C’est une petite sous-préfecture de l’Ile de France.
C’est un jeune homme venu d’Afrique non francophone qui est arrivé en France à l’âge de 14 ans et y a fait toute sa scolarité.
Depuis quatre ans, il demande une carte de séjour.
Entré en France avant seize ans, pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance, ayant suivi un cursus scolaire, parlant parfaitement le français, Il a droit à cette carte selon le Code des étrangers
Mais voila, depuis quatre ans, on lui réclame un passeport et les preuves de dix ans de présence
Je l’accompagne. Il y a deux femmes à l’accueil : celle qui nous reçoit réclame le passeport, les preuves etc… Il n’a ni l’un ni l’autre
Elle dit : sans cela vous ne pouvez pas avoir de carte
Je lui lis l’article qui donne le droit à ce jeune homme d’avoir sa carte, de pouvoir travailler, et de ne pas être expulsable. Elle reste fermement campée sur ses positions.
Au moment où nous commençons à désespérer, sa voisine lui dit qu’elle va s’occuper de nous.
Elle a écouté. Elle a compris que depuis quatre ans ce jeune homme correspondait à un mauvais code et qu’il fallait le changer de code; Elle s’en occupe. il va avoir sa carte après quatre ans de galère.
A quoi tient une vie de migrant ?
Une après-midi à Nuit Debout
Il faisait beau et chaud ce vendredi 6 mai place de la République à Paris
J’avais quelques légers préjugés négatifs en y arrivant. Blabla, sectarisme, ignorance, petits chefs etc
Il y avait bien l’inévitable hystérique qui réclame le micro en hurlant que les « flics » veulent reprendre la place de la République, le prof d’Economie qui ne peut plus s’arrêter de parler et qui se la pète, le sidéen enturbanné et voilé qui parle de vagins(!), les représentants syndicaux qui appellent à la grève générale à la poste…dans les Hauts de Seine, les féministes et LGBTQPAI…(?) un peu parano et bien sûr le drapeau palestinien…
Mais il y a aussi et c’est l’essentiel, cette gaieté, cet enthousiasme, cette organisation mal foutue, ces cours de boxe pour les femmes, une égalité hommes/femmes, cette jeune fille qui en rigolant explique qu’elle est responsable des tracts mais qu’elle en a marre de rédiger des trucs que personne ne lit, cette autre jeune femme qui rappelle au début de l’Assemblée générale les gestes à faire quand on est d’accord, pas d’accord, que l’on s’ennuie, que certains propos sont sexistes ou racistes ou homophobes et qui évoque le respect de l’autre et la civilité comme des conditions indispensables au dialogue
Alors, peu importe ce qui en sortira ou pas
L’important, ce sont ces gens qui se parlent, toutes générations confondues et qui n’ont pas renoncé à rêver.
Non, la vieillesse n’est pas une maladie, dont on peut guérir…
Régulièrement, on nous annonce que des recherches scientifiques permettent de concevoir une « guérison » de la vieillesse, qui ne serait qu’une maladie comme une autre!
Vision étrange que celle de millions de vieux, desarthrosés, lissés, virevoltant parmi les jeunes !
Dans cette obsession de la « guérison » est à l’oeuvre l’ horreur de la vieillesse que nous rencontrons si souvent autour de nous.
On imagine les mouvements de colère des jeunes contre la prolifération des (faux) vieux , inutiles, crevant le budget de la sécurité sociale !
Les rides, les cheveux blancs, la fatigue, les rhumatismes, les pertes de mémoire mais aussi une forme de sagesse, d’observation du monde, de patience, et dans le meilleur des cas d’humour font partie des « privilèges » de cette étape de la vie.
On ne guérit pas de la vieillesse
Il faut vivre le mieux possible en sa compagnie
Et quand elle devient trop lourde à porter pour soi ou son entourage pouvoir y mettre fin sans violence .
La vieillesse pour les nuls (10/11) : Eloge de la vieillesse, Citations de Hermann Hesse
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« Depuis des dizaines d’années, j’éprouve de la répugnance vis à vis de l’adoration que certains vouent de plus en plus à la jeunesse et aux adolescents. Mais plus encore c’est l’élévation de cette jeunesse au rang de condition sociale, de classe, de « mouvement », qui me déplaît profondément »
« La vieillesse représente une étape de notre existence, et comme toutes les autres étapes, elle a son propre visage…Nous qui portons des cheveux blancs, nous sommes comme nos frères humains plus jeunes: nous avons une mission qui donne sens à notre vie(…) Un homme âgé qui abhorre et craint la vieilesse, les cheveux blancs et la proximité de la mort, ne représente pas dignement l’étape de l’existence qu’il a atteinte, tout comme un jeune homme vigoureux qui déteste son métier et cherche à y échapper. En résumé : pour accomplir sa destinée d’homme âgé et remplir convenablement sa mission, il faut accepter la vieillesse et tout ce qu’elle implique. Sans ce consentement, sans cette soumission à toutes les exigences de la nature, notre vie perd son sens et sa valeur, et que nous soyons jeunes ou vieux, nous commettons une trahison. »
Evacuez les vieux et les banques : Emmanuel Todd a trouvé la solution pour imaginer une nouvelle société !
Cher Emmanuel Todd,
Dans un entretien avec le talentueux François Ruffin,réalisateur de « Merci Patron » et rédacteur de « Fakir, Le journal fâché avec tout le monde ou presque », vous déclarez à propos de NUIT DEBOUT : « Un territoire libéré des vieux et des banques, çà ne me déplait pas! »
Je vous remercie pour cette fine analyse politique qui bouscule toutes les idéologies existantes et permet d’y voir plus clair…
Si je vous suis bien, les vieux et les banques feraient partie d’une catégorie qu’il faudrait d’après vous « mettre à mort », afin que la jeunesse se réapproprie …le pouvoir.. En quoi le pouvoir changerait-il de nature dans cette nouvelle configuration, vous vous gardez bien de nous le dire.
En réfléchissant, on ne vous a pas connu vraiment mieux inspiré : Dans votre livre, « Qui est Charlie, Sociologie d’une crise religieuse », vous dénonciez les manifestants du 11 janvier 2015, les qualifiez d’imposteurs, représentants d’une France blanche, vieillissante (encore), bourgeoise , catholique, islamophobe et pourquoi pas antisémite etc…
La vieille que je suis, juive, bénévole à la CIMADE, féministe… n’a que trois mots à vous dire : Mort aux cons, qu’ils soient jeunes , vieux, musulmans, juifs, catholiques, protestants,maigres, gros, banlieusards, paysans ou soi disant intellos.
Veuillez agréer Monsieur l’assurance de mon indifférence.
Bonjour à votre vieux père, pour lequel j’ai beaucoup de respect malgré son grand âge
la banalité du quotidien
Il y a un jeune homme d’une trentaine d’années, handicapé mental, probablement trisomique dans l’autobus
Il est maladroit, trop gros, mais avenant.
Sa mère le guide, l’aide à se tenir.
Devant lui il y a un homme du même âge muni de ses inévitables écouteurs
Il pose sur le jeune trisomique un regard fixe et haineux
Ses yeux ne bougent à aucun moment pendant un temps qui me paraît interminable
L’immobilité de son regard est terrifiante
Nulle gentillesse dans ses yeux arrimés, juste la volonté de voir disparaître cet être, de trop sur cette terre
La vieillesse pour les nuls: « Vieillir c’est encore le seul moyen qu’on ait trouvé de vivre longtemps » Sainte-Beuve
J’avais lancé un appel à mes ami(e)s. Guy et a.b. y ont répondu de la plus belle manière. Merci à eux
Une amie m’a dit qu’à 74 ans, elle ne se concevait pas comme appartenant à cette catégorie. Bravo.
Les autres n’ont pas répondu.
« La vieillesse est un secret honteux et un sujet interdit » affirmait Simone de Beauvoir avant d’inviter ses lecteurs à l’aider dans sa recherche.
Dans son livre, paru en 1970, elle tente une analyse marxiste du traitement social de la vieillesse : » C’est l’exploitation des travailleurs, c’est l’atomisation de la société, c’est la misère d’une culture réservée à un mandarinat qui aboutissent à ces vieillesses déshumanisées »dit-elle dans son introduction.
Cette approche n’est pas fausse mais elle est partielle. La responsabilité du système economico-social n’exclut pas celle des êtres humains. Le racisme anti-vieux est à l’image des autres racismes, irrationnel et potentiellement « meurtrier ». Nous avons tous détesté l’idée de la vieillesse (sauf peut-être dans l’image des grand-parents) qui s’accompagne de la dégénérescence du corps, de la disparition du désir, de la présence de la mort. Nous avons tous eu peur. Ce qui nous différencie des animaux est entre autres la lutte contre nos pulsions primaires.
Je ne demande pas à être aimée. Je demande à être traitée comme un être humain ordinaire, avec respect et politesse. je suis plus indifférente que sage, mais je garde intacte ma colère contre les injustices et la bêtise, et je progresse dans l’acceptation tranquille de la non-reconnaissance sociale. Je me sens presque apaisée.
Je n’ai qu’une seule exigence : décider du moment de ma mort, avaler mon penthotal (que je n’ai pas encore) tranquillement et partir dignement, sans ennuyer mes proches, sans peser sur le budget de la sécurité sociale.
En attendant, j’essaye d’apporter à mes visiteurs migrants à la Cimade la gentillesse, l’hospitalité, la compétence dont ils ont besoin
A bientôt pour de nouveaux épisodes…
En vieille schnockerie
Chaque jour est un pas de plus dans la vie
J’ai du mal à marcher Je grince de partout
Je ne peux plus guère écrire que deux ou trois heures par jour
Mes amis ont presque tous disparu
Sans Régine je serais bien seul
Je suis content de mes textes même s’ils n’ont pas grand succès
Je me contente de mon sort
Je suis même heureux quand l’amie ne se moque pas de moi
Guy Dhoquois
Aujourd’hui, je déguste la vie. (a.b.)
Autrefois je vivais ma vie, bien ou mal, c’était selon
Aujourd’hui je la déguste.
Je me réjouis d’être en vie
encore en vie
toujours en vie
de me lever le matin après avoir dormi
de déjeuner parce que j’ai faim
d’avoir de bonnes choses à manger
d’avoir le corps qui fonctionne encore bien
de ne pas avoir trop mal en ce moment
de ne pas être malade, quel bonheur !
je me réjouis de marcher, de me promener,
de voir de belles choses, arbres, jardins, nature
de voir les divers tableaux qu’offre le ciel
je me réjouis d’avoir en moi une source de vie
une source de bonheur
je ne l’ai pas toujours eu
a.b.
La résidence (a.b.)
J’y arrivais de mon plein gré, certes, mais forcée par les circonstances, des menaces sur ma santé existaient. Il fallait m’en arranger.
La salle était immense, ronde, peu remplie le soir, trop à midi, c’était la foule, j’en avais peur.
Que des vieux. Cela fait de l’effet. On a peur. Ils sont laids, courbés, lents, tristes. Ainsi, je suis désormais l’un d’eux.
Avec le temps, on apprivoise la nouvelle réalité.
Ce n’est plus une foule, indistincte, menaçante.
C’est une femme, Roberte, elle a gardé un charme fou, une élégance habite son corps tout cabossé, ses yeux pétillent de malice et de vie.
C’est un vieil homme très doux, très voûté, très lent, il perd la vue, peu à peu. On me raconte que, quand sa femme était vivante, ils se promenaient ensemble en se tenant la main. Nous l’aimons tous. Il fait des poèmes, il regrette de ne plus chanter. A table, on lui donne les sachets de sucre que l’on n’a pas utilisé pour le yogourt. C’est devenue une douce tradition.
La douceur. En américain, on dit, care.
Il y a ici une atmosphère de gentillesse, car nous nous savons tous fragiles, nous nous aidons les uns les autres, nous respectons.
Sauf quelques-uns, quelques-unes, surtout, qui sont pleines de fiel, et se plaignent tout le temps, de tout, systématiquement.
C’est comme çà, c’est la nature humaine, il y a toujours du mal quelque part, il faut faire avec, savoir s’en protéger, ne pas se laisser infecter, garder la positivité si grande qui existe tout autour.
Je me plais bien dans cette résidence.
J’y ai découvert d’autres aspects de la vie, d’autres aspects humains, d’autres aspects sociaux.
La vie ici est tout aussi intense qu’ailleurs, et même plus, avec les visites, plus fréquentes qu’ailleurs, des ambulanciers emmenant ou ramenant de l’hôpital, et la proximité de la mort, qui semble nourrir la vie.
A.B.
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