Le 16 avril 2019, Guy Dhoquois nous quittait : Hommage

C’est le dernier livre sur l’Histoire qu’il a publié, en 2000.
Il est à son image, vivant, foisonnant, cultivé, complexe et contradictoire.
Le Béhémot dans la tradition hébraïque est le monstre des terres. Il en fait le monstre des libertés, par opposition au Léviathan.

En voici un extrait que je trouve particulièrement émouvant et évocateur de ce qu’il fut, reste et restera pour moi : un homme libre et passionné, qu’aucun carriérisme n’a jamais défiguré, un optimiste désespéré, un Mensch.
 » Je multiplie errances et errements. Mon rêve serait que rien ne disparaisse et que tout se crée. L’Histoire progresse par le mal et par la lutte contre le mal. Je porte peut-être un diamant, il reste pris dans sa gangue. Le Jaïnisme concilie réincarnation et âme personnelle tandis que l’Egypte ancienne a parlé de l’immortalité de l’âme. Pour quelle raison ? Je ne sais pas.Déterministe sur un plan philosophique, je suis scientifiquement réduit à un indéterminisme méthodologique. Pourquoi rester perpétuellement dans les antichambres de l’Histoire, n’être qu’une introduction ? Je suis pris dans un vice sans fin d’autant plus pernicieux qu’il n’est que le produit de ma liberté. Si le spécialiste était parfait, il résoudrait tous les problèmes, ne serait que réponse. Je n’ai pas la naïveté de l’autodidacte, son incapacité à deviner ses limites. Mais je reste à la surface. Peut-être est-elle irisée par la rencontre du soleil et de l’eau. Je vois tout à travers mon absence de spécialité. Elle en devient une spécialité. Mais le feu qui m’anime me rapproche peut-être des marges créatrices. Il est des tragédies qui se terminent bien. Je n’écris pas pour communiquer, mais pour être le truchement d’une force objective. Mon voyage de l’esprit, élan et discipline, ne s’enlise pas dans l’inerte. Je n’ai pas la force de métamorphoser en symphonie notre cacophonie. Je propose une rhapsodie dont les thèmes disparaissent et parfois renaissent, dont les pièces sont rattachées lâchement, mais au travers desquelles bourdonne sourdement la basse. La Duplicité de l’Histoire. L’élémentaire, c’est aussi l’élément premier. L’Histoire me fait rêver, je ne veux pas rêver sur l’Histoire. »

« Vivre avec ses morts » a écrit Delphine Horvilleur. C’est un livre lumineux d’intelligence. Chaque jour ou presque j’en relis des passages qui m’aident à supporter ton absence.
J’aime particulièrement ce passage : « Est-il possible d’apprendre à mourir ? Oui, à condition de ne pas refuser la peur, d’être prêt comme Moïse, à se retourner pour voir l’avenir. L’avenir n’est pas devant nous mais derrière, dans les traces de nos pas sur le sol d’une montagne que l’on vient de gravir, des traces dans lesquelles ceux qui nous suivent et nous survivent liront ce qu’il ne nous est pas encore donné d’y voir. »

Le chat Meshugue rend hommage à son maître