Le Marché des seniors: To be « mamie » or not to be
Comme on dit dans les magazines féminins branchés : »must have » un mini short par exemple. Cela semble signifier qu’une femme à la mode de moins de 60 ans ne peut se passer de tel ou tel gadget à moins de se retrouver exclue du « Marché ».
Par contre, pour les dames de plus de 70 ans, Marché signifie dans le langage marketing : maisons de retraite, accompagnement de fin de vie, aide à domicile, incontinence, surdité… etc
J’ai plus de 70 ans et j’adore les fringues. Et en plus, je ne suis pas trop fauchée. Et je ne suis pas encore trop moche et même si je l’étais…
Et pourtant un grand nombre (statistique établie sans aucune fiabilité scientifique après 20 magasins entre Paris et Caen) vendeuses de chaussures un peu dégoutées par mon hallux valgus de taille pourtant modeste mais néanmoins douloureux me répondent que chez elles : » on ne fait pas ce genre de chaussures et que d’ailleurs le 36 est de plus en plus rare ». Les vendeuses de fringues la plupart du temps m’ignorent ou s’avancent avec un petit sourire condescendant et me demandent entre autres: « c’est pour vous ? » à propos par exemple d’un pantalon noir informe que je tripote pour voir s’il est un peu stretch et pourra supporter mon petit ventre après le repas. Il reste aux vieilles dames -encore jeunes- (comme disait Cocteau : le malheur quand on vieillit, c’est qu’on reste jeune), les magasins spécialisés genre Damart dont les catalogues donnent dans le meilleur des cas envie de se retirer du marché des fringues voire de ne plus sortir de chez soi en dehors des randonnées ou autres distractions déprimantes entre « seniors ».
Les attitudes vis à vis des vieux sont paradoxales : il faut à tout prix les conserver en vie même s’ils ne demandent qu’à s’endormir en paix, lassés d’affronter les regards épuisés de leurs enfants ou le vide de leur vie quotidienne, ou les souffrances physiques et morales. En même temps, ils coûtent très cher à la sécurité sociale. Tout le monde le pense mais personne -et heureusement- n’ose le dire. Ils sont moches, tristes et il faut en plus leur céder la place dans les transports en commun. On les aime bien dans leur rôle de grand parents, dépanneurs de jeunes couples encore friands de distractions ou de voyages.
To be mamie or not to be, that is the question. « Alors les filles on va danser ce soir » avait coutume de dire en s’esclaffant un vendeur de légumes chez qui ma mère alors âgée de 90 ans et moi de 60 nous rendions souvent.
Sans doute faudrait-il prendre cela avec humour. Mais l’humour a tendance à manquer quand on se sent catégorisée, voire rejetée.
Revenons au sacro-saint « Marché ». Pourquoi les couturiers, les fabricants de chaussures, etc… ne fabriqueraient-ils pas des vêtements sympas qui aillent aux vieux ? Pourquoi les vendeurs dans des magasins vidés par la crise ne sont-ils pas formés à recevoir les vieux et surtout les vieilles avec sympathie et à noter leurs desiderata afin de les transmettre en amont. Le commerce s’en trouverait mieux, non ?
Comme disait Einstein « Il est plus facile de désintégrer un atome qu’un préjugé ».
Cependant une majorité de gens se conduisent normalement avec les vieux et heureusement. La plupart des gens ne sont pas pas racistes non plus. Mais même minoritaires certaines formes d’exclusion des vieux sont assimilables à du racisme, peut-être l’un des pires parce qu’il est socialement admis.
Cette image renvoyée par certains est d’autant plus perturbante que quand on est à peu près en bonne santé, on peut se sentir très bien dans sa peau après 70 ans: presque sage, détaché des absurdes désirs de reconnaissance ou de pouvoir, libéré de l’obligation de séduction, indifférent à ses rondeurs ou à ses rides. On ne sait pas combien de temps ça va durer mais peu importe. On a enfin compris que la bêtise humaine était aussi profonde que l’intelligence humaine et que l’on n’y peut rien.
Alors à tous ceux qui décident des modes à la place des femmes, je demande : permettez-nous-de poser nos pieds gonflés dans des chaussures souples et jolies à moins de 275 euros, porter des pantalons qui ne boudinent pas nos rondeurs, porter des jupes longues qui cachent nos genoux un peu ronds, rêver devant des robes d’été qui cachent nos bras un peu flétris. Laissez-nous le bonheur du shopping.
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Accueil des migrants dans les préfectures: Nanterre et Bobigny
Bobigny le 17 mai 2013. J’accompagne en qualité de bénévole à la CIMADE , Mr K., algérien, titulaire d’un récépissé de trois mois à renouveler. Il est marié à une française et est en situation régulière. Conformément à l’Accord franco-algérien il a droit à une carte de résident. Ses récépissés renouvelables tous les trois mois ne lui donnent pas la possibilité de trouver un emploi. Il commence la queue à 7h45. Je le rejoins à 9h15. Son ticket porte la mention : »295 personnes devant vous. »
Nous allons attendre 6 heures dans cette salle . Tous les gens présents sont en situation régulière et viennent simplement renouveler un récépissé.
A 15h, soit une heure avant la fermeture, nous parvenons au guichet. L’employée lui annonce qu’il va avoir sa carte de dix ans d’ici trois semaines. Sur tous les murs de cette salle étouffante sont placardées des affichettes ainsi libellées :
« NOUVEAU : Votre carte est prête. On vous avertit par SMS. ». A notre connaissance, personne n’a jamais reçu un SMS.
Nanterre le 3 mai 2013 : J’accompagne Mr N, congolais pour déposer un dossier de régularisation sur la base de ses dix ans de présence. Son dossier est bon. Il garde les séquelles très graves d’une polyo contractée au Congo. Cela ne l’empêche pas de faire partie des entraineurs de handisport en basket dans sa commune.
Trois heures d’attente. Puis réception par une jeune femme très énervée qui lui dit que puisqu’il n’a pas de fiches de
paye pour les 24 derniers mois, son dossier ne peut pas être pris. Or le texte sur les dix ans de présence ne prévoit en aucun cas cela. Je lui fais remarquer que sur le plan juridique son argumentation est fausse. « Ce sont nos ordres dit-elle, vous pouvez revenir à 14h mais je serai au guichet et je refuserai le dossier. »
Encore deux ou trois heures d’attente. Mr N est de plus en plus nerveux. Enfin, vers 15h, nous retrouvons cette personne au guichet. Elle demande des papiers. Mr N est obligé de s’asseoir par terre pour chercher ses papiers. C’est à pleurer. Puis elle recommence son discours. je lui dis que dans ce cas là, je vais faire un recours pour refus de guichet. Elle donne alors un rendez-vous pour le 18 juillet. il est 16h. Nous sommes là depuis 9h du matin.
A défaut du choc de simplification, un choc d’humanité et pourquoi pas un choc de nouvelles technologies pour simplifier tout cela. Tout le monde aurait à y gagner y compris le personnel submergé.
Mr Hollande, n’oubliez pas votre promesse de « belle mort »
Monsieur le Président, je vous fais cette lettre que vous lirez peut-être …
Monsieur le Président, je sais qu’un sujet comme le droit de mourir dans la dignité risque de mobiliser des milliers de gens dans les rues de nos villes. Je sais que votre gouvernement soumis a des critiques parfois injustes n’a peut être pas le courage de susciter encore la hire des empêcheurs de vivre et de mourir librement.
Faire la loi afin qu’elle n’empêche ni la liberté individuelle ni le vivre ensemble n’est pas facile.
Votre 21ie engagement était ainsi rédigé : » Je proposerai que toute personne majeure en phase avancée ou terminale d’une maladie incurable, provoquant une souffrance physique ou psychique insupportable, et qui ne peut être apaisée, puisse demander, dans des conditions précises et strictes, à bénéficier d’une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité. » Le rapport Sicard laissait esperer a ceux qui se battent depuis des dizaines d’années pour le droit de mourir dans la dignité que vous alliez enfin prendre en considération l’un de leur souhait les plus chers : ne plus avoir peur de la dépendance, des humiliations qu’elle implique, mourir quand on l’a decidé, entouré des gens qui vous aiment, sans craindre pour eux des poursuites pénales, sans leur avoir imposé pendant des années le poids d’une interminable agonie.
C’est un choix individuel qui n’entraine aucun prosélytisme. Chacun est libre de choisir sa mort. Certes on a le droit de se suicider. Mais partir sans violence est une demande raisonnable.
Le mot » euthanasie » , même s’il signifie « belle mort » déchaine des réactions horrifiées . Alors, bannissons le. Disons simplement que les personnes atteintes d’une maladie incurable et qui ont demandé a mourir et réitèré leur demande de ne pas souffrir inutilement doivent pouvoir se procurer la pillule qui leur permettra de s’endormir doucement. De même certains vieillards après 80ans qui voient arriver des jours et des jours de souffrance dont la seule issue est la mort (car quoi de plus incurable que la vieillesse dépendante?) seraient rassurés de savoir que le jour venu ils pourront mettre un terme digne a leur vie.
Les médecins n’ont pas a être prescripteurs en la matière. Ils ont montre leur incapacité collective a le faire et on peut comprendre leurs réticences. L’application affligeante de la loi Leonetti en est la démonstration ( voir le livre de Philippe Bataille : A la vie, à la mort, Ed Autrement, Paris, 2012)
Si j’ai écrit des directives claires, réitérées, disant mon refus de terminer ma vie dans des conditions que J’ESTIME humiliantes et sans intérêt , personne ne doit pouvoir décider a ma place .
Votre 21ieme proposition a été un espoir de changement pour des milliers de gens. En plus, elle ne coûte rien.Alors Monsieur le President, ne faites pas payer a ceux qui attendent une réforme très vite, les conséquences des agitations d’une droite sans objectifs alliée a une extrême droite qui a fait une démonstration de force lors des manifestations contre le mariage pour tous.
Gouverner c’est choisir. Jusque là, vous avez respecté les engagements qui dépendent de vous. Vous aviez évoqué un débat en Juin. D’après les sondages une majorité de Français attend cette réforme. Il ne reste plus qu’à la faire.
Monsieur le President, nous sommes nombreux a souhaiter vivre nos dernières années paisiblement en sachant que nous ne serons pas un poids pour nos proches et que athées, agnostiques ou croyants nous aurons une fin digne et sans souffrances inutiles.
Les attentats de Boston : éradiquer la joie de vivre
J’étais à Boston le 14 Avril 2013, la veille du Marathon. Le printemps s’annonçait, Il y avait dans la ville des milliers de gens vêtus de bleu et jaune. Ils portaient des petits sacs en plastique remis par la ville de Boston. Ils visitaient la ville, en groupes, en famille, un peu perdus dans cette ville riche, froide, puritaine et très majoritairement blanche en son centre.
J’appris que le marathon passait près de Brooklyne où j’habitais. Je regardais passer les coureurs qui étaient à quelques miles de l’arrivée. Il y avait des familles, des chiens, des vieilles dames déguisées qui avaient apporté leur chaise. Les cafés étaient pleins, les gens riaient, faisaient connaissance, se retrouvaient.
La ville si austère, si fière de ses Universités brillantes, s’animait, prenait vie. Les participants que j’avais vu déambuler la veille,comme des étrangers dans la ville, avaient trouvé une place.
Les assassins ont voulu tuer la joie de vivre, la diversité, la démocratie contenue dans le principe du marathon.
Déjà certains « gauchistes »parmi mes amis américains disaient : « Nous l’avons bien mérité, nos drones tuent des enfants en Afghanistan » ou encore: « C’est un coup de la CIA ». Pauvres cons.
Tuer des innocents est horrible partout. Il n’y a pas de hiérarchie entre les tueries. Martin Richard avait huit ans quand il a été touché mortellement par la bombe. Rien ne justifie sa mort.
L’idéologie islamiste , comme beaucoup d’idéologies, porte en elle la mort.
Le droit à l’égalité ?
En 1977, la revue Actes, Les Cahiers d »Action Juridique », publiait un numéro sur : »Femmes, Droit et Justice ». Claire Bretecher avait accepté d’en illustrer la couverture avec cette balance qui penche du côté des hommes malgré le nombre et la détermination des femmes assises de l’autre côté. Se battre pour obtenir des lois est une chose, se les approprier pour les faire appliquer en est une autre. L’un ne va pas sans l’autre.
Nul n’est censé ignorer la loi. Le problème de la morale laïque
Le 15 Mars 2013 l’article de la Loi Peillon remplaçant l’instruction civique par un enseignement moral et civique a été voté.
Nous avions été quelques uns à la fin des années 90 (Didier Peyrat, Nathalie Heinich, etc…) à demander que l’enseignement du droit ne soit pas réservé aux juristes.Nous pensions que les élèves devaient connaitre les grandes lignes du droit positif afin de pouvoir exercer leur citoyenneté.
Après avoir retracé brièvement l’histoire de l’instruction civique ou/et morale à l’école, je ferais une courte présentation des différences entre la morale et le droit. Dans ce débat récurrent depuis plus d’un siècle, c’est l’enseignement de la morale qui semble emporter les suffrages des décideurs. Je dirais pourquoi je pense que l’enseignement de quelques fondements du droit serait préférable à des considérations morales nécessairement vagues et non sanctionnables. Enfin à propos de la sanction, je dirais quelques mots sur la récente résolution de l’ONU qui inscrit à son programme l’interdiction des violences contre les femmes.Ce type de résolution, pour importante qu’elle soit au niveau des principes, n’organise pas son application. Quelle est l’utilité d’un droit sans sanction ?
Un peu d’histoire :
L’enseignement de la Morale à l’école a été créé en 1882 sous la Troisième République.
En 1968, cet enseignement est supprimé.
En 1985, J.P. Chevènement inscrit l’éducation civique au programme de l’école primaire.
En 1995, Claude Allègre et Ségolène Royal créent un programme d’éducation civique, juridique et sociale pour les lycéens.
En 2008, Xavier Darcos instaure l’instruction civique et morale dans le primaire
En 2011, Luc Chatel annonce le retour des leçons de morale à l’école primaire.
On espère qu’un bilan sérieux de ces différentes expériences pédagogiques a été fait. Ce serait intéressant s’il existe qu’il soit publié.
Morale et Droit
Qu’est ce que la morale ? (du latin mores, moeurs): C’est la science du bien et du mal, du juste et de l’injuste. l’action humaine conforme à la morale aurait pour but le bien. A ce propos, on parle souvent de la nécessaire évolution des « mentalités » indispensable à l’acceptation de nouvelles lois qui s’écartent de la morale commune (Par exemple, le mariage pour tous). Les mentalités comme la morale ne se décrètent pas.
Monsieur Peillon, Ministre de l’Education nationale précise à propos de sa loi : »Grâce à cet enseignement l’école fait acquérir aux élèves le respect de la personne, de ses origines et de ses différences, de l’égalité entre les hommes et les femmes ainsi que de la laïcité. »
Ainsi par exemple, les jeunes adolescents férus de morale républicaine et égalitaire s’écarteront-ils avec horreur de la « tournante » qu’ils avaient quelques heures avant pensé infliger à l’une de leurs copines. Permettez-moi d’en douter sans être accusée de pessimisme.
C’est Jean Carbonnier qui dans sa belle introduction au Droit Civil (PUF) a le mieux exprimé la différence entre le droit et la morale : » Le Droit a pour but le maintien de l’Ordre social, la morale, le perfectionnement intérieur de l’Homme. Le droit a une liste de devoirs envers le prochain plus courte que la morale. Tandis que la Morale impose toute la justice et de surcroît la charité. Dans l’appréciation du mérite des actions, le droit s’en tient en principe aux attitudes extérieures; la morale prétend pénétrer les coeurs (…) Le droit est hétéronome (nul ne peut y être juge et partie), alors que la morale est autonome (Chacun y est son premier et propre juge) ». On peut ajouter que la morale est subjective, variable d’une personne à l’autre, d’une culture à l’autre…
Il faut enseigner à l’école quelques grandes règles de droit
Le droit est un ensemble de règles qui permet la vie en société, le vivre ensemble, en dépit de nos différences. Le droit positif se sépare du droit naturel par la sanction en cas de non application de la loi.
Il ne s’agit pas d’ajouter un cours de droit à des programmes déjà surchargés, mais en quelques heures d’introduction au droit, d’expliquer aux élèves quelques grands thèmes du droit positif : la responsabilité (« Tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer »), l’obligation de respecter les contrats (« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. »), le respect de la vie privée, la force contraignante de la loi, l’égalité devant la loi…
La vie en société nécessite des règles de droit identiques pour tous afin que les êtres humains vivent ensemble sur un territoire donné sans s’entretuer.
Pour cet enseignement, il n’est pas nécessaire de se livrer à un bourrage de cranes. Tous les jeunes savent que les jeux collectifs nécessitent des règles. Penalties, cartons rouges , jaunes, exclusion temporaire rythment les matchs de football ou de rugby. Ce dernier très violent, répond à des règles d’une extrême complexité afin que le jeu ne dégénère pas.
Il s’agit de donner aux élèves les outils généraux qui permettent la mise en application d’une règle (morale?) fondamentale : »Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’il te fasse. »
Quel avenir pour les règles sans sanction?
Le droit international des droits de l’Homme donne une image de ce qu’est une liste impressionnante de droits qu’aucune sanction ou presque n’est en mesure de sanctionner.Certes, les choses évoluent : la création de tribunaux pénaux internationaux, de la Cour pénale internationale ont permis enfin de sanctionner des crimes de guerre notamment en ex-Yougoslavie. C’est un début.
L’ONU vient d’adopter le 15 Mars 2013 une Résolution qui : »demande aux Etats de condamner avec force toutes formes de violences contre les femmes et les filles et de s’abstenir d’invoquer toute coutume, tradition ou considération religieuse pour se soustraire à leur obligation de mettre fin à cette violence. »
Cette résolution est un premier pas important. Mais qui assurera l’application de cette résolution ? S’il faut attendre le changement des mentalités, bien sûr fondamental, ce sera long. Seules des sanctions sévères dans les Etats concernés pourront permettre d’avancer.
Pour conclure provisoirement
On assiste à une perte de repères communs chez certains jeunes.La montée du communautarisme ou de l’ethnicité d’un côté et de l’individualisme de l’autre en sont l’une des causes. L’entre-soi renvoie aux valeurs de SON groupe (parfois sauvages) et non aux valeurs communes de l’Humanité que sont la liberté, l’égalité, la sûreté. L’effacement du projet collectif au profit de projets individuels ou claniques, bénéficie aux plus forts contrairement aux règles de droit.
Le droit est parfois rejeté en bloc comme un instrument de coercition. C’est justement en s’appropriant le droit, en faisant sa connaissance, que les citoyens pourront devenir acteurs d’un processus d’élaboration, de vérification de son application mais aussi de critique voire dans des cas rares de désobéissance à des lois injustes.Et cet apprentissage doit commencer à l’école.
Accueil des migrants à la Préfecture de Créteil : témoignages
En tant que bénévole à la CIMADE je publie ici avec leur autorisation les témoignages écrits de deux femmes, la première, française qui souhaite faire venir sa mère libanaise, veuve âgée de 74 ans qui vit seule. Elle a trois enfants français et tous s’engagent à prendre en charge leur mère et grand-mère. Elle peut prétendre à une carte visiteur, même si elle n’avait pas assez d’argent pour que le Consulat de France lui délivre un visa long séjour.
« Je me suis présentée à la préfecture avec ma mère et mon fils, la même dame au guichet 8 nous a désagréablement accueilli et n’a pas voulu nous donner ni son nom ni un rendez-vous.
Alors, je me suis dirigée vers l’accueil et j’ai expliqué ma situation à un monsieur très humain qui nous a demandé de patienter. Au bout d’une demi heure d’attente, la même dame nous a appelé et nous a donné un rendez-vous le 30 Mai tout en précisant qu’on obtiendra rien du tout, ni récépissé ni carte de séjour. Je vous répète exactement ses propos. Je lui ai alors posé la question :Le rendez-vous c’est pourquoi alors?. Elle m’a dit : »c’est pour refuser votre demande et renvoyer votre mère dans son pays. »
ça m’a vraiment fait beaucoup de peine, même si on a tort au niveau des dossiers, je ne crois pas que l’on mérite d’être traités d’une telle manière.
Cette même dame a déchiré le document d’un pauvre monsieur. Quand le Monsieur a demandé de quel droit vous déchirez ma convocation, elle lui a rendu le document déchiré bien sûr sans lui adresser la parole.
Excusez-moi si je vous raconte les détails car le comportement de cette dame m’a vraiment blessé.
Mme A.
La seconde est tunisienne. Elle est en France depuis dix ans et travaille sans papiers (avec son numéro d’étudiante) depuis cinq ans. Elle peut prétendre à une régularisation selon la circulaire VALLS du 28 Novembre 2012. Voici sa lettre adressée au Préfet du Val de Marne.(Créteil).
« Je suis actuellement enceinte de neuf mois, je travaille et je déclare mes revenus depuis cinq ans et le 27 Février dernier je suis sortie en congé maternité.
Depuis la sortie de la Circulaire du 28 Novembre 2012, j’ai décidé de déposer un dossier pour réexamen de situation. J’ai obtenu un premier RV pour le 28 Décembre sauf qu’il manquait des timbres donc je suis sortie acheter les timbres en courant malgré mon état de santé enceinte de six mois et je suis revenue dix minutes plus tard redonner les timbres à l’agent sauf qu’elle ne voulait pas les accepter et elle a haussé la voix pour me dire devant tout le monde qu’elle n’est pas ici pour me faire plaisir et elle m’a donné un autre RV pour le 28 février. Tous ceux qui étaient à la préfecture même ses collègues étaient choqués par son attitude. Les policiers qui m’ont vu courir et appris qu’elle ne voulait pas prendre mes timbres étaient aussi écoeurés par son attitude et ils m’ont demandé d’écrire une lettre à l’administration. Mais qu’est ce que je peux bien faire contre eux. je me trouve en situation de faiblesse dénudée de mes moyens de défense et de mes droits et je ne peux rien faire et ils ont raison de laisser cours à leur pouvoir et leur méchanceté car on ne peut que subir et ce genre de personnes le savent bien.
…..
Je me suis présentée à vos guichets le 28 février et je me suis vu répéter le même scénario. report du RV au 23 Mai parce que cette dame ne conçoit pas que la taxe d’habitation est une preuve de domicile.
Aujourd’hui je me trouve enceinte de neuf mois. bientôt je vais accoucher et sans ressources, incapable d’assumer mon futur bébé à cause de ce décalage de RV à chaque fois. Je suis allée voir quelqu’un du service d’enquêtes au 2° étage. La personne au guichet m’a demandé d’essayer d’avoir un RV par Internet (un service qui ne marche jamais) (la blogueuse confirme). Elle m’a précisé que la prochaine fois s’il manque un papier, ma demande sera définitivement annulée et plus le droit à la régularisation!!!
Mon état de santé s’est détérioré depuis et je déprime.
Monsieur le Préfet, je sollicite votre aide. Je ne demande pas à transgresser vos lois ou à être favorable mais tout simplement à respecter mon état d’urgence.
Moi je sais que je vais avoir mon titre de séjour un jour et même devenir française et mon fils aussi comme tous ses cousins et je ne souhaiterais pas avoir en mentalité cette France à la préfecture car elle est totalement opposée à ce que je vois en réalité.
Mme B.( extraits de sa lettre)
Il s’agit de deux témoignages parmi tant d’autres.
Je sais que beaucoup d’agents en préfecture font ce qu’ils peuvent face à une demande croissante et des effectifs probablement stagnants.En les voyant agir, en lisant ces témoignages, je me rappelle de mon père nous décrivant après la guerre sa bataille avec les administrations pour récupérer notre appartement qui nous avait été confisqué parce que nous étions juifs. Comparaison n’est pas raison mais le mépris affiché de certains agents de préfecture fleure bon le racisme.