Mais de quoi donc parle ce blog ? D’un fil ténu.

Observatrice du quotidien, peu portée sur l’abstraction ou la réflexion philosophique, j’ai toujours été persuadée -sans pouvoir le prouver – qu’il existait un fil ténu entre la violence souvent mesquine de certains de nos comportements quotidiens et les grands dysfonctionnements sociaux, parfois criminels. Certes il serait naïf de nier le rôle de l’économie, du politique, de l’argent etc… mais ce n’est pas mon propos.
Quand j’ai écrit sur la politesse, l’exclusion ou les petits abus de pouvoirs (cf :Appartenance et exclusion, l’Harmattan, Paris, 1989- La Politesse, Autrement, Paris, 1991 – Chronique des petits abus de pouvoirs (avec Anne Zelensky), l’Harmattan, Paris 2010) ce fil ténu a toujours été mon fil conducteur.
Plus j’avance dans ce blog, plus je me rends compte que ce qui m’intéresse c’est de cerner concrètement les apparitions des agressivités, des grossièretés, des formes d’oppression et d’exclusion les plus répandues dans notre vie quotidienne ( en vrac :le narcissisme qui empêche le dialogue, le culte d’une beauté ou d’une minceur convenues qui conduit à de tristes frustrations, la couleur de la peau qui à force d’être remarquée peut conduire à l’enfermement communautaire, mais aussi l’incompétence agressive dans certains services publics ou privés qui risque d’être l’un des chemins vers le fameux  » Tous pourris » pour les citoyens de base que nous sommes tous à un moment de notre vie).

C’est d’abord dans les rapports entre « amis » ou « contre-amis », entre conjoints, entre voisins, dans le métro, dans la rue, qu’apparaissent (parfois) ces blocages même si bien sûr il y a aussi beaucoup de rencontres agréables.

Alors pourquoi parler dans ce blog du droit et de son application ou de la complication inutile et parfois perverse du fonctionnement de certains services publics ou privés ou encore de l’enseignement de la morale à l’école ? Il ne s’agit certes pas du même problème. Mais je perçois un rapport entre les désordres de la sphère privée et ceux de la sphère publique que j’ai quelque peine à expliquer. Cela a à voir avec le passage de l’abstrait au concret, des belles idées à leur application par des êtres humains imparfaits par définition. En d’autres termes et à titre d’exemple: se déclarer satisfait de notre magnifique droit du travail sans voir que son application, notamment en temps de crise, laisse pour le moins à désirer ou bien encore applaudir une résolution de l’ONU sur les violences contre les femmes sans se donner les outils pour la faire cesser, font partie d’une politique déclamatoire qui me fait enrager.

La nouvelle qui suit concerne la sphère privée. j’ai voulu m’efforcer de cerner ce qu’il pouvait y avoir dans le personnage d’Hélène de violent et de volontairement méchant. J’ai voulu décrire la vision par chaque protagoniste des raisons de la dispute. Ce n’est pas facile de reconnaitre ses propres dysfonctionnements mais il est indispensable d’essayer. Tout n’est pas de la faute des Autres.En d’autres termes, comment changer le monde si nous ne nous changeons pas nous-mêmes ? Vaste question qui se pose avec acuité depuis que la chute du Mur de Berlin a bousculé violemment nos utopies.

Plus tard, je vous parlerai de ma minuscule expérience avec le Pôle emploi, puis du difficile travail des inspecteurs du travail, puis de nouveau des chagrins d’amitié etc, etc. Tout cela pour vous dire que sous le désordre de ce blog il y a peut-être un fil conducteur.

A-t-on le droit de critiquer la compétition ?

Celine Doumerc est capitaine de l’équipe française de basket féminin.Dimanche 30 Juin 2013, son équipe a été « braquée » par les espagnoles : 70 à 69.
Stupéfaction pour votre blogueuse qui a fait de la devise de Churchill son credo : »No sport » et qui a traîné au cours de ses sept années de lycée un terrible (!) épanchement de synovie qui lui a permis de respecter la promesse faite à son corps.
Un point de différence et Le Monde parle d’une cruelle défaite. On voit des visages bouffis de larmes.Pourquoi ne seraient-elles pas ex-aequo dis-je à un interlocuteur de passage. Il me félicite pour ce qu’il suppose être un trait d’humour!
Les coureurs cyclistes sont à la peine : soit ils se dopent pour parvenir à faire ce qu’on leur demande et ainsi éblouir les foules et les experts en tout genre. Soit ils ne se dopent pas et on ne les voit même pas peiner. Au bord de la route on encensera un jour le coureur manifestement dopé et l’on vouera aux gémonies le même coureur qui aura avoué ou aura été testé positif des années plus tard.
Nous passons notre vie à être notés, évalués. Tout y passe: en dehors du sport, la beauté, le leadership politique. On classe aussi les hôpitaux, les universités, les lieux de vacances etc…
Ce discours flirte avec l’idéologie de la décroissance que je ne partage pas du tout.
Je veux juste souligner l’une des conséquences de ces classements/catégorisations, la multiplication des frustrations.
Celles-ci sont au fondement des idéologies fascisantes.
Vous me trouvez excessive ? J’accepte cette critique. Je demande juste que la question soit posée.

Et toi, tu préfères parler ou écouter ?

Deux petites filles de 7/8ans viennent de faire connaissance. Elles batifolent dans la piscine.
Après quelques minutes, l’une pose cette question à l’autre : »Toi, tu préfères parler ou écouter ? »
Ces petites filles ont bien observé les adultes. Il y a ceux qui parlent et ceux qui écoutent.
Deux catégories inséparables puisque l’une ne peut pas exister sans l’autre.
On pourrait imaginer une société idéale où l’on ferait les deux, où l’on dialoguerait, où l’on répondrait à son interlocuteur sans chercher à placer ses exploits.
Les petites filles avaient raison. là aussi, nous choisissons notre camp contraints ou simplement las d’essayer de placer notre point de vue.

Juif ou pas juif ? A propos de Schlomo Sand et des replis identitaires.

L’historien Israélien Schlomo Sand dans un ouvrage paru en 2013 : »Comment j’ai cessé d’être juif » (Ed Flammarion, Café Voltaire) se pose la question de l’appartenance à une ethnie qu’il qualifie de fictive pour les juifs non religieux. il dit : »Par mon refus d’être juif, je représente une espèce en voie de disparition. En insistant sur le fait que seul mon passé historique était juif, que mon présent quotidien est israélien, pour le meilleur et pour le pire, je sais que je vais à l’encontre des modes dominantes orientées vers l’ethnocentrisme. »
Quoique l’on pense de ses prises de position, il faut féliciter Shlomo Sand de ses questionnements et de sa lucidité. Certaines revendications identitaires sont souvent meurtrières. L’identité juive proclamée quand elle ne correspond à aucune croyance,aucune culture, aucune souffrance n’échappe pas à la règle.
La génération née avant ou pendant la deuxième guerre mondiale, celle des enfants cachés, celle des orphelins de parents morts en déportation est prise dans la même contradiction que Schlomo Sand. Cette génération plus que septuagénaire ne peut se dire juive que par son passé. Je ne parle pas ici de ceux qui ont trouvé dans la culture religieuse juive des réponses à leurs questionnements existentiels.
Comme tous les citoyens du monde, les citoyens d’origine juive doivent être vigilants sur les apparitions de l’antisémitisme, sans faire l’économie d’une réflexion sur les « identités meurtrières » (Amin Maalouf) ou sur les racismes générés par les replis identitaires.
On a parfaitement le droit de décider de rester juif même quand on est totalement athée mais ce choix ne doit pas conduire à se séparer des autres. Au contraire, notre expérience historique d’un certain nomadisme, de la nécessité de s’adapter à des sociétés nouvelles et du métissage doit nous conduire à un rapprochement avec tous les peuples sans territoire.
Il est sans doute nécessaire d’apprendre aux jeunes quelques éléments d’accès à l’ histoire des juifs pour ne pas laisser aux organisations communautaires qui prétendent nous représenter le monopole d’une transmission politiquement orientée.
Bien sûr aller vers les autres ne peut se faire sans réciprocité.
Il s’agit en tous les cas d’un problème complexe que Schlomo Sand nous permet d’aborder avec sérieux.

Obsessions

J’avais écrit sur ce blog une nouvelle dans laquelle un homme un peu pompette m’insultait en termes peu galants dans une queue de supermarché.
La combinaison de mon prénom et de ce terme vulgaire communément adressé aux femmes m’a valu de me retrouver cataloguée par Google en tête d’une liste de sites porno.
Ma première réaction a été de crier au scandale, à l’ignoble atteinte a la vie privée.
Ma deuxième réaction a été de m’en accommoder.
J’aurais préfèré que mes lecteurs sourient a la lecture de ce récit de l’un de ces incidents quotidiens qui rendent parfois la vie difficile. Mon humour présumé m’a conduit a être reliée a une triste pornographie.
Belle leçon pour une intello !
Donner a voir ses idées et ses états d’âme est peut-être une autre forme de pornographie!

La contre-amitié

David Carkeet a écrit un livre très drôle qui s’appelle : » Le linguiste était presque parfait. » ( Ed Monsieur Toussaint Louverture, Avril 2013)
On y voit des universitaires lancés dans des recherches étranges . Il s’agit de déchiffrer les babillages de bébés. Tout le monde se prend très au sérieux, est en rivalité avec ses collègues et une solide inimitié règne entre les honorables chercheurs.
L’un d’entre eux en fin de carrière a entrepris de faire des recherches sur ce qu’il appelle les « contre-amis », c’est a dire tous ces gens que nous détestons cordialement mais qui font néanmoins
partie de notre cercle de proches.

Le vieux chercheur a créé un club de rencontres composé uniquement de ses ennemis. Il peut ainsi approfondir les relations entre gens qui se détestent. Il peut tenter de comprendre les mécanismes de la haine et de la répulsion entre les êtres humains et aller plus loin dans sa réflexion sur le bien et le mal dont l’origine d’après lui, se trouverait dans la haine de l’autre.
Le roman est original, moderne et amusant.
J’y ai retrouve pour ma part l’ambiance de mes années a l’Université ( jalousies, frustrations etc…) .
Le concept de contre-amitié s’applique a tant de nos relations sociales obligées, qu’elles soient professionnelles ou destinées a meubler notre solitude que j’ai eu envie de rendre hommage a la lucidité pleine d’humour de David Carkeet.

Notre mort nous appartient

Le Manifeste ci-dessous a été rédigé il y a plus de huit ans.L’affaire Vincent Lambert m’a conduit a le republier.
En mai 2013 un jeune homme tétraplégique Vincent Lambert, est dans le coma depuis cinq ans. Sa femme et ses médecins sont d’accord pour l’aider à mourir. Ses parents très catholiques demandent au tribunal d’annuler cette décision. Le Tribunal leur donne raison. Cela se passe maintenant dans la région de Reims.
Au moment où le gouvernement s’apprêterait a présenter un texte sur la fin de vie, cette décision judiciaire montre de nouveau les limites de notre législation et l’hypocrisie qui entoure ce problème.
MANIFESTE : LES PASSEUSES DE VIE
NOTRE VIE NOUS APPARTIENT

Des affaires récentes en Italie, en Espagne, ont à nouveau soulevé la question de la liberté de choisir sa mort. L’ADMD (Association pour le droit de mourir dans la dignité) va bientôt publier un Livre blanc et interpeller les candidats à la présidence de la République française sur leurs propositions pour la fin de vie. Des pays européens, la Belgique, la Hollande, ont eu le courage d’affronter le problème à travers des lois autorisant sous conditions l’euthanasie. En France, une loi hypocrite, la loi Leonetti, du 22 Avril 2005, prône le « laisser mourir » . Imprégnée d’interdit religieux, elle n’ose aborder de front le problème de la mort, systématiquement éludée dans notre société et renvoyée à des solutions hospitalières pratiquées dans la plus complète anarchie et créant une inégalité devant la mort et la souffrance. En fait elle décharge les médecins de leur responsabilité en les autorisant à « laisser mourir de faim et de soif » les patients, une fois débranchés.

Intolérable la cruauté qui accule ceux et celles qui veulent en finir avec la vie à recourir à des moyens violents, défenestrations, recours à des sacs en plastique pour étouffer, saut du haut de falaises, pendaison … Et à vivre leurs derniers moments dans la solitude et la honte. Qu’en est-il de la fameuse compassion chrétienne ?

Intolérable le déni de la liberté individuelle qui sous-tend ce refus de prendre en compte le choix de chacun à décider de sa vie et de sa mort quelques qu’en soient les raisons. Il représente une des poches de résistance les plus tenace à l’émancipation de l’individu, censée être la caractéristique de notre temps.

Les signataires de ce Manifeste se situent résolument dans la lignée des combats pour la laïcité et la liberté de disposer de sa personne, dont la dernière conquête fut celle de la contraception et de l’avortement libres.

La possibilité de décider de sa fin consacre le sujet dans son humanité à double titre. Elle est l’expression la plus achevée d’un libre-arbitre dégagé des interdits collectifs et d’une peur irraisonnée de la finitude. Elle affronte l’idée de la mort et assume ses responsabilités face à elle. Elle procède le plus souvent d’une longue préparation – « Vivre c’est apprendre à mourir » Montaigne – qui entraîne pour celles et ceux qui le souhaitent sérénité face à la mort. Cette possibilité n’est en aucun cas une obligation comme le prétendent les opposants à la liberté de choix, dans une regrettable confusion.

Notre propos n’est pas tant de revendiquer une loi que de poser les exigences suivantes à la collectivité dont nous sommes partie prenante.

Nous affirmons qu’il n’y a pas de «raisons» à fournir pour décider de mourir (maladie grave, handicap, grande vieillesse…) Chacun(e) est libre de décider des siennes, sans jugement ou interventions extérieures.

Nous demandons que soit facilitée l’information sur les moyens et les méthodes les plus fiables d’en finir. C’est le devoir élémentaire d’assistance à personne en souffrance.

Nous exigeons la fin des poursuites pour toute personne – médecin, soignant ou autre – ayant aidé et accompagné quelqu’un dans son ultime choix.

Nous déclarons être prêt/es à nous procurer les moyens les plus adaptés à cet objectif et à porter assistance à ceux et celles qui nous le demanderaient.

Régine Dhoquois, Juriste et sociologue, Université de Paris VII
Andrée Michel, Sociologue, Directrice de recherches honoraire au CNRS, auteure
Anne Zelensky, Professeure agrégée, auteure, Présidente de la Ligue du Droit des Femmes

La droite existe toujours

Plus de vingt ans après la chute du Mur de Berlin, certains d’entre nous traditionnellement de gauche étaient en passe de perdre leur repères. j’avoue avoir dit dans une réunion que je ne savais plus bien où je me situais. J’ai écrit dans ce blog que le syndicalisme « déambulatoire » , enfermé dans le refus systématique de toute adaptation de notre pays à la globalisation, me paraissait dépassé et contre-productif.
Et puis il y a eu les manifs contre le mariage gay, les remous provoqués par les projets de modification de la politique familiale, le meurtre de Clément Meric, les premières prises de position contre l’éventuel projet de loi sur le suicide assisté.
La Droite dans toute sa majesté s’est réveillée : contre l’évolution des moeurs, contre une plus juste répartition de l’argent des allocations familiales au nom du caractère sacré de la famille. La « manif pour tous » a été l’occasion de violences et de propos homophobes insupportables.La mort du jeune Clément Méric tué par un néo-nazi a constitué le sommet de cette violence et de cette haine.
Alors certes cette gauche au pouvoir n’est pas enthousiasmante. Elle est profondément social-démocrate. Elle négocie et fait des compromis. Mais on ne peut en aucun cas l’assimiler à la droite. Les valeurs de droite existent toujours. Cette droite traditionaliste, issue de la France profonde prête à s’allier à l’extrême droite quand il s’agit de ses valeurs fondamentales : travail, famille, patrie.
Cette droite extrême est forte en Grèce, en Hongrie, dans certains pays du Nord de l’Europe.
La droite traditionnelle a bien sûr le droit d’exister et de défendre ses valeurs. Cela s’appelle la démocratie.
A nous de défendre les valeurs de gauche: évolution de la famille, meilleure répartition des aides sociales même si l’universalité du droit doit en prendre ombrage, dignité de la fin de vie, Accueil des migrants ( et là, il y a du travail à gauche), transparence, refus de la démagogie, prise en compte de la mondialisation etc…
Merci à la manif pour tous de nous avoir donné à voir cette bonne vieille droite et de nous avoir permis de continuer le combat pour que la gauche reste de gauche tout en intégrant les phénomènes inhérents à la mondialisation, qui peuvent la conduire à des reculs sur le plan social. Espérons que ces reculs permettront un retour de la croissance et un retour des vraies réformes.