Ras le bol des vieux amoureux…

Magritte

C’est fou le nombre d’auteur(e)s qui écrivent sur la vieillesse. Pas facile de trouver un interstice pour évoquer la notre !!
Mieux vaut être déjà connu(e) …
Non seulement on est vieux donc invisible et en plus impubliable!
En plus il faut subir les discours de nos collègues masculins sur l’AMOUR
Après Pascal Bruckner (« On n’est pas vieux quand on est amoureux », voir plus haut), voici Edgar Morin répondant à une journaliste de Marie-Claire qui lui demande :  » Quel est le secret de votre incroyable énergie, à la fois lucide et extrêmement heureuse ?« , il répond :  » C’est l’amour !…Je ne peux bien remplir ma mission (l’écriture) que si j’ai un feu intérieur animé par l’amour de ma compagne Sabah. Elle joue un rôle capital. J’aurais pu vivre seul, plus ou moins tristounet, plus ou moins résigné…Mais là, c’est une autre histoire. »

Ces vieux hommes heureux et amoureux créent ainsi une nouvelle catégorie déchirante : les vieux non amoureux…
Merci de tout coeur Messieurs.
Si comme moi, vous avez vraiment aimé un seul homme dans votre vie et qu’il est parti,ou si vous n’avez jamais rencontré la femme ou l’homme de votre vie, vous voila catégorisée en vieille tristounette et résignée.
Il m’arrive de détester le mot AMOUR !

« Nous ne nous coucherons jamais. Nous ne renoncerons jamais », (Riss) Ma pétition à moi toute seule. Moi et le chien on vous dit Bravo

Depuis le début du procès des attentats de 2015, je me disais : il va y avoir une pétition pour les soutenir. J’avais même commencé à rédiger un projet.
Que nenni, quelques intellectuels parisiens m’ont pris de vitesse, signant une pétition A EUX que Le Monde reproduit aujourd’hui.(sans toutes les signatures…Qu’est ce qu’ils doivent être furieux ceux dont le nom ne figure pas !)
Moi j’imaginais des milliers de signatures d’anonymes de tous les horizons comme à la République le lendemain des attentats.
Alors je fais ma pétition à moi toute seule avec ce brave toutou trop mignon

Le jour où j’ai arrêté le vélo

Blottie derrière mon masque, dans l’autobus 86, j’observe l’absence de distanciation « sociale ». Après tout, il faut bien que les gens travaillent et que les mères aillent chercher leur mômes à l’école. Notre haut conseil médical s’en fout.
Derrière moi, une discussion entre un vieux et une vieille s’engage : « Y’en a plus que pour les vélos, c’est honteux….Avant ce faubourg était à double sens… »
« Regardez les ces jeunes sur leurs engins, ils ont pas de masque, ils ont de la place…ça donne envie de hurler.. »
L’espace d’une seconde, je me surprends à approuver ce discours. Je hais les vélos et ceux qui les montent!
Oh la la, j’espère que personne n’a lu dans mes pensées… quelle horreur, je deviens réac.
De quand date cette haine ?
Je me souviens de mes balades en vélo depuis l’âge de 13/14 ans sur les routes de France et même dans le Paris des années 70.
J’ai toujours détesté le sport . Mais j’aimais faire du vélo et nager dans la mer. Je pratiquais chacune de ces activités à ma manière : la brasse arcboutée (tête hors de l’eau, dos creusé) par mer calme et le vélo, assise sur la selle avec possibilité de mettre en même temps le pied à terre. Pendant soixante ans environ, j’ai pratiqué sans encombres ces deux activités.
Il y a bien eu quelques avertissements : cette journée passée dans une île grecque à pousser le vélo loué parce que je ne parvenais pas à monter dessus -la position pied sur la pédale, élévation puis départ- m’étant interdite. Ou cette autre fois, alors que je quittais la soixantaine, où ayant loué un vélo un peu trop grand pour moi, la panique me prit au moment de m’arrêter devant la maison. Je fis alors le tour du village d’où je venais,pendant un temps qui me parut interminable, le côeur battant à l’idée que j’allais peut-être passer 2 h sur ce foutu engin avant d’avoir le courage de mettre pied à terre.
« Regardez-les éructe la vieille dame blonde au vieux monsieur à chemise rose, ils se prennent pour qui ces cyclistes ! L’autre jour j’ai failli en gifler un …. »
Je devais avoir 70 ans quand j’ai refait du vélo à Cabourg, sur la promenade Marcel Proust, lieu plat par excellence.
C’était plus dur chaque année mais bon, on ne rajeunit pas.
Et puis la mairie dirigée par un triste sire qui battait sa femme (je ne pense pas qu’il y ait un rapport mais j’en profite pour le rappeler sachant qu’il a été condamné puis réélu !) a fait construire une piste cyclable. J’en tremble encore quand j’évoque ce jour où je suis arrivée en haut d’une petite cote qu’il fallait dévaler pour rejoindre, après avoir tourné à gauche, la piste sur la promenade susvisée.
Ma « carrière » s’est arrêtée là, en haut de cette cote de 10 mètres de long. J’ai mis pied à terre en tremblant et poussé mon vélo le long de la promenade, tentant d’adopter le regard ébahi des artistes qui ne peuvent pas se passer de regarder la mer…
Je ne suis plus jamais remontée sur un vélo et mon envie s’est transformée en haine…
Pas de panique, je me soigne, je me raisonne. Il m’arrive même de sourire à un cycliste qui s’arrête pile devant moi.
Mais c’est l’un des évènements les plus traumatiques de mon entrée dans la vieillesse.
Comme dit Jean Louis Fournier (« Mon dernier cheveu noir », Anne Carrière, Paris, 2006) : « Un coup de vieux, ce n(est pas un coup que donne un vieux, c’est un coup qu’il reçoit. »

Traverser la rue : une parabole de Kafka (clin d’oeil au Président)

« Beaucoup se plaignent que les paroles des sages fussent toujours des paraboles dont on ne pouvait se servir dans la vie quotidienne, la seule que nous ayons.
Quand le sage dit : »Va de l’autre côté », il ne veut pas dire qu’il faut traverser la rue pour aller de l’autre côté, ce qu’on pourrait du moins faire si ce qu’on obtenait en faisant le chemin avait quelque valeur. Non, il veut parler de quelque au-delà légendaire, quelque chose que nous ne connaissons pas, que le sage lui même ne peut pas désigner plus précisément et qui donc ne nous aide en rien. »

Je vais essayer d’être plus claire sur les groupes, la censure, le communautarisme etc

En relisant mon précédent article, je n’ai pas tout compris à ce que je voulais dire !!!
J’ aurais pu le supprimer mais …. je ne l’ai pas fait parce qu’il contient des éléments auxquels je tiens.

Je veux juste insister sur deux points :
Toute démocratie requiert des partis politiques, des associations, des groupes militants… Et c’est indispensable : on ne peut pas faire avancer-entre autres- la cause des femmes sans Mouvements militants. Malheureusement, ces mouvements militants sont parfois entrainés du fait même de la dynamique de groupe vers des positions extrêmes, binaires, sans contradictions. En d’autres termes Bravo à Metoo qui a joué un rôle essentiel dans la lutte contre les violences sexistes mais Non aux suivistes extrémistes qui font que certaines actions dérapent.

Selon moi, ils dérapent quand ils aboutissent à une forme de puritanisme ou et de censure : Obliger les maisons d’édition à expurger certains textes jugés sexistes ou les journalistes à être dans le politiquement correct est une atteinte très grave à la liberté d’expression et de création inacceptable, condamner un homme pour présomption de viol est le commencement d’une forme de fascisme. La violence des uns n’est en rien une excuse pour cette atteinte grave à la présomption d’innocence. Prétendre que les femmes ne mentent jamais est d’une stupidité confondante.
Pourquoi ne pas vouloir interdire les phantasmes ?

– Certains de ces groupes ont une tendance à suivre celui ou celle qui parle le plus fort et qui tient les propos les plus extrêmes. Comment se faire entendre , comment exprimer un point de vue plus nuancé dans ce genre de groupes ? Par expérience, je sais que la réponse est souvent de l’ordre de l’impossible et précède la sortie du groupe en question.
Dans ces conditions, selon moi, tout individu mâle ou femelle ou autre, doit prendre ses responsabilités personnelles, ne pas attendre les slogans idéologiques réducteurs, et avoir le courage de dire NON SEUL(E) aux injonctions qui lui paraissent fausses ou excessives.
De même (et heureusement que personne ou presque ne lit ce blog !), je suis profondément choquée par le cas de certaines femmes victimes de viols ou de harcèlement non létaux (pas d’armes, pas de coups), qui ne savent pas dire tout simplement NON. Je sais que cela s’appelle l’emprise.C’est parfois vrai. Mais vouloir obtenir un rôle ou un appartement n’est pas de l’emprise.
C’est cela que j’appelle la victimisation.
Cette position s’étend à d’autres situations où il s’agit de résister à une oppression contre un groupe précis. Un dernier exemple en date : Les femmes Ouïgoures en Chine.(Le Monde du 25 juillet 2020). Elles ne peuvent pas se battre seules. Alors il faut qu’une voix puis des voix s’élèvent. L’Histoire est « remplie « des silences de la majorité quand se produisent des crimes de masse voire des génocides.

Mon héros est l’homme qui a marché seul contre les tanks chinois à Tian’anmen .
Je ne suis pas sûre d’avoir ce courage.
Mais peut-être Changer le Monde passe-t-il aussi par ces individus qui se révoltent contre la lâcheté.

« Tout simplement noir » : contre le communautarisme : l’une des réponses possible : l’humour

Il y a toujours eu et il y aura encore de bonnes causes qu’il faut défendre : La lutte contre le racisme,contre les violence faites aux femmes, contre l’impérialisme et ses conséquences sociales etc…
Mais parfois, ces luttes pleines de bons sentiments risquent de se retourner contre ce qu’elles prétendent combattre.
Dans le cas des femmes, par exemple, attention à une forme d’assignation à la victimisation. La vie est un combat, un apprentissage du refus d’obéissance.

Sur le thème du communautarisme noir (Au secours, Faut-il mettre un N majuscule à noir.???), Jean Pascal Zadi et John Wax ont réalisé un petit bijou cinématographique, drôle, percutant, fin. Le titre résume l’idée du film : Le fait d’avoir une caractéristique ne nous enferme en aucun cas dans un carcan identitaire.
Je parle en connaissance de cause : je suis née juive en 1940 . C’est une particularité historique qui m’a en partie construite. Pendant des périodes de ma vie, celles où je me sentais peu reconnue, il m’est arrivé de dire (et il m’arrive encore) « Nous les Juifs ». Les juifs (et les tziganes et les homosexuels et les handicapés etc) de ma génération, ont été plongés dans un cauchemar historique qui nous a en partie constitués. Mais depuis, nous avons vécu, grandi, réfléchi, connu d’autres combats et nous avons construit notre personnalité propre, unique (même si elle n’est pas passionnante!).
Tout groupe refermé sur lui même porte en lui un risque de négation des autres groupes mais aussi des membres de son groupe qui ne sont pas d’accord avec la majorité.
Alors, oui, il faut lutter contre les violences faites aux femmes mais sans oublier la présomption d’innocence( Le juge doit tenir compte du consentement par exemple et cela demande une enquête). Il faut lutter contre tous les racismes mais sans ignorer qu’il y a des salauds de toutes les couleurs, de toutes les religions, de tous les sexes.
L’Universalisme ne va pas sans reconnaissance de la différence entre les êtres humains.Il ne nie pas non plus l’Histoire avec sa chronologie, ses luttes . Il n’oublie pas les guerres coloniales mais il n’oublie pas non plus les résistants ou ceux qui y ont été entrainés malgré eux.
Qui peut affirmer qu’il ou qu’elle aurait eu le courage de dire Non à telle ou telle injonction officielle potentiellement létale ?

En songeant à la difficulté de prendre en compte les contradictions, surtout quand elles heurtent nos narcissismes, j’ai soudain été frappée par cette affiche qui accompagne les promeneurs à Cabourg le long de la mer : Proust masqué, empêché.(Covid oblige)

Proust masqué

Proust n’écrit que sur une certaine société aristocratique, bourgeoise, blanche. Il est homosexuel dans cette même société : Peut-on imaginer que des individus au nom de valeurs « révolutionnaires » lui reprochent cet enfermement dans un monde de privilégiés ? Cela ne s’est pas produit. En aurait-il été de même s’il avait vécu en URSS ?
L’écrivain(e) est par nature déviant, parfois fou,(fou d’antisémitisme comme Céline), souvent excessif et c’est ce qui fait son génie.
Se sentir bien au chaud dans une communauté est aussi une forme de négation du combat individuel, des choix courageux que l’on doit faire parfois, contre cette communauté, seul, quoiqu’il en coûte.
L’une des conséquences potentiellement dramatique de cette pensée non contradictoire, unilatérale, binaire, s’appelle le fascisme.

Je range donc je suis : Propos décousus sur la vieillesse

Affalée sue mon canapé, je regarde la mer.
Je n’éprouve plus pour elle la même passion qu’auparavant.
C’est comme si j’avais fait le tour de la question, le tour de ses couleurs changeantes, le tour de ses couchers de nuages …
A bientôt 80 ans, c’est l’ultime étape, celle où il n’y a plus de nouvelle vie possible, où l’on est dans l’attente de la catastrophe qui va vous tomber dessus et où vous allez vous demander : Dans quel état j’erre ?
Tout à coup je m’aperçois que sur la table le sel et le poivre ne sont pas alignés.
Je me lève aussi vite que me le permet cette délicieuse arthrose. Je les aligne et en profite pour laver l’unique tasse qui est dans l’évier et mettre au sale le torchon qui il y a quelques années aurait encore attendu quelques jours voire semaines.
Il ne me reste plus rien à ranger : j’ai déposé dans un container les vêtements trop petits, trop jeunes, trop moches. J’y ai passé des heures agréable. Mais maintenant il y a un vide qui s’installe en moi.
Mes parents m’ont toujours dit qu’il ne fallait jamais se laisser aller. Je décide d’aller marcher. Il parait que c’est bon pour l’arthrose.
Je descends sur la plage. devant moi il y a deux dames, sans doute la mère et la fille. La mère qui parait avoir dix ans de moins que moi tente d’escalader un petit rocher de 10 cm qui coupe la plage. Je sens presque sa peur. Elle met un pied et menace de perdre l’équilibre. Sa fille lui tend la main. Ouf
Mais moi, je marche seule, comme dit la chanson. Je remonte au dessus des rochers. Mon coeur bat la chamade.
Je marche sur la promenade avec détermination au milieu des tribus familiales avec ou sans roulettes, et des ados à écrans.
Je suis contente de moi… Mais tout à coup, ma volonté faiblit . Pourquoi vouloir rester en forme si je n’ai plus de projets passionnants ?
Mais La vie est belle, me direz vous .
Chaque fois que l’on me dit ça, je pense au film de Roberto Benigni.
De toutes manières c’est à moi d’en décider
Je déteste la compassion.
La seule chose que je désire posséder depuis toujours, c’est la liberté.

De la bêtise de certains de nos con-citoyens mâles ou femelles

Soutine

Accrochée à la rampe, mon vieux corps un peu tremblant, je descendais l’escalier qui mène aux toilettes dans un café parisien.
Un vieux monsieur, arrêté un peu plus bas dans le même escalier, semblait attendre pour reprendre son souffle
Je lâchais la rampe avec courage, le dépassais, et prit ma place d’attente derrière la ligne Covid 19,les deux toilettes pour femmes étant occupées.
Le vieux monsieur continua sa descente et arrivé en bas, s’adressa peu aimablement à moi : » Pourquoi restez-vous là ?, me cria-t-il, pensant sans doute qu’en plus d’être une vieille sotte, je devais être sourde. « Il y a deux toilettes pour les femmes »
Un peu destabilisée par ce vieux con qui se tenait derrière moi sans respecter la distanciation physique, je répondis avec humilité : « Mais Monsieur, les deux sont occupées. »
Sans doute vexé par le dépassement dans l’escalier, il insista : « Mais non voyons » et tenta de me bousculer pour prouver la véracité de ses propos.
J’eus le courage de lui dire de s’occuper de ses vieux os . Il rentra alors en rouspétant dans les toilettes pour hommes
Et alors ? allez-vous me dire, « un vieux con de plus, c’est pas grave »
Non en effet, c’est même plutôt drôle.
A force d’insulter les gens qui nous dirigent, on oublie la stupidité – qui peut devenir grave- de quelques « petites gens ».
Merci et bravo à Guillaume Meurice de nous le rappeler sur France Inter tous les jours vers 17h en interviewant les citoyens landa dans la rue.
C’est à la fois à mourir de rire et à pleurer.

Jeter son masque n’importe ou : une illustration du fil ténu entre la banalité (ou la connerie) du geste et la destruction de la nature

Depuis une quarantaine d’années je réfléchis sur les phénomènes banals et quotidiens d’exclusion de l’Autre. j’ai fait l’hypothèse d’un lien même ténu entre l’exclusion banale et quotidienne et les massacres les plus odieux.
Ces masques qui trainent un peu partout dans Paris permettent d’établir un autre lien entre nos comportements individuels de grossièreté, de bêtise, d’irresponsabilité et la destruction de la nature.
On pouvait observer ces comportements pendant le confinement : des personnes bien élevées par ailleurs et peu habituées à la désobéissance civile se vantaient de n’avoir pas respecté les règles en vigueur et déjoué les contrôles policiers !
Comment leur faire comprendre que la résistance à l’Autorité, à la loi, si elle peut être héroïque dans certains cas (Rosa Parks par exemple) est simplement débile dans d’autres cas.
La question est : votre désobéissance est-elle utile à la société ? Dit-elle quelque chose d’essentiel ? Si ce n’est pas le cas, non seulement elle ne sert que votre narcissisme mais, si elle devenait collective, elle serait dangereuse pour le maintien du lien social ou la lutte contre une pandémie ou contre les automobilistes inconscients.
La dernière facétie de Trump obligeant une entreprise à jeter sa production d’écouvillons parce qu’il ne portait pas de masque en est une illustration effrayante.

Hommage à Guy Bedos (« Il ya des jours où l’on pense qu’on aurait dû faire psycho et puis on s’aperçoit qu’il aurait mieux valu faire judo. »


Combien de fois ai-je voulu rendre hommage à des artistes, à des auteurs, qui avaient enchanté ma jeunesse. Mais que dire sinon des banalités ?
Il y a trente ans environ je préparais un numéro de la revue Autrement sur la politesse dans la nouvelle collections Morales. J’avais souhaité y faire figurer des textes sur l’humour, c’est à dire, la capacité de se moquer de soi même, qui peut être une forme de politesse.
Un texte bouleversant de Pierre Desproges, où il racontait la grossièreté d’un chauffeur de taxi incapable d’aider une dame très âgée à sortir de son taxi . (« Lettre ouverte à Monsieur le chauffeur du taxi immatriculé 790 BRR 75, extrait de : » Vivons heureux en attendant la mort » Le Seuil, 1983) y figurait déjà.
Il me semblait indispensable d’y ajouter les réflexions de son ami Guy Bedos, sur l’humour comme politesse du désespoir.
Je pris rendez-vous avec lui et tremblante à l’idée d’interviewer une célébrité, je me mis à regretter cette initiative, imaginant tout à coup que l’homme allait peut être se comporter comme ….le chauffeur de taxi !
Il se révéla souriant, aimable, drôle et profond.
Je reproduis ici quelques très brefs extraits de cet article qui me paraissent illustrer sa profonde humanité :

« Boris Vian a dit que l’humour était la politesse du désespoir. C’est vrai. Si je n’avais pas été un humoriste, je serais sans doute quelqu’un de très désespéré, et même en tant qu’humoriste, je ne suis pas sûr d’être tout à fait à l’abri…
L’autre aspect de la politesse de l’humour, c’est la possibilité qu’il donne de moins souffrir. Cette soupape qui protège des violences du quotidien…
Dans toutes les situations de la vie, il faut essayer de ne pas parler des choses de façon lourde et dramatique. Marguerite Yourcenar disait : »Il faut tenter de vieillir sans peser lourdement sur les autres. » Il me semble que ce doit être une constante….Tout cela a un rapport avec la mise à distance du narcissisme…
Je suis à fond pour la politesse parce que c’est le respect de l’autre, de sa différence etc. Mais je ne veux pas tenir un certain discours angélique vaguement de gauche, genre : »Je ne suis pas d’accord avec vous mais je me ferais tuer pour que vous puissiez exprimer vos idées. » Imaginons un débat télévisé ou Anne Frank dirait cela à Hitler!…L’impolitesse extrême c’est la dictature, le génocide, et le mot génocide ne doit être confisqué par personne. Il y a des cas moins graves mais tout aussi impolis, par exemple expulser les gens et les laisser camper dans un square. Il n’y a pas de politesse à avoir vis à vis des gens qui ne sont pas polis. »

La Politesse, vertu des apparences , Revue Autrement, Série Morales (Dir, Régine Dhoquois), Paris 1991