Il porte les sacs, les valises. Elle marche à côté de lui, détendue, vaguement indifférente au monde qui l’entoure. Il va vers les merveilleuses nouvelles machines à enregistrer dont s’enorgueillissent tous les aéroports, pose ses bagages et s’apprête à affronter cette machine qui me terrorise, sans aucune appréhension. Elle s’accoude à une barrière, un peu plus loin, ne lui jette pas un regard, observe les voyageurs et baille avec grâce.
Tiens les revoilà, les mêmes ou presque au musée, pendant qu’énervée, j’essaye de retrouver mon billet sur mon téléphone. Elle regarde l’affiche de l’exposition. Il fait la queue au guichet. Elle arbore aussi cette légère fatigue, qui laisse penser à l’horrible envieuse que je suis, qu’elle sort d’une sieste amoureuse.
« Et moi je marche seule… » comme dit la chanson.
Et dire que pendant des années, j’ai dû leur ressembler, ronronnante dans mon couple, indifférente, mais répétant qu’il « était vital de se mettre à la place des autres! » …en oubliant juste de donner le coup de téléphone qui sauve parfois une journée de solitude.
Je dois avouer qu’il m’arrive de haïr les couples, leurs certitudes, leur complicité apparente, leur imperméabilité à tout ce qui n’est pas eux.
Et pourtant je connais les disputes, les égoïsmes, la haine parfois, qui pourrissent la vie de tant de couples.
Toute société génère ses modèles : ne pas y correspondre peut signifier une petite mort sociale.
Au fond il y a une analogie entre le bouc-émissaire et le modèle : tous les deux produisent de l’exclusion.