C’était l’autre matin sur France Inter.
L’invité était Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT.
En ces temps de confusion, on aurait souhaité entendre un exposé serein sur le réformisme syndical, en réponse à des questions intelligentes et dépourvues d’agressivité de la part des journalistes.
Que nenni ! Patrick Cohen, que nous avons connu mieux inspiré, endossait des habits révolutionnaires et accusait Laurent Berger et la CFDT d’être les fossoyeurs du progrès social et les thuriféraires du patronat.
Le pauvre Laurent Berger acculé à une position défensive, avait du mal à garder son sang froid et l’on sortit de cet échange mal informé, en colère contre ces journalistes qui confondent questionnements et agressivité, frustrés de ne pas avoir pu les interpeller sur leur méconnaissance des problèmes du syndicalisme français, du droit du travail , de son application et de l’indispensable négociation entre le patronat, le gouvernement et les représentants des salariés.
Nos journalistes révolutionnaires, atteints de la maladie infantile du socialisme, le gauchisme, savent-ils que dans le secteur privé 5% des salariés sont syndiqués;
Que faut-il faire dans ce pays pour parvenir au niveau de relative harmonie des rapports sociaux dans les pays scandinaves ?
C’est l’une des questions essentielles, parmi beaucoup d’autres, que nos journalistes BCBG ont oublié de poser.
La vieillesse pour les nuls (10) : La vieille dame qui voulait rester debout.
Avant de clôturer cette mini-série sur la vieillesse, je vais vous raconter une anecdote qui illustre bien les contradictions entre « être vieux » et « être regardé comme un vieux ».
L’autobus est comble même pour une fois jusqu’au fond. Je me suis réfugiée auprès d’une dame assise sur un strapontin.
Une vieille dame monte. Elle est munie de deux cannes de randonnée. Elle porte fièrement une casquette sur ses cheveux blancs.
Une jeune femme lui propose sa place. Elle se retourne vers elle, furieuse et éructe : « Non merci, j’étais contente parce qu’aujourd’hui, personne encore ne m’avait cédé sa place. Vous fichez tout en l’air, » termine -t-elle, sans sourire,en s’adressant à la jeune femme compatissante.
La foule s’émeut, sourit, ou regarde ailleurs.
Ma voisine sur le strapontin commence à se plaindre des problèmes de sièges dans les transports en commun. C’est vrai que chez les vieux, il y a autant d’emmerdeurs que chez les moins vieux !
C’est alors qu’un homme s’approche de nous deux et déclare avec une certaine agressivité : « De quoi vous plaignez-vous ? Au moins vous , vous avez une retraite. » Certains dans l’autobus approuvent. La plupart regardent fixement leur téléphone portable.
Aux luttes ancestrales, lutte des classes, lutte des sexes, luttes identitaires, faut-il ajouter la lutte des âges de la vie ?
Comment fait-on pour ne pas se perdre dans les contradictions ?
La vieillesse pour les nuls (9) : soyons honnête : être vieux, ce n’est pas une sinécure !
Le fait que le regard des autres vous fige dans une catégorie : »vieille moche et dépassée » ne signifie pas que la vieillesse soit une période exaltante de la vie.
Les ennuis de santé se multiplient, Le moindre mouvement fait souffrir parfois, s’asseoir sur une plage relève de l’héroisme. Tout fout le camp, les yeux, les oreilles, l’odorat,la mémoire, la sexualité …etc, et il est inutile de nier que l’on devient de plus en plus désagréable à regarder.
J’ai souhaité illustrer ce petit article par cette sculpture que mes jeunes collègues m’avaient offert lors de mon départ à la retraite. Devant mon effarement, l’une d’entre elles avait dit quelque chose comme : »Il faut assumer la réalité »
Je partage cette opinion. Mais il y a une différence entre ce que l’on peut assumer soi-même, grâce à la sagesse, à la recherche de « l’ataraxie » (Epicure) ou la tranquillité et ce que l’on subit de la part des autres.
Avoir un handicap est dur à supporter, mais ce qui le rend encore plus insupportable, ce sont les regards de pitié, l’évitement, la peur, l’absence d’amis dits « normaux ». C’est la même chose pour les vieux : la forme d’exclusion qu’ils subissent, cet entre-soi déprimant, cette impossibilité sociale à montrer ou à exercer sa liberté, rendent l’état de vieillesse beaucoup plus insupportable qu’il ne l’est réellement.
Le reste dépend de la réflexion de chacun et notamment des jeunes adultes sur leur rapport à ce passage inéluctable vers la mort qu’est la vieillesse.
La vieillesse pour les nuls (8): la catégorie « mamie »
Je me promène avec ma soeur dans Paris. Nous avons mis nos belles doudounes. La sienne est orange, la mienne est noire. Nos chevelures blanches sont à peu près identiques. Ma soeur est une marrante. Nous rions de concert. Quelques jeunes adultes, notamment des femmes, nous regardent avec ce sourire attendri que l’on pose sur les chiens ou les enfants.
Il m’énerve ce sourire. (On me dit que j’ai tort d’être énervée. Sans doute faudrait-il être plus cool. J’ai toujours milité pour la dignité des êtres humains, quelles que soient leur apparence, leurs origines, leur religion, leur âge…etc. On ne se refait pas)
Un petit garçon fonce vers nous en trottinette. Sa maman lui crie : « Fais attention aux mamies ! »
Il parait que c’est gentil.
Non, ce n’est pas gentil. C’est une catégorisation qui peut être excluante. Je le répète à l’envi dans ce blog: les catégories m’ont toujours posé problème : LES femmes, LES juifs, LES Arabes, LES musulmans, LES handicapés, LES hommes etc…Il y a DES… tous et toutes différents. Il y a des êtres humains. C’est tout et c’est beaucoup. J’ai la prétention d’en faire encore partie même à 75 ou 90 ans..
Il semble que pour certains, accepter la vieillesse soit impossible ou alors, il faut lui donner une fonction sociale.Celle de « mamie » est parfaite. Elle rassure les jeunes adultes et elle est utile.
C’est encore Simone de Beauvoir qui dans son remarquable ouvrage sur : »La vieillesse » dit : « On ne s’intéresse au matériel humain que dans la mesure où il peut servir »
On peut trouver qu’il s’agit d’une formule désuète. Elle me parait au contraire très actuelle
PS : Ni ma soeur, ni moi n’avons de petits enfants. Désolée
La vieillesse pour les nuls (7) : l’impossible transmission
Soit, quand vous quittez votre travail pour partir à la retraite, vous êtes un peu connu ou très connu (dans un tout petit milieu…) soit, malgré vos travaux, vos articles, votre participation sérieuse et continue aux activités de votre entreprise ou encore de votre université, vous partez dans l’anonymat. C’est le cas de 98% des gens
Dans le premier cas, soyez sûrs que l’on fera appel à vous après votre départ, que l’on vous écoutera doctement dans ces interminables réunions de travail ou dans des colloques plus ou moins intéressants. Dans le second cas, vous ne serez plus invités tout simplement. Et si vous hantez néanmoins les réunions ou les séminaires, on ne vous demandera rien et vous sortirez de là humilié et vraiment vieux.
Une collègue, qui se situe dans le premier cas de figure, à qui j’exposais ma légère amertume à ce propos me répondit : » C’est normal, les jeunes veulent se réapproprier les savoirs. » Sans doute.
Mais je ne peux pas m’empêcher de me poser cette question : Comment peut-on se réapproprier une histoire que l’on connait si mal ?
N’est ce pas plutôt, pour nos jeunes ou moins jeunes collègues, un banal besoin de reconnaissance qui s’accommode mal de trop de concurrence !
Un conseil pour les retraités : N’allez pas dans ces lieux qui vous nient, fuyez, faites du bénévolat et ne vous en faites pas si vous avez l’impression que ce que vous avez tenté de transmettre pendant 40 ans de vie active soit à jamais perdu.
Quand on vieillit, il faut éviter d’ajouter aux rides des rides d’amertume.
La vieillesse pour les nuls(6) : la fille qui n’aimait pas les vieux
La scène se passe dans une émission de télévision animée par Nagui, à midi sur la Deux: « Tout le monde veut prendre sa place ».
Chaque participant au jeu doit raconter uns histoire drôle qui lui est arrivée.
A cette heure là, le public est composé à 80% de personnes de plus de 70 ans.
La jeune candidate raconte l’histoire suivante : avec ses copines, elles avaient décidé de partir en vacances au soleil, dans un grand hôtel.
Tout se présente à merveille.
Puis, elles débarquent à l’hôtel en question qui est magnifique.
Mais quand elles regardent autour d’elles, catastrophe ! L’auditeur imagine des cafards, une réunion de la maffia chinoise, des salafistes enturbannés…Non, ce qu’elles voient autour d’elles, ce sont des vieux, certains avec des déambulateurs, d’autres avec des cannes…
Tout le monde s’esclaffe devant une telle vision d’horreur racontée sans aucun humour.
« Rien n’est plus imprévu que la vieillesse » Simone de Beauvoir in « La vieillesse, Gallimard, 1970
La vieillesse pour les Nuls (5): un nouveau challenge : essayer des chaussures
Je me souviens de mes parents me disant que si je ne travaillais pas bien à l’école, je deviendrais vendeuse de chaussures, le comble de l’humiliation.
Je me souviens d’avoir été gênée quand les vendeuses assises sur le petit banc à mes pieds, m’aidaient à enfiler des chaussures.
Puis je me souviens de la première fois où j’ai voulu acheter des bottillons avec cette fichue arthrose dans le dos.
La « technicienne de vente » me regardait me contorsionner du haut de ses 175 cm. Elle ne comprenait pas que mes pieds étaient soudainement devenus hors d’atteinte. Je n’étais pas sûre de comprendre non plus.
je suis sortie de la boutique, humiliée et furieuse contre la disparition de ces petits bancs de ma jeunesse.
La vendeuse a dû penser que j’étais une vieille emmerdeuse qui cherchait à s’occuper, incapable d’imaginer que si elle m’avait juste un peu aidée, je me serais ruinée dans sa boutique !
Comme dit mon toubib favori : « c’est de l’arthrose, rien à faire. »
La vieillesse pour les nuls (4) : la visite chez le médecin
« Alors, qu’est-ce qui ne va pas encore ? »
je sens dans ma main le petit post-it où j’ai noté toutes les questions que je voulais lui poser : un doigt de la main qui se replie dans la nuit, les légers vertiges, les palpitations etc…Je le cache précipitamment dans ma poche.
« Tout va bien docteur, je viens comme d’habitude pour le renouvellement de mes médicaments, puisque vous ne pouvez pas soi-disant me les donner pour plus de trois mois! « (Non mais…)
« Non évidemment, c’est interdit et à part çà, comment va votre mari ? »
« ça va, ça va…moi j’ai très mal à la main et…. »
« Arthrose, rien à faire… »
« Ah bon, et les palpitations ? »
« L’angoisse, rien de grave. C’est tout ? »
Il tape sur son ordinateur sans me regarder, imprime l’ordonnance et murmure : »Carte vitale »
« Vous avez toujours mes directives pour mourir dans la dignité ? »
« Elles doivent être quelque part par là… »
Je pense : »Mais avant de mourir dans la dignité, ce serait possible de vivre encore un peu sans être trop enquiquinée par l’inévitable usure de la vieillesse ? » mais je ne dis rien.
Il me semble que quand j’étais plus jeune, les médecins prenaient ma tension, écoutaient mon coeur…ça doit être passé de mode!
Mais ne vous y trompez pas. Il est sympa ce médecin.
Je crois que la vieillesse l’ennuie. Moi aussi
La vieillesse pour les Nuls (3) : Moi, Damart : jamais !
Vous y alliez d’abord avec votre maman, puis sans elle quand elle n’a plus pu sortir, pour lui acheter des chemises de nuit, des pantoufles.
Vous preniez des airs un peu supérieurs : »Non, je ne sais pas exactement la taille, ce n’est pas pour moi. »
Vous vous juriez que vous ne mettriez jamais les pieds dans cette arche pour très vieilles dames quand votre mère ne serait plus de ce monde.
Mais ils vous ont repéré : Vous avez reçu des catalogues que vous avez commencé par jeter sans les regarder.
Et puis ils vous ont flatté, offert des cadeaux, des vestes chaudes, des montres moches.
La première fois que vous y êtes entrée sans le prétexte de votre maman très âgée, vous êtes allée directement au rayon chaussures et vous y avez trouvé la chaussure qui ne blesse pas trop le fameux « hallus valgus ».(si vous ne savez pas ce que c’est, savourez votre bonheur!)
La deuxième fois, vous vous y êtes promenée, comme dans un magasin normal et vous y avez trouvé la culotte idéale maximoche mais maxi-confortable, mais bon…
Maintenant, vous êtes devenue une cliente « très privilégiée » qui accumule les cadeaux.
Vous y entrez mécaniquement.
Vous évitez juste de trop prêter attention aux clientes, les mères avec leurs filles, puis les filles seules, puis les très vieux couples fragiles.
Le cap est passé.
A bientôt chez Damart