« J’aime la règle qui corrige l’émotion. J’aime l’émotion qui corrige la règle. » (Georges Braque)
Une amie m’a dit récemment que l’on ne sentait aucune émotion dans le livre co-écrit avec Guy, mon mari depuis 55ans, sur notre contrat de liberté sexuelle au sein de notre couple (Le couple libre, Autobiobraphie conjointe, L’Harmattan, Decembre 2015)
Outre qu’il n’est pas simple de décrire à 75 ans des détails excitants sur nos aventures, je pense que cette amie a fait une confusion entre plusieurs formes d’émotions.
Il est évident que l’on ne décide pas de faire l’amour avec des hommes (ou des femmes) pour se conformer aux termes d’un contrat. Bien sûr, nous fûmes amoureux, terriblement attirés par certains de nos partenaires.
Mais Guy était l’homme avec qui je voulais vivre le quotidien, la durée, l’instant, la maternité, les engagements et même si comme tous les couples nous eûmes des orages, cet amour, cette complicité entre nous qui dure depuis plus de 55 ans a suscité de belles émotions.
Mon amie confond les émotions qui abolissent toute règle et l’émotion qui fonde un engagement .
La liberté n’est pas la possibilité de faire n’importe quoi quand on le souhaite sans tenir compte de l’existence et de la sensibilité des autres.
Nous avons choisi cette vie de couple, parce que nous pensions qu’il ne suffit pas de vouloir changer le monde si l’on n’est pas capable de changer les rapports d’appropriation au sein de cette première cellule sociale qu’est un couple. Nous savions bien sûr que la jalousie existe mais nous espérions aussi qu’il était possible de lutter contre ses aspects les plus repoussants, contre les émotions sordides qu’elle peut déclencher.
Mais- contradiction parmi d’autres-nous avons toujours su que l’être humain n’est pas qu’un être naturel, qu’il doit lutter contre ses tendances irrationnelles, qu’il doit s’imposer des limites, des règles qui rendent la vie sociale possible.
La liberté est fondamentale mais elle n’est pas une fin en soi. Elle trouve ses limites dans la liberté d’autrui. Elle se négocie. Et la négociation aboutit forcément à des compromis.
Nous allons revenir sur le sale rôle que peuvent jouer les émotions « négatives », irréfléchies sur le fonctionnement des groupes sociaux et plus généralement sur la vie démocratique.
Y-a-t-il un fil ténu qui relie nos « émotions » à nos comportements sociaux et politiques ? Essai de réflexion sous forme de feuilleton.
Cette photo a été publiée sur Slate.fr.(Agence Reuters)
Notre époque est inquiétante : Attentats barbares, féminicides physiques et mentaux, montée des extrémismes de droite, populisme de gauche (?), Brexit, démagogie, phénomènes Trump, Boris Johnson, Orban, Erdogan etc…,accueil déplorable des migrants, racisme, antisémitisme, casseurs…
On réclame à « Nuit debout » la démocratie directe mais on la refuse quand elle vous est défavorable.
Ce que j’ai décidé d’appeler ici Les émotions négatives semblent prendre le pas sur la raison, le dialogue, l’écoute, le compromis, avec la complicité de dirigeants ou d’aspirants au pouvoir.
Le terme EMOTION vient du latin « ex movere », c’est à dire, « Mouvement vers l’extérieur : C’est un état affectif intense (nous dit Le Petit Robert) caractérisé par une brusque perturbation physique et mentale, où sont abolies en présence de certaines excitations ou représentations très vives, les réactions appropriées d’adaptation à l’évènement. »
Bien sûr il y a de belles émotions, comme celles que l’on a devant un paysage, un enfant, un animal, un être aimé, une musique, un tableau, un livre, une voix…Il y a des émotions tristes, devant la mort, la maladie, la misère…
Il ne s’agit pas de s’opposer aux émotions (ce qui n’aurait aucun sens) mais d’apprendre à les gérer, à leur fixer des limites. Elles ne doivent pas nous empêcher de penser ni d’agir en conformité avec notre idée de ce qu’est un être humain responsable.
Dans les articles qui suivent je vais revenir sur différents exemples : le couple,les amis, les associations, les partis, les groupes ethniques.
Je tenterai d’analyser la continuité ou la solution de continuité entre nos émotions et nos comportements, entre l’absence de règle qui définit nos émotions et la règle de droit.
Tentons une première affirmation : le narcissisme est la première des émotions. Il est nécessaire à tout être humain pour exister. il devient une calamité quand il en arrive à la négation d’autrui et du monde extérieur.
A suivre…
La gauche perd un Homme remarquable : Hommage à Michel Rocard
J’ai adhéré au PSA en 1959. J’avais 19 ans. Je ne pouvais pas adhérer à la SFIO, alors que ses dirigeants, notamment Guy Mollet et François Mitterand, faisaient la guerre en Algérie, contre l’indépendance de ce pays colonisé depuis 1830.
J’ai tout appris à cette époque de ma vie (malgré les désaccords entre courants qui ne m’intéressaient guère), à réfléchir, à refuser les extrémismes, à accepter que le communisme puisse aboutir à une forme de fascisme. Grâce à Rocard, j’ai été confortée dans ma révolte contre les injustices, dans ma certitude que seul le dialogue permet de réformer en profondeur une société.
De Gaulle ( tardivement, parce que ce n’était pas à la mode à gauche et qu’à 18 ans on veut être comme tout le monde dans « son camp » ), Pierre Mendès-France et Michel Rocard ont été mes maîtres.
Michel Rocard va terriblement nous manquer. Il reste quelques clowns tristes à gauche : Mélenchon, Montebourg, Hamon,…
Si les partisans de la deuxième gauche, existent au PS ou ailleurs, c’est le moment de se réveiller,de ne pas avoir peur, de ne pas aboyer avec les démagogues, de jouer des coudes sans se trahir, de s’imposer par leur intelligence, de ne pas tolérer d’être écrasés par les appareils et surtout d’assumer des réformes pour les plus démunis, les réfugiés, les exclus, dans le cadre d’une économie de marché régulée, à l’échelle du monde ou au moins de l’Europe..
L’actuel gouvernement a fait quelques réformes intéressantes. il a traversé des orages terribles.Mais ces réformes ont été faites sans vision à long terme, sans pédagogie, dans le désordre.
Michel Rocard a instauré le RMI mais il a toujours insisté sur la nécessité d’une adaptation de la formation professionnelle qui permette aux bénéficiaires du RMI de sortir de leur statut d’assistés. Cette réforme essentielle est encore à faire, depuis des dizaines d’années.
Pour les prochaines decennies il est vital, si l’on veut éviter la dictature du populisme ou de l’extrême droite, d’inventer un nouveau modèle de société, moins injuste, dans la mesure du possible. Il est essentiel aussi d’expliquer les étapes du projet et son étalement dans le temps.
Les Fâcheux
Ils sont fâchés nos amis anglais, fâchés avec Les institutions européennes, pas avec l’Europe disent-ils.
Il faudrait qu’ils expliquent comment on peut construire l’Europe sans institutions, évidemment lourdes.
La démocratie est bavarde, souvent bureaucratique, lourdingue, mais comme disait le grand Churchill, on n’a rien trouvé de mieux
Ils en ont marre des étrangers, du fric à verser à l’UE …etc.
Ils démontrent par l’absurde la nocivité de la démocratie directe qui attise les penchants démagogiques en hausse un peu partout
Les plus pauvres des Anglais disent aussi leur ras le bol des contrats 0 heure, de la précarité, d’un système de santé dépassé.
Mais la liberté du capital permet le développement, l’emploi…et une forme de démocratie.
Comme disait Léon Blum en 1936, cité par l’excellent Michel Rocard dans Le Point (23 Juin 2016) : » A l’évidence, la situation n’a rien de révolutionnaire, nous ne pouvons être que des loyaux gérants du capitalisme » Cela ne l’a pas empêché de faire des réformes essentielles.
Douter, dialoguer, écouter, faire des compromis,patauger dans nos contradictions et trouver une issue correcte sans être enthousiasmante, négocier, se résigner à un capitalisme régulé, à une Europe mal foutue mais qui a le mérite de réunir les peuples… Dans l’état actuel de la triste condition humaine, narcissique, identitaire, communautariste, raciste, qui peut dire que l’on peut construire une société plus juste en dehors du règne des marchés ?
Mélenchon , admirateur de Chavez ( bravo pour sa vision à long terme), a la solution : LUI…Et si l’on n’en riait, il faudrait en pleurer.
Dialogue entre ma « gauche » et ma « droite »
Ma gauche : Le Droit du travail repose sur le lien de subordination entre les patrons et les salariés. Ce droit est fondé sur la défense des faibles. L’article 2 de la Loi El Khomri remet en cause cet équilibre en inversant la hiérarchie des normes. Ainsi dans les entreprises sans représentants du personnel, le patron pourra faire n’importe quoi.
Ma droite : L’économie politique de nos sociétés est en train de changer : concurrence accrue des bas salaires grâce à la mondialisation, individualisme croissant, « Uberisation » des entreprises …. Nous devons nous adapter ou mourir. Et en cela l’article 2 permet à de petits établissements de négocier des changements en souplesse.
Ma gauche : Ce que tu appelles la souplesse ne peut jouer que contre les plus faibles, les précaires, les salariés des petites entreprises, les boîtes où il y a de la répression syndicale. Je souhaitais ardemment la construction européenne et le développement des pays « émergents » mais ces deux évolutions se sont faites dans l’intérêt du libéralisme sans garde-fous.
Ma droite : C’est une phase indispensable. Penses-tu comme l’extrême droite et une certaine extrême gauche qu’il faille refuser cette Europe, alors qu’elle nous permet des espoirs de paix ! Et dans les pays émergents, petit à petit les salaires augmentent, les revendications sociales se font entendre. C’est mieux que rien.
Ma gauche: Si les syndicats étaient forts et réformateurs, on pourrait parier sur des accords d’entreprise pas trop défavorables aux salariés mais ce n’est pas le cas en France. C’est un fait historique que l’on ne peut pas changer d’un coup de baguette .
Ma droite: Justement, au lieu de faire semblant d’être forts en mettant en avant les vieilles fédérations, la CGT devrait se poser la question du chèque syndical ou du prélèvement à la source de l’adhésion à un syndicat. Un syndicalisme qui représenterait plus de 6 à 8% des travailleurs aurait la possibilité de négocier de bons Accords d’entreprise, tout en tenant compte avec réalisme de la situation économique de l’entreprise.
Etc, Etc ….
Comme dirait Maître Yoda, « La sagesse tu dois chercher et des vieilles structures de pensée, tu dois sortir »
Les (vieilles) reines du shopping
Comment s’habiller, se maquiller, se coiffer, quand on a dépassé 70 ans ?
L’importance de ce problème n’échappera à aucune vieille dame quels que soient ses revenus.
Aujourd’hui, je vous propose quelques uns de mes choix.
1/ Garder ses cheveux blancs et ne pas les recouvrir d’une couleur improbable qui ne correspond pas au visage
2/ Ne pas se maquiller. Tout maquillage fait ressortir les défauts, les creux et les bosses. Une touche de rouge à lèvres discrète suffit
3/ Ne pas porter de hauts talons, qui empêchent toute marche normale.
4/ Porter des vestes ou manteaux avec des poches qui permettent d’éviter le sac que l’on serre bêtement contre soi dans le métro
5/ Porter des jupes ou des robes s’il fait chaud et oublier vos trous, bosses, veines sur vos vieilles jambes. Après tout, ce sont uniquement les autres qui les voient!
6/ Plus généralement, porter des pantalons noirs ou des jeans pas serrés (29euros99 à Monoprix)
7/ Colorer la tenue avec des hauts colorés. Voici trois échantillons de mes sweat-shirts (autour de 10 euros sur Internet et chez HetM)
Ceci est un essai de blog sur la mode pour diversifier mon lectorat.
Je ne suis pas sûre que ça va marcher !
Dialogue de sourds
Machin : Ce gouvernement est nul. Hollande devrait démissionner. C’est un imbécile, un bureaucrate, un énarque coupé du monde…
Truc : Tu exagères peut-être un peu…
Machin : Tout le monde est d’accord avec moi
Truc : Pour moi, il y a une question de fond : comment faire basculer la France dans une autre étape de l’histoire…
Machin : Ah oui, je vois, tu es du côté des mondialisateurs/moralisateurs! Bravo
Truc : Je comprends mal la haine à l’égard de Hollande
Machin : Tu es bien la seule
Truc : Et tu vas voter pour qui ?
Machin : j’hésite…Juppé sans doute
etc, etc
Ce doit être encore la vieillesse : Je ne comprends rien à ces manifs
Couverture de notre livre : »Le militant contradictoire » publié en 2004.
Déja en 2004, comme le montre ce dessin, certaines manifs dont je voyais la fin Place de la Nation me laissaient pour le moins dubitative
Mais les dernières manifs contre la loi El Khomri m’énervent carrément.
Est-ce l’amertume de la vieillesse ? Ou y-a-t’il une raison à cette indifférence coléreuse ?
Certes je comprends que les jeunes aient besoin de se révolter, que la CGT et FO aient à reconquérir un électorat fuyant etc
Je comprends aussi que l’absence de pédagogie, de dialogue de la part du gouvernement suscite une révolte (méritée) contre la classe politique en général.
Mais quand j’entends des manifestants dire : » Avec cette loi, les patrons pourront faire des accords d’entreprise au détriment des salariés et sans tenir compte des conventions collectives », je ne sais plus à quel Droit du travail me vouer.
Un accord d’entreprise se négocie au niveau de l’entreprise entre patrons et syndicats représentatifs. Bien sûr cela nécessite des syndicats, avec des adhérents et un patron qui acceptent de trouver un accord, qui sera peut-être un recul, (le terme réforme n’est pas adapté ) mais permettra à l’entreprise, de passer un cap.
Ce doit être la vieillesse…à moins que la langue de bois ne soit pas l’apanage de la seule classe politique.
Migrants : nouvelles des préfectures
C’est une petite sous-préfecture de l’Ile de France.
C’est un jeune homme venu d’Afrique non francophone qui est arrivé en France à l’âge de 14 ans et y a fait toute sa scolarité.
Depuis quatre ans, il demande une carte de séjour.
Entré en France avant seize ans, pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance, ayant suivi un cursus scolaire, parlant parfaitement le français, Il a droit à cette carte selon le Code des étrangers
Mais voila, depuis quatre ans, on lui réclame un passeport et les preuves de dix ans de présence
Je l’accompagne. Il y a deux femmes à l’accueil : celle qui nous reçoit réclame le passeport, les preuves etc… Il n’a ni l’un ni l’autre
Elle dit : sans cela vous ne pouvez pas avoir de carte
Je lui lis l’article qui donne le droit à ce jeune homme d’avoir sa carte, de pouvoir travailler, et de ne pas être expulsable. Elle reste fermement campée sur ses positions.
Au moment où nous commençons à désespérer, sa voisine lui dit qu’elle va s’occuper de nous.
Elle a écouté. Elle a compris que depuis quatre ans ce jeune homme correspondait à un mauvais code et qu’il fallait le changer de code; Elle s’en occupe. il va avoir sa carte après quatre ans de galère.
A quoi tient une vie de migrant ?
Une après-midi à Nuit Debout
Il faisait beau et chaud ce vendredi 6 mai place de la République à Paris
J’avais quelques légers préjugés négatifs en y arrivant. Blabla, sectarisme, ignorance, petits chefs etc
Il y avait bien l’inévitable hystérique qui réclame le micro en hurlant que les « flics » veulent reprendre la place de la République, le prof d’Economie qui ne peut plus s’arrêter de parler et qui se la pète, le sidéen enturbanné et voilé qui parle de vagins(!), les représentants syndicaux qui appellent à la grève générale à la poste…dans les Hauts de Seine, les féministes et LGBTQPAI…(?) un peu parano et bien sûr le drapeau palestinien…
Mais il y a aussi et c’est l’essentiel, cette gaieté, cet enthousiasme, cette organisation mal foutue, ces cours de boxe pour les femmes, une égalité hommes/femmes, cette jeune fille qui en rigolant explique qu’elle est responsable des tracts mais qu’elle en a marre de rédiger des trucs que personne ne lit, cette autre jeune femme qui rappelle au début de l’Assemblée générale les gestes à faire quand on est d’accord, pas d’accord, que l’on s’ennuie, que certains propos sont sexistes ou racistes ou homophobes et qui évoque le respect de l’autre et la civilité comme des conditions indispensables au dialogue
Alors, peu importe ce qui en sortira ou pas
L’important, ce sont ces gens qui se parlent, toutes générations confondues et qui n’ont pas renoncé à rêver.