Les vieux n’ont pas d’histoire

Les vieux n’ont pas d’histoire.
(sauf les maladies et la mort)

C… est très heureuse : son fils passe la voir pendant quatre jours. C’est le meilleur des fils : attentif, il prend en charge les travaux ménagers : débarrasser la table, faire les lits ….
Elle a programmé une rencontre avec nous, ses amies, pour le dimanche après-midi. Mais, le matin, elle nous téléphone : son fils a le nez qui coule, elle aussi, et il pense que ce serait plus prudent que nous ne nous voyions pas de trop près.
Mon nez aussi coule un peu, ceci ne me semble pas une bonne excuse. Par contre, j’admets que la mère et le fils veulent rester en face à face, et que nous, les amies, pourrions perturber leur bonne entente.
Pourtant, à y repenser, je commence à voir les choses autrement. Je renverse la situation : quand mes enfants me présentent leurs ami/es, je suis toujours très heureuse de les connaître. J’ai « naturellement’ une très grande curiosité pour leur vie. Je sais, je risque d’être la mère abusive, la mère possessive, mais il me semble qu’il est naturel, puisque je les aime, de deviner un peu une partie de leur vie, à travers leurs amis. Je ne demande rien, d’ailleurs, mais je me réjouis quand ils m’offrent ainsi un morceau de leur vie affective.
Je crois avoir fait une découverte : la situation n’est pas réciproque. Nos enfants ne s’intéressent pas à nos vies. C’est comme une loi de la nature. La flèche de l’intérêt sera toujours à sens unique.
Car, quel intérêt offrent nos vies à nos enfants ? nous sommes le passé. Avons-nous même une vie digne d’intérêt ? Bons enfants, ils s’intéressent bien sûr à nos maladies, voire, à nos souffrances. Mais devant la montée des nouveautés, des tragédies qui nous menacent, des actualités vibrantes, nous nous trouvons, du fait de notre relégation dans la vieillesse, hors du coup.

jf, Hyères, 29/01/2023