sont toujours parmi nous

Les contradictions d’un « diseur de droit »

J’ai ressenti avec force ces contradictions lorsque j’étais inspectrice du travail dans les années 70.
Les gens venaient nous voir pour « chercher leurs droits » et je leur disais Le Droit. Ce Droit objectif ne correspondait pas toujours à leur idée de la justice. Alors je tentais d’expliquer que la règle de droit est une règle générale et impersonnelle qui s’applique à tous les individus sur un même territoire. Il peut y avoir des cas particuliers qui seront tranchés par les tribunaux.
Souvent mes « clients » repartaient en claquant la porte, semblant estimer que puisque je ne leur avais pas donné LEURS droits tels qu’ils les voyaient, je devais être une alliée objective du méchant patronat.
Les mêmes phénomènes se reproduisent dans tous les lieux où l’on dit le droit par exemple pour les migrants.
Leur seule chance d’obtenir un droit au séjour est de rentrer dans l’une des catégories juridiques prévues par le Code des étrangers ou les Accords bilatéraux.
Souvent ils sont venus en France pour fuir un pays de non-droit, de corruption généralisée…
Je leur explique que leur situation (par ex être en France depuis six mois, sans être demandeur d’asile) ne peut pas être résolue dans l’immédiat. Certains s’énervent ou me regardent avec un léger sourire compatissant qui semble dire que je dois surement ignorer le droit.
Comment expliquer à ces errants qui pour la plupart ont eu d’excellentes raisons de quitter leur pays, que précisément ils viennent en France parce que… c’est un pays où le droit peut permettre une coexistence plus ou moins harmonieuse entre les habitants
Le diseur de droit se trouve dans la position délicate de devoir défendre un droit qui n’est pas nécessairement juste (il sera juste pour certains, injuste pour d’autres. Droit et justice sont deux concepts différents) mais qui se trouve être le seul droit recevable par les préfectures à un moment précis.
Certains de mes camarades choisissent de penser que le droit est forcément injuste pour les étrangers.
Pour ma part, je crois qu’il est démagogique de penser que l’accueil des étrangers sur un territoire donné ne devrait pas faire l’objet de règles.
Dire cela , ce n’est pas ne pas être solidaires des migrants, c’est, selon moi, les considérer comme des êtres responsables, des acteurs de leur processus d’intégration et non de pauvres victimes ignorantes.

Nouvelles des migrants : « Les réfugiés doivent être accueillis plus rapidement et les migrants économiques effectivement reconduits » ( Gérard Collomb au JDD le 6 Aout 2017)

Notre ministre ne donne pas dans la nuance. Je l’invite à venir à une permanence d’une association d’aide aux migrants pour qu’il affine son analyse et notamment la différence entre réfugiés et migrants économiques. Voici quatre exemples rencontrés dans une permanence de la CIMADE :
– Mme A : Mariée à un Français, venue au titre du regroupement familial à la demande de son mari. Arrivée en France, Monsieur ne lui donne pas d’argent, l’empêche de sortir, disparait sans explications pendant des jours, la suit partout dans l’appartement … Après des mois de ce harcèlement, elle quitte le domicile conjugal, demande le divorce et est hébergée dans une structure pour femmes battues.
En vertu de l’accord passé entre son pays d’origine et la France, les violences contre un conjoint ne permettent pas un renouvellement de la carte de séjour. Sachant que cette femme avait un travail dans son pays, a tout quitté pour se marier et avoir des enfants et qu’un retour est impossible pour elle, que doit-on faire ? : Migrante économique ou réfugiée ?
– Mme R. : Mme R a fui son pays à cause d’un mari très violent (elle en porte encore les traces) , dont elle voulait se séparer mais qui la menaçait de mort ainsi que leurs trois enfants si elle mettait son projet à exécution . Ses enfants réfugiés chez sa mère ayant été menacés par la famille du mari, elle les a fait venir également. Elle n’est là que depuis huit mois et il n’y a aucun moyen de la régulariser. Migrante économique ou réfugiée ?
– Mr K. : Après avoir quitté un pays du Maghreb avec ses frères pour l’Italie, il arrive seul en France vers l’âge de dix ans dans les années 80. Non repéré par l’ASE (Aide sociale à l’enfance), il survit grâce à la délinquance, fait plusieurs années de prison puis s’en sort grâce à une jeune femme française. Ils ont un enfant de 18 mois. Mr K n’a pas de nationalité. Son avocate fait des demandes aux trois consulats du Maghreb. Aucun ne le reconnait comme son citoyen. Il a commencé une vie normale. Il voudrait travailler, avoir des papiers. Impossible répond l’OFPRA qui statue négativement sur sa demande de statut d’apatridie, suivi par les tribunaux. Réfugié ou migrant économique ?
Il ne s’agit que de quelques exemples parmi des centaines de ce genre par an.
Alors, Monsieur Collomb, on fait quoi ?

Mes lectures d’été: hommages féministes

A la pertinence gracieuse de Chantal Thomas (Souvenirs de la marée basse, Le seuil, 2017) « :« La nageuse est un phénomène neuf et d’exception dans une histoire de l’humanité qui revient pour les femmes à une histoire de leur immobilisation, de leur identification imposée et plus ou moins assumée à des êtres de pudeur et de faiblesse, des créatures maladives qui ne peuvent que demeurer sur le rivage, empaquetées de jupons, de robes et de châles, protégées du vent et du soleil….Quant à se dévêtir et entrer dans l’eau, se tremper en entier, se mettre à nager et se diriger droit vers l’horizon, comblée de la douceur qui submerge, oublieuse de tout ce qui précède : pareille conquête se joue à l’échelle des siècles. Elle est loin d’être achevée. »

A la maturité précise de Alice Zenitzer (L’art de perdre) : » La plupart des choses que les femmes ne font pas ne leur sont mêmes pas interdites (terrasses, fumer, boire). On ne peut pas résister à tout. Moi je sais qu’ils ont en partie gagné parce qu’ils ont réussi à me mettre dans la tête que j’aurais préféré être un homme. » <( C'est Rachida femme artiste à Alger qui parle)

Macron 1 : La liste de mes interrogations

Il ne s’agit pas de condamner ce gouvernement après trois mois de pouvoir.
En Marche a fait une petite révolution politique qui peut s’avérer très positive. Déconstruire une vie politique fondée sur les partis traditionnels,leurs luttes internes et externes souvent inutiles, n’est pas chose facile. Il faut laisser du temps au temps.
Le risque existe – comme je le souligne souvent dans ce blog- que le fonctionnement d’En Marche ne soit pas différent des autres groupes : batailles pour le pouvoir, pas de considération pour les militants de base qui finissent par se lasser, décisions importantes prises au sommet, pas de dialogue constructif etc … Espérons que ce nouveau mouvement saura éviter ces écueils.
Je pars de l’hypothèse que pour le moment le capitalisme a gagné et que la « révolution » n’est pas à l’ordre du jour. Ce n’est pas l’agitation stérile mélenchonienne and co qui me convaincra qu’il est possible de construire une société socialiste « à visage humain ».
La seule solution – selon moi- est donc de permettre au capitalisme de se développer tout en préservant (en même temps) les plus faibles et en créant les conditions qui permettent aux exclus, à une partie de ceux qui se retrouvent enfermés dans des ghettos de pauvres, de sortir de leur enfermement, en évitant quand c’est possible l’assistanat.
A ce stade du gouvernement Macron j’ai eu envie de faire le point en établissant cette petite liste en trois points:
1- Le logement et ce qui s’y rattache constitue au moins la moitié du budget des habitants de ce pays. Le droit d’avoir un toit sur la tête, un lieu agréable ou se retrouver, se réfugier, poser ses quelques affaires, est un droit élémentaire et sur lequel aucun gouvernement ne devrait pouvoir transiger.
Or depuis L’après guerre et le fameux appel de l’Abbé Pierre en 1954, la situation du logement social s’est certes améliorée mais est encore très problématique pour des millions de gens. Je n’exclus pas bien sûr les SDF et les migrants en attente d’un statut de ces demandeurs d’un logement correct et abordable. Si la politique du logement social et de la mixité sociale avait été menée correctement depuis plus de 60 ans, nous n’en serions pas là. Alors baisser les APL dans ces conditions ressemble à une provocation (même si elle n’a pas été perçue comme cela par le gouvernement). Pour l’éviter, il aurait fallu présenter immédiatement un Plan cohérent sur le logement social, dont les grandes lignes auraient été déterminées avant même l’arrivée au pouvoir.
2 -La suppression des contrats aidés sans réflexion suffisante sur les services rendus (publics en difficultés, associations notamment les plus proches des personnes en souffrance) relève également d’une forme d’ignorance ou de mépris pour les personnes les plus défavorisées.
3 – Flexibiliser le droit du travail : Pourquoi pas à condition que l’effectivité des règles écrites soit améliorée. Un inspecteur du travail doit contrôler 850 entreprises.Parmi elles beaucoup n’ont pas de représentation syndicale et beaucoup ne respectent pas le droit. Il faut rappeler que c’est l’inégalité des parties en présence (la subordination du salarié reconnue comme telle) qui a été à l’origine de la création d’un corps de contrôle de l’application du droit du travail.
On peut espérer que les patrons notamment dans les PME et TPE auront à coeur de respecter les accords d’entreprise signés par eux. Mais il reste que l’inspection du travail devra s’assurer que les accords ne sont pas contraires aux principes généraux du droit du travail et que la règlementation prévue par le Code du travail (en dehors des Accords) sera appliquée.
C’est pourquoi je partage le dépit de Laurent Berger qui estime qu’il aurait fallu aller dans le sens d’un accroissement de la présence syndicale dans les entreprises (dont il estime qu’elle devient majoritairement réformiste) pour veiller à l’application du droit existant, y compris des accords dérogatoires.
La fine équipe gouvernementale est active, cohérente mais elle donne parfois l’impression de ne pas prendre la mesure de la détresse de milliers de personnes , comme s’il suffisait de travailler dur ou d’être inventif pour se sortir de la misère matérielle , psychologique ou intellectuelle.

Fin d’été : conversations de plage entre femmes

« Mon mari vient d’avoir 50 ans et il est déprimé. Il se trouve vieux. Il ne veut plus sortir. Moi, je m’en fous je suis venue seule ici avec mon fils et je suis ravie; »
« Mais vous êtes jeunes… qu’est ce que je devrais dire moi qui vient d’avoir 70 ans. »
 » Quand ma mère a eu 70 ans, je l’ai mal vécu. Je me suis sentie vieille et je ne la regardais plus comme avant. Tout d’un coup, elle avait franchi un cap. »
« Je viens d’avoir 78 ans (regards un peu condescendants sur elle) et parfois je me dis que je ne me suis jamais sentie aussi bien dans ma peau. Plus d’obligation de séduire, la possibilité d’être soi-même…Bien sûr, il faudrait s’arrêter là ! »
« Vous ne trouvez pas bizarre que nous soyons entre femmes. Où sont nos hommes ? Le mien il est sur son canapé devant la télé. »
« Le mien il est devant son ordinateur et pour qu’il sorte, il faut vraiment le forcer ! »
 » De toutes manières, mon mari ne prête guère attention à moi depuis de nombreuses années (rires). Mais bon, c’est ce que je dis à mes enfants, dans un couple, il faut faire des concessions, non ? » Divorcer pour un oui, pour un non, est ce que c’est mieux ? »
 » La dame là bas, elle a gardé ses cheveux blancs; çà, je ne peux pas. C’est montrer son âge. D’ailleurs mes petits-enfants me l’ont interdit. »
 » Bon, mesdames, je vous laisse, je vais rejoindre Monsieur devant la télé, enfin quand j’aurai fini la lessive. »

Témoignage nippon sur la vieillesse

Le journal Le Monde a publié le 25 Aout 2017 , dans sa série :’l’Eté des débats », un article sur les oeuvres littéraires d’ auteur(e)s » seniors » japonais, pour la plupart non traduits en français.
Il me parait intéressant de relayer ces informations dans le cadre de mes articles sur la vieillesse.
« Quatre vingt dix ans, pas de quoi pavoiser » est le dernier ouvrage paru de Aiko Sato (2016, non traduit)
Le Monde en publie quelques extraits traduits par Philippe Pons :« Même calculer mon âge est fatigant…
Le cauchemar des vieux…La télé ne marche plus. un technicien vient, tripote la télécommande. en dix secondes, ça remarche…Facture :4500 yens (40 euros). Je m’insurge, c’est le coût du déplacement. Je vais aux toilettes dans le grand magasin Mitsukoshi. Quand j’ai voulu tirer la chasse d’eau, je me trouve devant une batterie de boutons mystérieux. je vois un fil avec une boule rouge. Je tire et retentit alors la sonnerie de l’alarme…Je ne vais plus aux toilettes que chez moi.(…)
Vivre longtemps est pénible. Je pleure sans être triste, mon cerveau marche au ralenti, mes genoux fléchissent et j’ai envie de dire : »Laissez-moi tranquille! » mais à qui ? Aux dieux ? A moi-même ?(…)Les jeunes marchent vers leurs rêves. Nous, les vieux , vers la mort (…) Nos rêves à nous les vieux ? Mourir d’un coup. C’est triste comme rêve. »

La place des vieux dans la société nippone (en 2030, un tiers des Japonais auront plus de 65 ans) est un problème majeur mais il ne fait que montrer avec un peu d’avance l’importance de cette question dans toutes les sociétés développées.

Pour éviter l’amertume ou le pessimisme, pour vieillir le moins mal possible, j’ai eu envie de consacrer dans ce blog beaucoup de place à cet évènement notable de nos vies : le vieillissement, la place des vieux dans la société, le regard ou le non regard des jeunes et des adultes sur la vieillesse, et puis enfin , le choix que certains (dont je suis) font de décider de la date et des modalités de sa mort.
Notre génération a aussi le devoir de parler des problèmes spécifiques que posent la vieillesse au féminin.
J’espère être rejointe dans cette réflexion par d’autres copines et peut-être aboutirons-nous à la conclusion que la vieillesse…n’est pas un problème, juste une phase de la vie qui peut être parfois merveilleuse…à condition d’être acceptée comme telle par la société et ceux qui la composent

On se définit par ceux que l’on exclue : une réflexion intéressante de Virginie Despentes (Vernon Subutex 3)

« Sur le fond, tout le monde est d’accord : exclure les impurs, les impropres, les empêcher de s’exprimer. créer une catégorie de massacrables. les frontières varient, mais le jeu des gardes-douanes reste le même. C’est :toi, dehors. Je ne veux pas de çà chez moi. Le seul critère véritable, c’est qui on met dans les camps. Qui est torturable, charnièrable. Qui mérite d’être exclu. Il y en a qui ne veulent pas vivre avec les patrons, et d’autres c’est les Camerounais. il y en a qui ne veulent plus supporter les machos, et d’autres c’est les Gitans….On est tous du côté du pur. la seule chose qui nous intéresse c’est de légitimer la violence. Il faut que ce soit pour la bonne cause. parce qu’on veut bien avoir du sang sur les mains, mais en gardant bonne conscience. C’est la seule différence entre le sociopathe et le militant politique- le sociopathe se contrefout d’être dans le camp des justes. il tue sans préliminaires, c’est à dire sans perdre de temps à construire sa victime comme un monstre. Les Militants, eux font ça correctement : d’abord la propagande, et ensuite seulement le massacre. » (page 139 dans la bouche de Xavier, scénariste sans succès, aime les chiens)

C’est excessif mais ça donne à réfléchir sur ce thème qui m’est cher : l’exclusion

Comment aider aux changement sociaux … sans faire partie d’un groupe ?????


( Installation de Jane Alexander , sud-africaine (La meute) à la Fondation Vuitton, Juillet 2017)

Je me souviens de ma déclaration péremptoire, il y a environ 50 ans : »Le groupe c’est la mort »
Dans l’article qui précède, je cite Annie Le Brun qui représente pour moi la subversion sympathique, parce que- tout en partageant les mêmes idéaux que les membres de certains groupes (féministe, anti-capitaliste..)- , elle refuse l’idéalisme collectif.
Au PSU, au PC, à la CGT, à la CFDT, à la LDH etc, après m’être sentie très mal à l’aise, j’ai fini par démissionner parce que je ne supportais pas le mode de désignation des chefs, parce que prendre la parole et être écoutée paraissait de l’ordre de l’impossible, parce que la majorité est souvent lâche pour se faire bien voir des chefs ou pour d’autres raisons qui me sont inconnues.
A LA question qui figure dans le titre…je n’ai pas de réponse.
Ou alors une réponse pour rire : Fonder un groupe ….dont je serai la chef…

Gender studies, LGBTQI, Génération féministe, Girl power… Au secours ! « Lâchez tout »

Je suis féministe depuis près de 60 ans.
J’ai manifesté, fréquenté les réunions, les colloques, les AG.. dans les années 70 et jusqu’à récemment.
J’ai connu les années 80/90 où il était ringard de se dire féministe, autrement dit « mal baisée »
Alors je devrais être ravie de voir fleurir cette mode du féminisme qui s’affiche même dans les défilés de mode sur des mannequins anorexiques!
Mais curieusement, cette avalanche m’ennuie.
Ecrire des milliers de pages pour arriver à cette découverte si nouvelle (sic) : » Le genre est l’identité construite par l’environnement social des individus. La masculinité et la féminité ne sont pas des données naturelles mais le résultat de mécanismes de construction et de reproduction sociale… » Et s’il manquait le mot « seulement » avant « des données naturelles » ?
« On ne nait pas femme, on le devient » disait Simone de Beauvoir en 1949 et même…Durkheim en 1897 : « La division entre hommes et femmes n’est pas réductible à une différence biologique…. »
Tout en dénonçant cette construction sociale de la femme, cette catégorisation entre hommes et femmes, nos théoriciennes universitaires ajoutent des catégories aux « non catégories » que semblent être les hommes et les femmes : lesbiennes, gays, Bi, trans, queer, intersexes….
J’ai parfois envie de murmurer, imitant Galilée : et pourtant il y a aussi des hommes et des femmes, biologiquement différents et c’est pas désagréable !
Et Il me revient en mémoire ce livre d’Annie le Brun, « Lâchez tout »,critique acérée de l’idéologie féministe, paru en 1977 qui m’avait déjà fasciné à l’époque par son acuité, sa liberté, sa volonté de ne pas se laisser enfermer dans une nouvelle identité
Extraits ( entretiens, ouvrages) : « Il s’agit toujours du discours du même où l’identité est affirmée au détriment de l’individualité de sorte que le groupe doit prévaloir sur toute autre forme d’existence. » ou encore : » A un moment le refus d’obligation d’être se transforme en une nouvelle identité qui devient une autre obligation d’être. Là est le danger de toute revendication identitaire toujours en voie d’être relayée par un désir d’insertion sinon de pouvoir. Quant à la liberté des femmes, elle n’a aucun sens si elle n’est pas posée dans la perspective de la liberté de tous. »
Je ne renie pas le féminisme des années 70, nos révoltes, nos « meutes hurlantes » ( terme utilisé par Annie le Brun) mais le féminisme universitaire m’assomme. J’observe avec passion les mouvements de femmes dans les pays où elles sont victimes de discriminations intolérables ou de violences parfois impunies. Je sais aussi qu’il y a des combats à mener dans les pays occidentaux
Toutes les idéologies sont dangereuses, par leur prétention à asséner une vérité. Ce qui n’était qu’une révolte évidente contre les inégalités, les violences, les rôles imposés tend à devenir une idéologie, c’est à dire une interprétation du monde qui prétend représenter la vérité, une philosophie qui spécule sur des idées vagues et tend à rejeter violemment toutes celles et ceux qui émettent une critique.

* Certaines réactions de lectrices m’amènent à préciser ma pensée : Je pense que les luttes des femmes contre les discriminations, les inégalités, les violences etc…sont indispensables. Le développement de luttes sur tous les fronts ( poids,vêtements, obligation au mariage et aux enfants, accès à tous les métiers, égalité des salaires, parité, lutte contre le harcèlement…) en ce moment est remarquable. De même la reconnaissance d’identités sexuelles diverses est un progrès évident.
Ce que je vise dans cet article c’est La Théorie du genre développée notamment dans la recherche féministe universitaire.