Vivre et mourir dans la dignité

Depuis de longues années, je suis frappée par l’énergie et l’argent dépensés pour que vivent des gens plus ou moins condamnés à mort à court terme. Certains survivront dans des conditions indécentes, indignes. Le corps médical dans sa majorité estimera qu’aider à mourir un individu qui finit ses jours misérablement, même s’il le demande est contraire au Serment d’Hyppocrate.
Adhérente de l’ADMD et de Dignitas, je constate la lenteur des évolutions dans ce domaine. Il faut aller mourir en Suisse comme on allait y avorter dans les années d’avant la loi Veil.

Une forme de similitude en partie arbitraire mais en partie seulement m’est apparue entre cet acharnement médical et les efforts déployés (même s’ils sont insuffisants) pour venir au secours des migrants en danger de mort ou encore pour identifier les morts du camion tueur en Autriche.

Ces gens quittent leurs pays pour des raisons politiques, économiques, familiales (peu importe) qui ne leur permettent pas de vivre dignement.
Certains (la plupart) seront sauvés d’une mort certaine par ces Occidentaux qui ensuite (pour la plupart) fermeront les yeux sur leurs marches exténuantes, leur désespoir, leurs déplorables conditions de survie.

La dignité concerne aussi bien les conditions de vie que les conditions de mort.

Si l’on sauve les gens de la mort, on leur assure autant que faire se peut des conditions de vie dignes d’un être humain.

A défaut de respecter les êtres humains que sont les migrants, peut-on au moins respecter le Droit qui s’applique à eux ?

La Convention internationale du 28 Juillet 1951 dite Convention de Genève, ainsi que le Protocole de New York de 1967 sont les deux instruments juridiques internationaux qui encadrent le statut des réfugiés et demandeurs d’asile:
Article 1 de la Convention de 1951 : Le terme réfugié s’appliquera à toute personne craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou du fait de cette crainte ne veut se réclamer de la protection de ce pays
Article 31 : Les Etats contractants n’appliqueront pas de sanctions pénales du fait de leur entrée ou de leur séjour irréguliers, aux réfugiés qui, arrivant directement du territoire où leur vie ou leur liberté était menacée, entrent ou se trouvent sur leur territoire sans autorisation.
Préambule de la Convention de Genève : Considérant qu’il peut résulter de l’octroi du droit d’asile des charges exceptionnellement lourdes pour certains pays et que la solution satisfaisante des problèmes dont l’ONU a reconnu la portée et le caractère internationaux, ne saurait, dans cette hypothèse, être obtenue sans une solidarité internationale.

En ce qui concerne l’Europe, La Convention de Dublin signée le 15 Juin 1990 déterminait les compétences en matière d’asile et fixait les critères relatifs au pays compétent pour traiter la demande. A titre d’exemple, l’Etat avec lequel le demandeur d’asile a plus de liens familiaux

Le règlement de Dublin 2 a remplacé en 2003 cette convention en prévoyant notamment que les requérants ne pourront déposer qu’une seule demande . En principe l’Etat reponsable sera le premier Etat européen par lequel le demandeur d’asile est entré.

Cette procédure a été très critiquée par l’UNHCR et le Conseil européen pour les exilés et les réfugiés. Comme on le constate actuellement, les pays frontaliers comme la Grèce, l’italie, subissent des pressions migratoires énormes. Les associations d’accueil estiment que ce Réglement empêche les demandeurs d’asile de trouver le meilleur pays d’accueil, ce qui serait bénéfique pour le requérant mais aussi pour le pays choisi qui pourrait bénéficier de leurs compétences.

Dublin 2 est un Règlement. Ce règlement est-il hiérarchiquement supérieur à la Convention de Genève?
La Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948 n’a pas force de loi. Mais écrite dans les années qui ont suivi la deuxième guerre mondiale et ses monstruosités, elle prend valeur d’exemple en matière d’universalité des droits de l’Homme:
 » Considérant que la méconnaissance et le mépris des droits de l’homme ont conduit à des actes de barbarie qui révoltent la conscience de l’humanité et que l’avènement d’un monde où les êtres humains seront libres de parler et de croire, libérés de la terreur et de la misère, a été proclamé comme la plus haute aspiration de l’homme. »

Ce qui se passe en Syrie, en Erythrée, en Somalie, au Soudan, en Afghanistan, en Irak, pour certaines populations relève-il ou nom d’actes de barbarie ?
La réponse est à donner en conscience et en connaissance de cause.
Si l’on répond oui, le reste n’est qu’une question d’organisation et d’application du droit.
Le défi à relever pour l’Europe est difficile.
C’est sans doute l’une des conditions de sa re-naissance.

Les militants associatifs sont-ils des bureaucrates à la solde du pouvoir ?

Dessin de Muzo pour « Bénévoles…et Vous ? », Ed Autrement, 2011, dirigé par Anne Dhoquois.

Deux enquêtes récentes notamment sur les associations d’aide aux migrants et d’aide au logement (Mathilde Pette et Pierre Edouard Weill) relèvent une évolution du rôle de ces associations vers une forme de bureaucratie, dévoyant ainsi le bénévolat militant. En d’autres termes, ces associations opèreraient une sorte de tri entre leurs « clients » choisissant d’accompagner les « meilleurs » dossiers , à savoir ceux qui d’après leur expérience ont une chance d’être acceptés par les administrations. Elles abandonneraient ainsi leur combat pour le changement social, au profit d’une soi-disant efficacité individuelle.
Ce constat n’est pas faux, si j’en juge par ma propre expérience à la Cimade.
Vaut-il mieux obtenir quelques logements ou quelques cartes de séjour pour quelques uns, qui remplissent les critères définis par la loi ou contester collectivement les aspects rétrogrades, restrictifs, parfois ridicules des lois et des pratiques administratives en général ?
Je ne pense pas que ce rôle contestataire doive être le fait des associations précitées, tout en comprenant le malaise de certains bénévoles qui ont l’impression de préparer les dossiers pour des fonctionnaires dont ce devrait être le travail. Ajoutons que le travail réalisé permet à minima d’attirer l’attention des pouvoirs publics sur les dysfonctionnements administratifs ou les aberrations de la loi
Les associations qui viennent en aide aux plus démunis, dans un système capitaliste triomphant, risquent d’en devenir les béquilles.
Même si nous avions des alternatives crédibles à la social-démocratie libérale, il y aurait toujours des cas individuels que les bureaucraties étatiques ne pensent pas à résoudre et ne peuvent pas résoudre
A ma connaissance, ces alternatives n’existent pas pour le moment.
Alors, oui, il vaut peut-être mieux quelques cartes de séjour ou quelques logements que 50 manifestations aussi ennuyeuses qu’inutiles (l’un n’excluant pas l’autre pour ceux qui le souhaitent)

Par contre la Bureaucratisation de certaines associations, où l’on n’entre que par relations, ou la hiérarchie est aussi présente que dans un parti de gouvernement, pose un problème immédiat sur l’extension du domaine de la lutte pour le pouvoir même s’il n’est que symbolique.Mais c’est un autre problème que nous aborderons une autre fois.

« Même les vieilles viennent à la piscine »

Le lieu de toutes les envies

Par dessus mon maillot de bains une pièce, J’ai mis ma robe à fleurs HetM, celle qui est assez large et longue pour cacher quelques trucs…
Je marche d’un pas énergique vers la petite piscine de notre résidence néo-normande.
Je souris bêtement à la petite bonne femme d’environ trois ans qui patauge avec sa copine
Et j’entends cette délicieuse créature dire à la copine : »Même les vieilles viennent à la piscine »
J’hésite un quart de seconde entre le silence et la remarque acerbe à l’égard de ce tout petit être humain qui commence sa vie avec tant d’élégance.
Je choisis de réagir et à la demande de sa maman, je révèle ses vilaines paroles
Je n’aime pas la délation. j’ai un peu honte mais bon, elle avait qu’à pas être méchante, NA

Elle se fait gronder etc etc
Une morale à cette historiette ? Méfiez-vous des enfants. ils portent déjà en eux les prodromes de la méchanceté MAIS , contradiction : la vérité sort de la bouche des enfants.

S’informer, mesurer son impuissance ou s’enfermer dans sa bulle ?

Les enfants jouent dans la piscine en riant.
Les merveilleux nuages se baladent dans un ciel bleu etc, etc…

Loin de ce petit paradis, un jeune homme blanc veut débarrasser son pays des Noirs et avec le fusil offert pour son anniversaire (!) fait un massacre à Charleston
Des hommes et des femmes meurent en Méditerranée, chassés par la guerre, la folie, l’intolérance et l’Europe pinaille sur le nombre de réfugiés à accueillir.
Les fous de ‘l’Etat islamique » assassinent la Tunisie démocratique, pillent les trésors archéologiques, massacrent des civils dans une impunité presque totale
On ne sait plus qui sont leurs ennemis : Les humoristes, les juifs, les chrétiens, les chiites, les touristes, les patrons… et les ratons-laveurs
Que faire ? Personne n’en sait rien. S’exclamer, pleurer, haïr la première femme voilée rencontrée, manifester avec qui ? contre qui ?

C’est bien de guerre dont il s’agit contre nos valeurs de dialogue, de démocratie, de partage, d’acceptation de l’Autre, d’accueil, de laïcité… Les intégristes, les suprématistes blancs, les racistes sont parmi nous, bien vivants et nous ne savons pas comment les combattre.

On peut bien sûr fermer la télé, la radio, ne plus lire les journaux, s’enfermer dans sa toute petite bulle et ‘être heu-reux, malgré tout. » IIs peuvent faire tout ce qu’ils veulent, ils ne parviendront pas à nous gâcher la vie », disons nous. Et c’est bien.
Rien ne sert de clamer des discours anti-racistes ou d’accuser dans le désordre l’Amérique pour les uns, l’Islam pour les autres, la pression migratoire pour d’autres encore.

Goethe disait : « Même Dieu ne peut rien contre la bêtise humaine. »

Dieu n’existe pas. Les êtres humains que nous sommes peuvent peut-être lutter contre cette foutue bêtise qui est aussi la leur (la notre)

Reflexions sur la question syndicale: Citations (de 1920 à 2015)

En 1920, des membres de l’ultra-gauche allemande, préconisaient la lutte sans compromis du prolétariat contre la bourgeoisie, le boycottage du parlementarisme, la destruction des syndicats en même temps que de tout l’appareil étatique du capitalisme, lui opposant la dictature du prolétariat dans la forme des Conseils d’usine. Herman Gorter en fut l’un des théoriciens. Il écrivit en 1920 un ouvrage intitulé : « Réponse à Lénine sur son livre : » l’extrémisme comme maladie infantile du communisme »

Il est passionnant de se pencher sur ces débats, même s’ils apparaissent totalement dépassés par certains aspects. Il faut les garder en mémoire parce qu’ils font partie de notre histoire, parce qu’ils posent des problèmes fondamentaux. Il m’est apparu intéressant de citer Gorter à propos des syndicats.

 » Marx écrit que, sous le capitalisme, le citoyen en face de l’Etat, est une abstraction, un chiffre. Il en est de même dans les vieilles organisations syndicales. La bureaucratie, toute l’essence de l’organisation forme un monde supérieur échappant à l’ouvrier, flottant au dessus de lui comme le ciel.L’ouvrier est en face d’elles un chiffre, une abstraction. Il n’est même pas pour elles l’homme dans l’atelier; il n’est pas un être vivant qui veut et lutte. Remplacez dans les vieux syndicats, une bureaucratie constituée par un personnel nouveau, et en peu de temps vous verrez que celui-ci aussi acquerera le même caractère qui l’élevera , le détachera de la masse. Les quatre vingt dix neuf centièmes seront des tyrans placés à côté de la bourgeoisie. Cela résulte de l’essence de l’organisation. »

Les problématiques ont changé, mais la question syndicale reste posée. La citation ci-dessous est empruntée à Michel Rocard dans le numéro du Nouvel Observateur du 4 Juin 2015:

« La principale raison de l’atrophie du PS, c’est l’absence de syndicats puissants dans notre pays…La cause initiale de l’évolution collective est un drame national d’une poignante atrocité: la Commune en 1871 qui se termine par 25000 tués et 25000 forçats durablement exilés. Tout ce qui dans la classe ouvrière française était alphabétisé et lettré disparaît. Les syndicats sont interdits et le patronat prend l’habitude de gérer absolument seul l’économie et le champ social. Et quand enfin nait plus tard, trop tard,, en 1898 un syndicat, l’appétit de puissance pour se défendre ou se venger est tel que tout parti politique, surtout s’il se dit socialiste, est un danger de trahison. Il prétend oeuvrer dans des institutions politiques pluralistes dont l’instrument de travail est le compromis, l’horreur dont les statuts de la CGT, déclarent l’indignité et exigent le rejet. Et lorsqu’enfin naît la SFIO en 1905, la CGT proclame le divorce sous la forme de la Charte d’Amiens. Les ouvriers ne rejoindront jamais le Parti socialiste. Il végètera avec des effectifs à peine égaux à 10% de ses congénères socio-démocrates en Europe. »

Les plus cultivés d’entre vous vont penser que les deux citations n’ont rien à voir entre elles. c’est sans doute vrai.
Mais mon intuition me dit qu’il y a là matière à réflexion, sur une question syndicale incontournable.

Pour Fatou, Aminata, Olga, Bana, Khadidja …

Elles sont arrivées un jour à notre permanence de la CIMADE.
Elles avaient entre 20 et 30 ans
Elles sont venues seules du Maghreb ou d’Afrique de l’Ouest, le plus souvent avec un visa de tourisme
Elles ont toutes trouvé du travail dans l’aide à domicile, la restauration…
Elles avaient refusé des mariages forcés, des vies de femmes uniquement vouées aux hommes ou à la maternité, à la famille.
Elles voulaient vivre libres, écrire, exercer un métier choisi par elles, ne pas se trouver enfermées dans un mariage sans amour…même avec un Français.
Elles portent leur fierté sur leurs beaux visages fatigués.
Elles travaillent dur, multipliant les petits boulots, attendant de gagner assez pour avoir droit à une carte de séjour mention « salarié »
Elles ne connaissent de Paris que certaines lignes de métro ou de RER, se depêchent de regagner leur petit studio, au fin fond de la banlieue, après leur travail.
Elles vivent dans une grande solitude en France : pas de bistrots, pas de squats, pas de famille, mais une vie entre quatre murs, entrecoupée de coups de téléphone « rassurants » à leur famille restée au pays.
Sortir, visiter Paris, faire les boutiques… c’est risquer des contrôles, des mauvaises rencontres et puis il faut avoir de l’argent et elles parviennent juste à survivre dans la dignité.
Elles viennent parfois de familles de la classe moyenne. Elles parlent parfaitement le français. Leur sort est moins douloureux que celui des Soudanais, Syriens, Erythreens… violentés dans leur pays, pendant leur long voyage et encore poursuivis par des gouvernements dits de gauche qui se cachent derrière les Accords de Dublin 2 ( L’asile doit être demandé dans le premier pays où l’on arrive) pour traiter ces gens comme des chiens galeux
Ces jeunes femmes sont des figures non médiatiques de ces immigré(e)s anonymes.
Leur seul tort est de vouloir choisir leur vie.
Les préfectures pondent des arrêtés de refus de séjour où l’argument majeur est qu’elles n’ont pas de famille en France !
Faudrait-il qu’elles fassent des enfants français avec n’importe qui ? Elles refusent et attendent leur carte de séjour comme un sésame libérateur.

Les Reines du shopping : Eloge de la superficialité

Il y a cinq femmes, des grandes, des petites, des minces, des pulpeuses, des jeunes, des vieilles, des belles, des moches…
Ces femmes doivent acheter une « tenue », des accessoires et se faire faire une beauté en 3 heures.
A la fin la grande prêtresse télévisuelle (Cristina Cordula,) décide qui est la gagnante.
C’est divertissant, pas prise de tête. (S’il vous plaît, ne dites pas à mes collègues et amis que je regarde cette émission.)
Ce qui est sympa c’est que les femmes sont des femmes normales, de celles que l’on rencontre dans la rue.
Le choix des vêtements est un marqueur important de nos sociétés de classe (ça, c’est pour les intellos qui par erreur liraient ce blog)

Bref, on s’amuse des vacheries qu’elles s’envoient entre elles, des rapports avec les vendeuses, de la voix off qui ne manque pas d’humour et puis on note quelques adresses de boutiques au passage.

Au travers de cette diversité, on voit s’exprimer des sensibilités, des gouts, des références, des choix différents.
Difficile, car la Prêtresse assène que telle tenue « n’est pas moderne », les participantes se déclarent choquées par l’absence de sac ou de bijoux (« si je sortais sans sac ou sans maquillage, j’aurais l’impression d’être nue » dit l’une d’entre elles ou encore « on ne peut pas être élégante sans talons d’au moins 14 cm » etc)

Qu’est-ce que l’élégance ? Qu’est-ce qu’être sexy ? Qu’est-ce qu’être moderne ?, Que signifie » être dans l’air du temps » ?
Qui peut le dire ? Est-ce qu’une femme sans bijoux est comme un poisson sans bicyclette.
Ces graves problèmes ne seront pas résolus. Et peut-être tant mieux.
Ce qui me plait dans ces émissions, c’est la revendication du superficiel. Ces femmes passionnées par le shopping sont émouvantes.

Il m’arrive de penser que les femmes qui assument leur coquetterie sont protégées (en partie) de la violence et du désir guerrier, par leur désir de (se) plaire, d’être avenantes. Qui plus est « comme la mode est une forme de laideur si intolérable qu’il faut en changer tous les six mois. » (Oscar Wilde), la quête des petites jupes n’a pas de fin.

Quand on cherche des citations sur l’apparence ou la coquetterie, on trouve des banalités du genre :la véritable beauté est celle du coeur. Certes mais pourquoi, l’une exclurait l’autre ?

Je vais me cacher derrière Nietzsche pour conclure : « Quiconque a sondé le fond des choses devine sans peine quelle sagesse il y a à rester superficiel. »

A méditer