Le fossé entre le droit du travail et son application

La non application du droit n’est pas spécifique au droit du travail.
Mais, en la matière, l’inégalité des parties en présence ajoute encore aux difficultés d’application.

LE CORPS DE L’INSPECTION DU TRAVAIL

L’Inspection du travail compte 2236 agents de contrôle qui surveillent 1,82 millions d’entreprises,18 millions de salariés, soit un agent pour 8000 salariés. D’après des syndicats d’inspecteurs du travail qui ont fait grève début 2014, un projet de loi viserait à réduire leur nombre à 2000. Il serait créé en remplacement des actuelles sections d’inspection du travail des Unités de Contrôle réunissant entre huit et douze agents, avec à leur tête des responsables (RUC) pris pour l’essentiel sur les effectifs actuels de contrôle.Les syndicats CGT, FO, FSU et SUD craignent qu’à terme ces responsables d’unités de contrôle n’organisent les actions qu’en fonction de priorités politiques. Ils estiment que cette réforme couperait les inspecteurs des problématiques de terrain et mettrait un terme à l’indépendance des inspecteurs vis à vis du pouvoir patronal et du pouvoir politique.
Sur ces questions je renvoie à l’excellent blog de Thotmania (Blog d’un inspecteur du travail)

L’inspection du travail est chargée de constater par le biais de divers dispositifs dont les mises en demeure et les procès-verbaux les manquements à la législation du travail dans les entreprises. Les chiffres parlent d’eux mêmes : Selon un rapport de la Direction générale du travail réalisé en 2008, sur un total de 230000 interventions, seules 4430 soit 1,93% se sont traduites par la transmission d’un procès verbal. 50% de ces procédures concernaient la santé, la sécurité et 20% le travail illégal. Le reste – la durée du travail, les contrats, les salaires, les Institutions représentatives du personnel, sont à peine présents dans ces procès verbaux.
Que se passe-t-il après ? En matière de sécurité au travail moins de la moitié des PV font l’objet de poursuites pénales. D’après une étude réalisée entre 2004 et 2006, seules 40% des procédures ont été jugées.
Enfin même quand un employeur est poursuivi au pénal il est relaxé dans 25% des cas.
Sachant que la rédaction d’un PV est un exercice difficile et long, ces données ne sont guère incitatives pour les agents de contrôle.

Si les inspecteurs du travail ont du mal à faire appliquer les textes, que dire de syndicats de plus en plus absents du terrain, notamment dans les PME/TPE, ou de salariés dont le droit du travail n’est pas la spécialité !

ELEMENTS DE REPONSE AUX POURFENDEURS DU CODE DU TRAVAIL

Que répondre aux pourfendeurs du Code du travail ? Oui, les 14500 articles du code du travail devraient être plus lisibles. Oui, les conventions collectives ne devraient pas se chevaucher avec des accords d’entreprise qui ne sont pas toujours plus favorables.Oui, cette logorrhée législative est porteuse d’ineffectivité du droit. Mais ce n’est pas en cassant le droit du travail, seule protection des travailleurs contre l’arbitraire patronal, que l’on résoudra le cancer du chômage ou de la précarisation. Les entreprises investiront peut-être plus ( ?) mais les conditions de travail se déterioreront pour une partie des salariés. Serait-ce là un idéal social-démocrate ?
L’Uberisation de l’économie favorise certes la logique libérale, mais elle est aussi le fait de personnes qui souhaitent échapper à ce foisonnement normatif pour ne pas se retrouver au chômage. Contradiction qui demande une réflexion sérieuse.
Je laisse le soin de conclure à l’auteur du blog précité : » Le monde du travail actuel est un creuset où viennent se fondre les aspirations les plus contradictoires et celles-ci en retour, façonnent la règlementation à leur image. Demande croissante de sécurité dans un monde de plus en plus incertain, perfusé par un pouvoir économique dont la logique ne sera jamais soluble dans une quelconque règle de droit. »

On ne peut pas remplacer une réflexion approfondie sur l’évolution du monde, sur les logiques libérales à l’oeuvre après l’échec retentissant des idéaux communistes, sur les contradictions que ces évolutions suscitent, sur les injustices criantes qu’elles génèrent, par un découpage du code du travail qui dans les conditions actuelles risquerait de ne servir que les intérêts du capital.

Faire régresser le Code du travail : un faux problème

Les médias contre l’obésité du Code du travail : dé(sin)formations

Réformer le droit du travail…Le code du travail est obèse…Le droit du travail français est un obstacle à l’emploi etc..C’est le discours ambiant tenu par les patrons, les socio-démocrates, la droite libérale.
Ce discours est alimenté par la presse : par exemple le journal Le Monde daté du 3/10/2015 titre : Laurent Berger : »Le code du travail est illisible ». Or quand on lit l’article, on s’aperçoit que les propos du Secrétaire national de la CFDT sont beaucoup plus nuancés; « S’il y a un code du travail, c’est parce qu’il y a un rapport de subordination entre le salarié et l’employeur. Il y a donc un besoin de régulation, avec des normes que la société doit fixer pour tout le monde…Je dis non au statu quo car le code du travail est illisible pour les salariés et, du coup, il n’est plus respecté. Mais faire croire qu’il faudrait casser le code du travail parce qu’il serait responsable de tous les maux de l’économie, c’est archifaux…J’attends du Rapport Combrexelle qu’il casse l’idée que le débat porte sur le nombre de pages du Code du travail et qu’il donne des voies pour revivifier le dialogue social dans les branches et dans les entreprises
Outre que le mot de réforme est abusivement utilisé pour signifier des régressions- qui peuvent être indispensables parfois-, cette obsession politico-médiatique repose-t-elle sur une réalité ?
Tous les codes sont gros. Mais il semble que l’énormité du Code civil ne pose pas problème. Est-ce parce que l’utilisation du Code civil est réservée aux avocats, à une élite et est rarement utilisée par le citoyen moyen ? Et pourtant le Code civil régit notre vie entière.

L’Essai de Robert Badinter et Antoine Lyon-Caen

Nos éminents intellectuels Robert Badinter et Antoine Lyon-Caen ont commis un petit livre : « Le travail et la loi » juste avant l’été 2015.
Outre que ce livre est mal écrit, bâclé, il est en plus inutile. Pourquoi : parce que la France a une tradition juridique fondée sur la loi. Vouloir réduire un droit à des principes (en ne touchant pas aux dispositions qui concernent la représentation du personnel et les seuils d’effectifs qui sont pourtant celles qui posent le plus problème) modifie la nature même du droit français en le transformant en une sorte de Common law à l’anglo-saxonne, c’est à dire un droit fondé essentiellement sur la jurisprudence.
Ce tournant subit renverserait soudainement notre culture juridique sans rien simplifier.

Qu’en est-il exactement de cette « obésité »?

Par ailleurs, il suffit de feuilleter un Code du travail pour voir que ce n’est pas l’énoncé des textes de lois qui prend tant de place mais d’une part les références jurisprudentielles qui permettent aux praticiens du droit de ne pas avoir à se pencher sur d’énormes recueils de jurisprudence et d’autre part les dérogations aux textes.
Un exemple : L’article L 1242-1 stipule :  » Le contrat de travail à durée déterminée « quel que soit son motif » ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
Suivent ensuite environ 90 articles dont beaucoup prévoient des dérogations au principe énoncé ci-dessus
Dans ces articles on est en présence de dérogations au principe général qui peuvent se justifier. Mais dans la dynamique de ces dérogations, les embauches en CDD ont tendance à devenir la norme dans certaines entreprises, alors même qu’il s’agit de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. ( on peut citer l’exemple de caissières embauchées en CDD !) Cette précarisation, douloureuse pour les salariés, est-elle vraiment un facteur de réussite pour les entreprises?
Par ailleurs -à propos de l’obésité du code- les articles sur le CDD occupent environ 5 pages du code et sont suivies de 12 pages de jurisprudence.
Les travailleurs se sont battus pour obtenir des textes qui les protègent contre l’arbitraire patronal. Certes, les chômeurs ne sont pas concernés. Mais les salariés n’ont pas cessé d’exister à ma connaissance.
S’en remettre aux Accords d’entreprise dans un contexte de désertification syndicale et d’emplois majoritaires dans les PME et les TPE est extrêmement dangereux pour les salariés de ces entreprises qui n’auront plus- au moins symboliquement- la protection du Code du travail.
Si je parle de symbole, c’est parce qu’une loi ne peut être appliquée dans un contexte de subordination de l’une des parties (du salarié à l’employeur) que si une institution force certains employeurs récalcitrants à l’appliquer. Le corps de l’Inspection du travail a été créé pour cela il y a plus d’un siècle.

(La suite dans le prochain article)

Accueil des migrants : nouvelles des préfectures

Pétitions bien pensantes, discours sur les droits de l’homme inaliénables…etc
Puis retour à la triste réalité : J’accompagne deux personnes à la Préfecture de Paris, ou plutôt au Centre de tri de ladite préfecture
Il semble que les personnels n’aient pas été mis au courant des bonnes résolutions des autorités françaises et européennes
Mr B, est en France depuis plus de dix ans. Il fait partie de ces déboutés du droit d’asile (RDC) qui ne peuvent pas retourner dans leur pays, ne peuvent pas travailler en France sans papiers et traînent misérablement.
Après quatre heures de queue, nous rentrons. Il est stressé. L’employée du tri (dit de l’accueil) lui assène : passeport, extrait de naissance… Il s’emmêle dans ses papiers. il ne sait plus ou sont les originaux… Elle est inflexible . Pas d’original de votre extrait de naissance. Il faudra revenir. Il tente d’expliquer qu’il a un acte notarié etc FINI. N’insistez pas Monsieur. Cela fait des mois qu’il cherche des papiers, des preuves de présence. Sa qualité de débouté du droit d’asile ne lui facilite pas les choses auprès des autorités consulaires de son pays.
Mais il n’y a aucune générosité, aucune empathie chez cette femme.
Il repart dans la galère. Il est jeune. parle parfaitement le français. Il pourrait participer au développement de ce pays;
Une employée qui se croit respectueuse du droit en a décidé autrement

Même topo pour l’autre jeune femme que j’accompagne. Elle a un dossier parfait pour bénéficier des dispositions de la Circulaire Valls sur la régularisation par le travail. Elle a fui un pays d’Afrique en 2007 lors d’une guerre où elle a vu les pires horreurs. Elle a deux enfants, travaille dur etc… Elle était en situation régulière depuis cinq ans. Mais l’employée (la voisine de la première) cherche et trouve la faille : il manque la déclaration d’impôts de son patron. Elle devra se représenter avec ce document qu’aucune fiche d’information ne prévoit. Protestations. Puis miracle ! Elle voit sur son écran que la dame est convoquée à la préfecture fin octobre. Elle accuse ma « patiente » qui est au bord de l’évanouissement de lui faire perdre son temps. Nous affirmons qu’elle n’a pas reçu cette convocation. « Ce n’est pas possible » dit-elle avec un regard méprisant pour les menteuses que nous sommes
Et puis, elle est prise d’un doute. Merci aux Chefs de service (à certains). Elle va voir sa chef qui revient avec elle et dit gentiment à la jeune femme qu’elle se présente à la Préfecture de Paris à la date qu’elle lui indique. Miracle : la chef sourit et m’autorise même à prendre une fiche d’information sur les documents à fournir qui m’avait été refusée méchamment (alors qu’elle est destinée au public) par la première méchante.
Tout cela est vrai.
Aucune manif, aucune pétition, aucune loi ne pourront venir à bout de cette bêtise crasse (qui n’est pas le fait de tous les guichetiers des préfectures heureusement)
Une formation à l’accueil peut-être ?

Enfin dernier exemple de ridicule administratif : MRX a obtenu un statut de réfugié politique. Il a trouvé un travail mais il a besoin d’un permis de conduire. Ce permis il l’a obtenu dans un pays d’Afrique qui a signé une convention avec la France sur la validité des permis.La Préfecture refuse de valider ce permis au motif que les preuves de sa présence dans ce pays d’Afrique ne sont pas suffisantes (ce qui est faux) et lui demande de repasser le permis en France alors qu’il n’a pas un sou et que sans permis son patron va peut-être le licencier!

Venez en France. Nous n’installons pas de barrières comme Orban. Nous possédons juste une magnifique administration !

Vivre et mourir dans la dignité

Depuis de longues années, je suis frappée par l’énergie et l’argent dépensés pour que vivent des gens plus ou moins condamnés à mort à court terme. Certains survivront dans des conditions indécentes, indignes. Le corps médical dans sa majorité estimera qu’aider à mourir un individu qui finit ses jours misérablement, même s’il le demande est contraire au Serment d’Hyppocrate.
Adhérente de l’ADMD et de Dignitas, je constate la lenteur des évolutions dans ce domaine. Il faut aller mourir en Suisse comme on allait y avorter dans les années d’avant la loi Veil.

Une forme de similitude en partie arbitraire mais en partie seulement m’est apparue entre cet acharnement médical et les efforts déployés (même s’ils sont insuffisants) pour venir au secours des migrants en danger de mort ou encore pour identifier les morts du camion tueur en Autriche.

Ces gens quittent leurs pays pour des raisons politiques, économiques, familiales (peu importe) qui ne leur permettent pas de vivre dignement.
Certains (la plupart) seront sauvés d’une mort certaine par ces Occidentaux qui ensuite (pour la plupart) fermeront les yeux sur leurs marches exténuantes, leur désespoir, leurs déplorables conditions de survie.

La dignité concerne aussi bien les conditions de vie que les conditions de mort.

Si l’on sauve les gens de la mort, on leur assure autant que faire se peut des conditions de vie dignes d’un être humain.

A défaut de respecter les êtres humains que sont les migrants, peut-on au moins respecter le Droit qui s’applique à eux ?

La Convention internationale du 28 Juillet 1951 dite Convention de Genève, ainsi que le Protocole de New York de 1967 sont les deux instruments juridiques internationaux qui encadrent le statut des réfugiés et demandeurs d’asile:
Article 1 de la Convention de 1951 : Le terme réfugié s’appliquera à toute personne craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou du fait de cette crainte ne veut se réclamer de la protection de ce pays
Article 31 : Les Etats contractants n’appliqueront pas de sanctions pénales du fait de leur entrée ou de leur séjour irréguliers, aux réfugiés qui, arrivant directement du territoire où leur vie ou leur liberté était menacée, entrent ou se trouvent sur leur territoire sans autorisation.
Préambule de la Convention de Genève : Considérant qu’il peut résulter de l’octroi du droit d’asile des charges exceptionnellement lourdes pour certains pays et que la solution satisfaisante des problèmes dont l’ONU a reconnu la portée et le caractère internationaux, ne saurait, dans cette hypothèse, être obtenue sans une solidarité internationale.

En ce qui concerne l’Europe, La Convention de Dublin signée le 15 Juin 1990 déterminait les compétences en matière d’asile et fixait les critères relatifs au pays compétent pour traiter la demande. A titre d’exemple, l’Etat avec lequel le demandeur d’asile a plus de liens familiaux

Le règlement de Dublin 2 a remplacé en 2003 cette convention en prévoyant notamment que les requérants ne pourront déposer qu’une seule demande . En principe l’Etat reponsable sera le premier Etat européen par lequel le demandeur d’asile est entré.

Cette procédure a été très critiquée par l’UNHCR et le Conseil européen pour les exilés et les réfugiés. Comme on le constate actuellement, les pays frontaliers comme la Grèce, l’italie, subissent des pressions migratoires énormes. Les associations d’accueil estiment que ce Réglement empêche les demandeurs d’asile de trouver le meilleur pays d’accueil, ce qui serait bénéfique pour le requérant mais aussi pour le pays choisi qui pourrait bénéficier de leurs compétences.

Dublin 2 est un Règlement. Ce règlement est-il hiérarchiquement supérieur à la Convention de Genève?
La Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948 n’a pas force de loi. Mais écrite dans les années qui ont suivi la deuxième guerre mondiale et ses monstruosités, elle prend valeur d’exemple en matière d’universalité des droits de l’Homme:
 » Considérant que la méconnaissance et le mépris des droits de l’homme ont conduit à des actes de barbarie qui révoltent la conscience de l’humanité et que l’avènement d’un monde où les êtres humains seront libres de parler et de croire, libérés de la terreur et de la misère, a été proclamé comme la plus haute aspiration de l’homme. »

Ce qui se passe en Syrie, en Erythrée, en Somalie, au Soudan, en Afghanistan, en Irak, pour certaines populations relève-il ou nom d’actes de barbarie ?
La réponse est à donner en conscience et en connaissance de cause.
Si l’on répond oui, le reste n’est qu’une question d’organisation et d’application du droit.
Le défi à relever pour l’Europe est difficile.
C’est sans doute l’une des conditions de sa re-naissance.

Les militants associatifs sont-ils des bureaucrates à la solde du pouvoir ?

Dessin de Muzo pour « Bénévoles…et Vous ? », Ed Autrement, 2011, dirigé par Anne Dhoquois.

Deux enquêtes récentes notamment sur les associations d’aide aux migrants et d’aide au logement (Mathilde Pette et Pierre Edouard Weill) relèvent une évolution du rôle de ces associations vers une forme de bureaucratie, dévoyant ainsi le bénévolat militant. En d’autres termes, ces associations opèreraient une sorte de tri entre leurs « clients » choisissant d’accompagner les « meilleurs » dossiers , à savoir ceux qui d’après leur expérience ont une chance d’être acceptés par les administrations. Elles abandonneraient ainsi leur combat pour le changement social, au profit d’une soi-disant efficacité individuelle.
Ce constat n’est pas faux, si j’en juge par ma propre expérience à la Cimade.
Vaut-il mieux obtenir quelques logements ou quelques cartes de séjour pour quelques uns, qui remplissent les critères définis par la loi ou contester collectivement les aspects rétrogrades, restrictifs, parfois ridicules des lois et des pratiques administratives en général ?
Je ne pense pas que ce rôle contestataire doive être le fait des associations précitées, tout en comprenant le malaise de certains bénévoles qui ont l’impression de préparer les dossiers pour des fonctionnaires dont ce devrait être le travail. Ajoutons que le travail réalisé permet à minima d’attirer l’attention des pouvoirs publics sur les dysfonctionnements administratifs ou les aberrations de la loi
Les associations qui viennent en aide aux plus démunis, dans un système capitaliste triomphant, risquent d’en devenir les béquilles.
Même si nous avions des alternatives crédibles à la social-démocratie libérale, il y aurait toujours des cas individuels que les bureaucraties étatiques ne pensent pas à résoudre et ne peuvent pas résoudre
A ma connaissance, ces alternatives n’existent pas pour le moment.
Alors, oui, il vaut peut-être mieux quelques cartes de séjour ou quelques logements que 50 manifestations aussi ennuyeuses qu’inutiles (l’un n’excluant pas l’autre pour ceux qui le souhaitent)

Par contre la Bureaucratisation de certaines associations, où l’on n’entre que par relations, ou la hiérarchie est aussi présente que dans un parti de gouvernement, pose un problème immédiat sur l’extension du domaine de la lutte pour le pouvoir même s’il n’est que symbolique.Mais c’est un autre problème que nous aborderons une autre fois.

« Même les vieilles viennent à la piscine »

Le lieu de toutes les envies

Par dessus mon maillot de bains une pièce, J’ai mis ma robe à fleurs HetM, celle qui est assez large et longue pour cacher quelques trucs…
Je marche d’un pas énergique vers la petite piscine de notre résidence néo-normande.
Je souris bêtement à la petite bonne femme d’environ trois ans qui patauge avec sa copine
Et j’entends cette délicieuse créature dire à la copine : »Même les vieilles viennent à la piscine »
J’hésite un quart de seconde entre le silence et la remarque acerbe à l’égard de ce tout petit être humain qui commence sa vie avec tant d’élégance.
Je choisis de réagir et à la demande de sa maman, je révèle ses vilaines paroles
Je n’aime pas la délation. j’ai un peu honte mais bon, elle avait qu’à pas être méchante, NA

Elle se fait gronder etc etc
Une morale à cette historiette ? Méfiez-vous des enfants. ils portent déjà en eux les prodromes de la méchanceté MAIS , contradiction : la vérité sort de la bouche des enfants.

S’informer, mesurer son impuissance ou s’enfermer dans sa bulle ?

Les enfants jouent dans la piscine en riant.
Les merveilleux nuages se baladent dans un ciel bleu etc, etc…

Loin de ce petit paradis, un jeune homme blanc veut débarrasser son pays des Noirs et avec le fusil offert pour son anniversaire (!) fait un massacre à Charleston
Des hommes et des femmes meurent en Méditerranée, chassés par la guerre, la folie, l’intolérance et l’Europe pinaille sur le nombre de réfugiés à accueillir.
Les fous de ‘l’Etat islamique » assassinent la Tunisie démocratique, pillent les trésors archéologiques, massacrent des civils dans une impunité presque totale
On ne sait plus qui sont leurs ennemis : Les humoristes, les juifs, les chrétiens, les chiites, les touristes, les patrons… et les ratons-laveurs
Que faire ? Personne n’en sait rien. S’exclamer, pleurer, haïr la première femme voilée rencontrée, manifester avec qui ? contre qui ?

C’est bien de guerre dont il s’agit contre nos valeurs de dialogue, de démocratie, de partage, d’acceptation de l’Autre, d’accueil, de laïcité… Les intégristes, les suprématistes blancs, les racistes sont parmi nous, bien vivants et nous ne savons pas comment les combattre.

On peut bien sûr fermer la télé, la radio, ne plus lire les journaux, s’enfermer dans sa toute petite bulle et ‘être heu-reux, malgré tout. » IIs peuvent faire tout ce qu’ils veulent, ils ne parviendront pas à nous gâcher la vie », disons nous. Et c’est bien.
Rien ne sert de clamer des discours anti-racistes ou d’accuser dans le désordre l’Amérique pour les uns, l’Islam pour les autres, la pression migratoire pour d’autres encore.

Goethe disait : « Même Dieu ne peut rien contre la bêtise humaine. »

Dieu n’existe pas. Les êtres humains que nous sommes peuvent peut-être lutter contre cette foutue bêtise qui est aussi la leur (la notre)

Reflexions sur la question syndicale: Citations (de 1920 à 2015)

En 1920, des membres de l’ultra-gauche allemande, préconisaient la lutte sans compromis du prolétariat contre la bourgeoisie, le boycottage du parlementarisme, la destruction des syndicats en même temps que de tout l’appareil étatique du capitalisme, lui opposant la dictature du prolétariat dans la forme des Conseils d’usine. Herman Gorter en fut l’un des théoriciens. Il écrivit en 1920 un ouvrage intitulé : « Réponse à Lénine sur son livre : » l’extrémisme comme maladie infantile du communisme »

Il est passionnant de se pencher sur ces débats, même s’ils apparaissent totalement dépassés par certains aspects. Il faut les garder en mémoire parce qu’ils font partie de notre histoire, parce qu’ils posent des problèmes fondamentaux. Il m’est apparu intéressant de citer Gorter à propos des syndicats.

 » Marx écrit que, sous le capitalisme, le citoyen en face de l’Etat, est une abstraction, un chiffre. Il en est de même dans les vieilles organisations syndicales. La bureaucratie, toute l’essence de l’organisation forme un monde supérieur échappant à l’ouvrier, flottant au dessus de lui comme le ciel.L’ouvrier est en face d’elles un chiffre, une abstraction. Il n’est même pas pour elles l’homme dans l’atelier; il n’est pas un être vivant qui veut et lutte. Remplacez dans les vieux syndicats, une bureaucratie constituée par un personnel nouveau, et en peu de temps vous verrez que celui-ci aussi acquerera le même caractère qui l’élevera , le détachera de la masse. Les quatre vingt dix neuf centièmes seront des tyrans placés à côté de la bourgeoisie. Cela résulte de l’essence de l’organisation. »

Les problématiques ont changé, mais la question syndicale reste posée. La citation ci-dessous est empruntée à Michel Rocard dans le numéro du Nouvel Observateur du 4 Juin 2015:

« La principale raison de l’atrophie du PS, c’est l’absence de syndicats puissants dans notre pays…La cause initiale de l’évolution collective est un drame national d’une poignante atrocité: la Commune en 1871 qui se termine par 25000 tués et 25000 forçats durablement exilés. Tout ce qui dans la classe ouvrière française était alphabétisé et lettré disparaît. Les syndicats sont interdits et le patronat prend l’habitude de gérer absolument seul l’économie et le champ social. Et quand enfin nait plus tard, trop tard,, en 1898 un syndicat, l’appétit de puissance pour se défendre ou se venger est tel que tout parti politique, surtout s’il se dit socialiste, est un danger de trahison. Il prétend oeuvrer dans des institutions politiques pluralistes dont l’instrument de travail est le compromis, l’horreur dont les statuts de la CGT, déclarent l’indignité et exigent le rejet. Et lorsqu’enfin naît la SFIO en 1905, la CGT proclame le divorce sous la forme de la Charte d’Amiens. Les ouvriers ne rejoindront jamais le Parti socialiste. Il végètera avec des effectifs à peine égaux à 10% de ses congénères socio-démocrates en Europe. »

Les plus cultivés d’entre vous vont penser que les deux citations n’ont rien à voir entre elles. c’est sans doute vrai.
Mais mon intuition me dit qu’il y a là matière à réflexion, sur une question syndicale incontournable.

Pour Fatou, Aminata, Olga, Bana, Khadidja …

Elles sont arrivées un jour à notre permanence de la CIMADE.
Elles avaient entre 20 et 30 ans
Elles sont venues seules du Maghreb ou d’Afrique de l’Ouest, le plus souvent avec un visa de tourisme
Elles ont toutes trouvé du travail dans l’aide à domicile, la restauration…
Elles avaient refusé des mariages forcés, des vies de femmes uniquement vouées aux hommes ou à la maternité, à la famille.
Elles voulaient vivre libres, écrire, exercer un métier choisi par elles, ne pas se trouver enfermées dans un mariage sans amour…même avec un Français.
Elles portent leur fierté sur leurs beaux visages fatigués.
Elles travaillent dur, multipliant les petits boulots, attendant de gagner assez pour avoir droit à une carte de séjour mention « salarié »
Elles ne connaissent de Paris que certaines lignes de métro ou de RER, se depêchent de regagner leur petit studio, au fin fond de la banlieue, après leur travail.
Elles vivent dans une grande solitude en France : pas de bistrots, pas de squats, pas de famille, mais une vie entre quatre murs, entrecoupée de coups de téléphone « rassurants » à leur famille restée au pays.
Sortir, visiter Paris, faire les boutiques… c’est risquer des contrôles, des mauvaises rencontres et puis il faut avoir de l’argent et elles parviennent juste à survivre dans la dignité.
Elles viennent parfois de familles de la classe moyenne. Elles parlent parfaitement le français. Leur sort est moins douloureux que celui des Soudanais, Syriens, Erythreens… violentés dans leur pays, pendant leur long voyage et encore poursuivis par des gouvernements dits de gauche qui se cachent derrière les Accords de Dublin 2 ( L’asile doit être demandé dans le premier pays où l’on arrive) pour traiter ces gens comme des chiens galeux
Ces jeunes femmes sont des figures non médiatiques de ces immigré(e)s anonymes.
Leur seul tort est de vouloir choisir leur vie.
Les préfectures pondent des arrêtés de refus de séjour où l’argument majeur est qu’elles n’ont pas de famille en France !
Faudrait-il qu’elles fassent des enfants français avec n’importe qui ? Elles refusent et attendent leur carte de séjour comme un sésame libérateur.