Vive la joie et la liberté !

Dans cette époque où le puritanisme guette, où la joie de vivre est attaquée, ce livre écrit à quatre mains sur 55 années d’une vie de couple, sexuellement libre sans adultère, entend juste montrer que partager le même idéal de liberté, est l’un des gages de « réussite » d’un couple libre.
Nous n’entendons en aucune manière donner la leçon dans ce petit ouvrage autobiographique, juste témoigner d’une expérience de vie fondée sur la liberté, le respect et la sincérité.
RÉGINE ET GUY DHOQUOIS

(Vous pouvez le commander chez l’Harmattan sur le site :www.editions-harmattan.fr pour la somme de 13 euros)

« L’homme irrationnel »

Après les larmes, la colère, les bougies, les fleurs, la Marseillaise, l’agitation politique souvent digne parfois odieuse (celle de la droite à l’Assemblée nationale le lendemain de la réunion du Congrès à Versailles), vient le temps des commentaires :

Michel Onfray veut que l’on reconnaisse l’existence de l’Etat islamique et que l’on fasse la paix avec Daech
Certains cherchent des bouc-émissaires : l’Amérique bien sûr, l’invasion de l’Irak en oubliant, comme Onfray, que la France n’était pas partie prenante de cette guerre-, et enfin, last but not least, Israël et sa politique de colonisation.
D’autres critiquent l’attitude ambigue de l’Occident vis à vis de l’Arabie saoudite et du Qatar tenants d’un Islam rigoriste.
Régis Debray et beaucoup d’autres ciblent l’abandon des banlieues, la perte de notre imaginaire historique, l’obsession de l’argent, une société sans rites et sans credo, une société du « Tout à l’Ego ». Alain Finkelkrault poursuit son obsession monotone : le saccage de l’école. Et ces deux « philosophes » de conclure qu’il faut retrouver un peuple avec son histoire propre (Je préfère ne pas savoir ce qu’ils mettent sous cet adjectif)
On sent aussi poindre chez certains l’incompréhension : En Janvier 2015, Daech avait des cibles précises : les humoristes et les juifs.
certains pouvaient dire « Je ne suis pas Charlie » et penser secrètement ou pas que et les dessinateurs de Charlie et Les Juifs, forcément assimilés à Israël, l’avaient bien cherché!
Il est indispensable de commenter, de chercher à comprendre à condition d’éviter le ton condescendant de certains de nos intellectuels de pacotille, les affirmations erronées voire criminelles, les analyses qui ne laissent aucune part au Doute et désignent avec certitude LES responsables.
Je ne sais pas qui sont les responsables « indirects ». En revanche, je sais que le XX° siècle a inauguré les génocides et que dans tous les cas, nous connaissons les auteurs de ces crimes abjects.
Je sais que nous ne vivons pas la fin de l’Histoire mais que nous y sommes en plein
Je sais que les premiers responsables sont ces barbares de Daech, leur vision apocalyptique de l’Islam et qu’il faut les éradiquer
Je sais aussi que les Abaoud et consorts étaient issus de la classe moyenne et n’étaient pas de pauvres sans-papiers désespérés.
Je sais enfin que l’un des enjeux essentiels des crimes commis au nom de l’Islam , est la liberté des femmes.
J’affirme qu’il y a des guerres justes, comme celle contre Hitler et le nazisme, contre les Khmers rouges, contre les hutus génocidaires, contre les fous qui s’autorisent à tuer ceux qui ne sont pas d’accord avec eux.
Je crois que seule l’irrationalité, la perversion de certains radicalismes religieux mais aussi la frustration, l’envie, sont aussi à l’origine de ces terribles boucheries.
Tuer des innocents parce qu’ils ne sont pas comme vous est une abomination qui n’a aucune explication rationnelle.

Bravo à Woody Allen pour son film prophétique  » l’Homme irrationnel ». On y voit un enseignant malheureux , frustré, sauter sur le premier prétexte venu pour se donner une raison de vivre en tuant un juge qui aurait été injuste avec une femme, d’après une vague conversation entendue par hasard. Cet homme insignifiant devient un vengeur…pitoyable

Citons aussi cette merveilleuse réplique de Jean Louis Barrault dans « Drôle de drame », chef d’oeuvre d’humour noir (1937) de Marcel Carné et Jacques Prévert : » J’aime les animaux et comme les bouchers tuent les animaux, je tue les bouchers »

Aujourd’hui j’avais piscine : un poste d’observation privilégié de l’incivilité

J’ai vaincu mes appréhensions, peu aidée en cela par Internet qui véhicule des méchancetés sur les piscines municipales.
Celle que j’ai trouvé à Reuilly Diderot est propre. Il n’ y a pas trop de monde. Des maîtres-nageurs sont langoureusement assis et regardent au loin. c’est rassurant !
Je me lance dans ma brasse apprise il y a 60 ans, la tête hors de l’eau et les vertèbres cervicales tendues. Tout à coup heureuse de me trouver là, je demande à l’un des maîtres nageurs, assis un peu plus loin, s’il pourrait me donner des leçons pour apprendre à nager sur le dos. Je suis suspendue au bord de la piscine et ma voix est faible. Ils n’entendent pas mais ne font pas un geste pour s’approcher de moi. Je hurle. Ils me répondent que les leçons, c’est entre 7h et 8h du matin. Je crie : « pourquoi pas maintenant » . Impossible disent-ils. Ah bon ? Pourquoi ? Je ne le saurai pas.
Tant pis, je vais continuer ma brasse. Et Plouf, un mec me bouscule. Sa spécialité c’est une sorte de crawl sur le dos qu’il a dû apprendre avec le même prof que moi. Bref, il ne maitrise pas. J’avale de l’eau et je suis sur le point de paniquer. Je ne pense pas qu’il se soit excusé. Je continue tout en surveillant du coin de l’oeil deux petits mômes au bord de la piscine; Et plouf, ils ont plongé à 50 cm de moi. Non, je suis bien je ne vais pas être agressive, même si mes yeux me piquent méchamment.
Il y a un couloir réservé aux leçons (celles qui ne peuvent pas avoir lieu), deux couloirs réservés aux bons nageurs de crawl qui par définition ne doivent pas être gênés et les deux nôtres pour le tout-venant : enfants sauteurs, vieux qui nagent mal, mecs qui se la pètent, vieilles dames précautionneuses.
Ce bordel ne réussira pas à me mettre de mauvaise humeur même si un tout petit peu d’attention à l’autre pourrait améliorer les choses. Dans les 20 cm ou mes 150 cm ont pied, je demande au mec qui nage le crawl sur le dos comment il fait pour ignorer qu’il y a d’autres gens sur terre (et sur l’eau) que lui. Il me répond que nous sommes dans un lieu public et qu’il est libre de faire ce qu’il veut et que si ça ne me plait pas ….
Pas la peine de philosopher. Je décide d’inaugurer ma fameuse nage sur le dos qui consiste à s’agiter …sans avancer. Je heurte une gentille jeune femme enceinte qui arrivait avec grâce. Je me confonds en excuses. Elle m’ignore et repart avec grâce.
Alors, je fais mes 20 longueurs en circulant entre les plongeurs, les nageurs sur le dos, ceux qui changent de file sans prévenir.Il n’y a pas de code de la piscine.
La piscine est un microcosme où il fait bon observer l’élégance des rapports sociaux.
Quelle différence y- a-t-il entre ces incivilités et celles qui finissent par un tabassage en règle pour un regard de travers ?
c’est le fil ténu entre ces comportements quotidiens et anodins et la négation totale de l’autre qui me passionne.

Une journée de merde

Elle commence par un accompagnement d’une jeune femme migrante en préfecture à Paris. On a dû oublier de dire au personnel qu’il fallait être accueillant ou si on leur a dit, ils ont oublié ou ils ont pensé que c’était seulement avec les Syriens.
C’est l’après-midi. Nous avons rendez-vous. Il est 13h30. Comme le personnel n’est pas encore arrivé et que je suis fatiguée, je m’assois sur le seul spot disponible, le côté du Monument aux morts.Une jeune femme passe et n’ayant cure de mes cheveux blancs, me demande de me déplacer. C’est choquant dit-elle. Vers 14h, le personnel-dont cette jeune femme fait partie- commence à arriver. Assises à l’intérieur,seules, nous entendons les employées bavarder et rire derrière le mur du fond. 14h45. Nous sommes appelées. La jeune femme vient probablement d’arriver de nulle part car elle semble ne pas connaitre le ba-ba du droit des étrangers. Ses deux voisines viennent l’épauler en nous regardant de travers. Sur le tout petit espace dévolu aux « sans-papiers » pour poser leurs innombrables preuves d’existence, la dame tente de sortir le bon papier au moment où notre apprentie guichetière chaperonnée par les deux autres qui lui donnent des ordres contradictoires, le lui demande.

jeune migrante cherchant ses papiers dans une préfecture
Certains de ces précieux papiers tombent par terre. Je les ramasse. Au moins, j’aurais servi à quelque chose dans ma vie. Vers 15h, on nous dit que La Chef de Bureau va étudier le cas qui n’est pas clair… Après tout, cette dame a travaillé depuis plus de cinq ans, produit les fiches de paye et un contrat de travail. C’est louche, non ?
Nous allons nous réinstaller dans la salle d’attente. Nous discutons sur la France/Afrique. Vers 15h30, on nous appelle. La Chef a décidé d’étudier ce dossier de plus près. Elle ne remettra plus de récépissé à la dame. Nous aurons la réponse dans un mois…dans un an ? Je demande à voir la Chef. Impossible me dit la jeune apprentie qui a pris de l’assurance. »
Le Code des étrangers exige de remettre un récépissé à chaque dépôt de dossier » dis-je. Elle nous demande de dégager. Après Quatre ans de situation régulière en France, la guerre dans son pays, l’horreur,la dame sourit et dit : « C’est une nouvelle période de ma vie qui commence, je n’ai plus d’existence légale! »

Bon, pour me distraire, je décide de faire un peu de shopping.
Je vais au BHV pour acheter un cendrier. J’erre pendant de longues minutes. Je finis par demander à un jeune vendeur qui me répond avec mépris : »Madame, nous ne faisons pas ce genre d’articles » Quelque chose m’a sans doute échappé. Il doit y avoir une nouvelle loi avec ses décrets d’application qui interdit de fumer chez soi!
Je décide d’essayer des bottes. C’est une expérience annuelle qui aboutit depuis vingt ans au moins à un échec ou à un achat inutile.
J’expose mon problème au vendeur à savoir que je n’arrive jamais à fermer la fermeture éclair qui bloque sur mon mollet certes rond mais pas tant que ça. J’en essaye plein…qui bloquent toutes au mollet. Le vendeur pas du tout contrit me dit qu’il ne peut vraiment rien faire pour mon cas ! Je me demande si je suis la seule à avoir ce problème. Mais comme il n’y a pas de commentaires sur ce blog, je ne le saurai pas.
Je prends le métro. J’ai mal partout. Ma sciatique s’est réveillée. Personne ne se lève. Mes copines me rassurent en me disant que je fais jeune, mais je ne les crois pas.

Comment ai-je pu croire un instant qu’avec tant de grossièreté et de bêtise, on pourrait un jour construire une société plus juste?

Manifeste du Hutu modéré ou Comment tenter de tirer les leçons de la duplicité de l’Histoire

En 1994, lors du génocide ruandais, pendant lequel les Hutus ont massacré les Tutsis, la pire des situations fut celle des Hutus modérés qui s’attirèrent les foudres des deux camps.
C’est à la lumière de ces évènements, en 1995, que mon mari, Guy, et moi avons eu l’idée de poser quelques pistes d’ordre politique pour les temps à venir, après la chute du Mur de Berlin, et la fin sans gloire de la quasi-totalité des régimes dits communistes.
C’est une base de travail incomplète, inaboutie, un peu désordonnée. Si nous la publions aujourd’hui, c’est aussi pour répondre à la question : Que sont devenus les intellectuels de gauche ? Il est urgent de tirer les leçons de ce drame du XXe siècle, l’assassinat d’un idéal de justice. Cela demande une réflexion approfondie incompatible avec l’exposition médiatique.

1 – Assumer le réformisme
2 – Refus de tout extrémisme. Nous sommes dans l’entre-deux. Il faut tirer les leçons de l’histoire.
3 – Il n’y a pas de perfection. Il y a du moins mauvais plutôt que du parfait.
4 – Dans ce cadre : refus du libéralisme sauvage non contrôlé et refus d’entretenir des espoirs vers un socialisme qui a historiquement et théoriquement échoué.
5- Contrôler les excès du libéralisme. Nécessaire intervention de l’Etat pour les exclus. Minimum de protection du marché intérieur sans nuire à la compétitivité (exercice difficile)
6 – Nécessité de la planification : on ne peut pas tout résoudre en même temps.
7 – Une priorité : un logement décent pour tout le monde: réquisitions, obligation pour les collectivités locales de construire de l’habitat social sans échappatoire possible. Contribution plus importante des entreprises. Création d’associations pour le logement social (modèle anglais).
8 – Arrêter de légiférer. Faire appliquer les lois existantes: exemple du Code du travail qui par le biais des seuils d’effectifs ne s’applique qu’à une minorité de salariés. Insuffisance des effectifs de l’Inspection du Travail.
9 – Face à la nécessaire mondialisation (alter-mondialisation), choisir l’excellence : éducation, recherche, travail bien fait. Mais en même temps assurer une protection maximum des salariés touchés par les délocalisations.
10 – Condamner les alliances contre nature avec l’extrême droite ou avec l’extrême gauche démagogique.
11 – Ouvrir les partis politiques aux femmes, aux immigrés, aux jeunes, aux français d’origine étrangère. OUVRIR, ce qui signifie, limiter la durée des mandats.
12 – On ne peut rien opposer aux passions irrationnelles. On ne peut se battre qu’avec nos armes, celle de la Raison, celle de la Loi, celle de l’application raisonnée du droit, celle du moindre mal.

C’est un combat quotidien, ce n’est pas exaltant. La modération est ennuyeuse, elle ne fait pas rêver, ni faire des cauchemars. Elle est la seule réponse à la folie qui s’empare régulièrement des êtres humains.

Le fossé entre le droit du travail et son application

La non application du droit n’est pas spécifique au droit du travail.
Mais, en la matière, l’inégalité des parties en présence ajoute encore aux difficultés d’application.

LE CORPS DE L’INSPECTION DU TRAVAIL

L’Inspection du travail compte 2236 agents de contrôle qui surveillent 1,82 millions d’entreprises,18 millions de salariés, soit un agent pour 8000 salariés. D’après des syndicats d’inspecteurs du travail qui ont fait grève début 2014, un projet de loi viserait à réduire leur nombre à 2000. Il serait créé en remplacement des actuelles sections d’inspection du travail des Unités de Contrôle réunissant entre huit et douze agents, avec à leur tête des responsables (RUC) pris pour l’essentiel sur les effectifs actuels de contrôle.Les syndicats CGT, FO, FSU et SUD craignent qu’à terme ces responsables d’unités de contrôle n’organisent les actions qu’en fonction de priorités politiques. Ils estiment que cette réforme couperait les inspecteurs des problématiques de terrain et mettrait un terme à l’indépendance des inspecteurs vis à vis du pouvoir patronal et du pouvoir politique.
Sur ces questions je renvoie à l’excellent blog de Thotmania (Blog d’un inspecteur du travail)

L’inspection du travail est chargée de constater par le biais de divers dispositifs dont les mises en demeure et les procès-verbaux les manquements à la législation du travail dans les entreprises. Les chiffres parlent d’eux mêmes : Selon un rapport de la Direction générale du travail réalisé en 2008, sur un total de 230000 interventions, seules 4430 soit 1,93% se sont traduites par la transmission d’un procès verbal. 50% de ces procédures concernaient la santé, la sécurité et 20% le travail illégal. Le reste – la durée du travail, les contrats, les salaires, les Institutions représentatives du personnel, sont à peine présents dans ces procès verbaux.
Que se passe-t-il après ? En matière de sécurité au travail moins de la moitié des PV font l’objet de poursuites pénales. D’après une étude réalisée entre 2004 et 2006, seules 40% des procédures ont été jugées.
Enfin même quand un employeur est poursuivi au pénal il est relaxé dans 25% des cas.
Sachant que la rédaction d’un PV est un exercice difficile et long, ces données ne sont guère incitatives pour les agents de contrôle.

Si les inspecteurs du travail ont du mal à faire appliquer les textes, que dire de syndicats de plus en plus absents du terrain, notamment dans les PME/TPE, ou de salariés dont le droit du travail n’est pas la spécialité !

ELEMENTS DE REPONSE AUX POURFENDEURS DU CODE DU TRAVAIL

Que répondre aux pourfendeurs du Code du travail ? Oui, les 14500 articles du code du travail devraient être plus lisibles. Oui, les conventions collectives ne devraient pas se chevaucher avec des accords d’entreprise qui ne sont pas toujours plus favorables.Oui, cette logorrhée législative est porteuse d’ineffectivité du droit. Mais ce n’est pas en cassant le droit du travail, seule protection des travailleurs contre l’arbitraire patronal, que l’on résoudra le cancer du chômage ou de la précarisation. Les entreprises investiront peut-être plus ( ?) mais les conditions de travail se déterioreront pour une partie des salariés. Serait-ce là un idéal social-démocrate ?
L’Uberisation de l’économie favorise certes la logique libérale, mais elle est aussi le fait de personnes qui souhaitent échapper à ce foisonnement normatif pour ne pas se retrouver au chômage. Contradiction qui demande une réflexion sérieuse.
Je laisse le soin de conclure à l’auteur du blog précité : » Le monde du travail actuel est un creuset où viennent se fondre les aspirations les plus contradictoires et celles-ci en retour, façonnent la règlementation à leur image. Demande croissante de sécurité dans un monde de plus en plus incertain, perfusé par un pouvoir économique dont la logique ne sera jamais soluble dans une quelconque règle de droit. »

On ne peut pas remplacer une réflexion approfondie sur l’évolution du monde, sur les logiques libérales à l’oeuvre après l’échec retentissant des idéaux communistes, sur les contradictions que ces évolutions suscitent, sur les injustices criantes qu’elles génèrent, par un découpage du code du travail qui dans les conditions actuelles risquerait de ne servir que les intérêts du capital.

Faire régresser le Code du travail : un faux problème

Les médias contre l’obésité du Code du travail : dé(sin)formations

Réformer le droit du travail…Le code du travail est obèse…Le droit du travail français est un obstacle à l’emploi etc..C’est le discours ambiant tenu par les patrons, les socio-démocrates, la droite libérale.
Ce discours est alimenté par la presse : par exemple le journal Le Monde daté du 3/10/2015 titre : Laurent Berger : »Le code du travail est illisible ». Or quand on lit l’article, on s’aperçoit que les propos du Secrétaire national de la CFDT sont beaucoup plus nuancés; « S’il y a un code du travail, c’est parce qu’il y a un rapport de subordination entre le salarié et l’employeur. Il y a donc un besoin de régulation, avec des normes que la société doit fixer pour tout le monde…Je dis non au statu quo car le code du travail est illisible pour les salariés et, du coup, il n’est plus respecté. Mais faire croire qu’il faudrait casser le code du travail parce qu’il serait responsable de tous les maux de l’économie, c’est archifaux…J’attends du Rapport Combrexelle qu’il casse l’idée que le débat porte sur le nombre de pages du Code du travail et qu’il donne des voies pour revivifier le dialogue social dans les branches et dans les entreprises
Outre que le mot de réforme est abusivement utilisé pour signifier des régressions- qui peuvent être indispensables parfois-, cette obsession politico-médiatique repose-t-elle sur une réalité ?
Tous les codes sont gros. Mais il semble que l’énormité du Code civil ne pose pas problème. Est-ce parce que l’utilisation du Code civil est réservée aux avocats, à une élite et est rarement utilisée par le citoyen moyen ? Et pourtant le Code civil régit notre vie entière.

L’Essai de Robert Badinter et Antoine Lyon-Caen

Nos éminents intellectuels Robert Badinter et Antoine Lyon-Caen ont commis un petit livre : « Le travail et la loi » juste avant l’été 2015.
Outre que ce livre est mal écrit, bâclé, il est en plus inutile. Pourquoi : parce que la France a une tradition juridique fondée sur la loi. Vouloir réduire un droit à des principes (en ne touchant pas aux dispositions qui concernent la représentation du personnel et les seuils d’effectifs qui sont pourtant celles qui posent le plus problème) modifie la nature même du droit français en le transformant en une sorte de Common law à l’anglo-saxonne, c’est à dire un droit fondé essentiellement sur la jurisprudence.
Ce tournant subit renverserait soudainement notre culture juridique sans rien simplifier.

Qu’en est-il exactement de cette « obésité »?

Par ailleurs, il suffit de feuilleter un Code du travail pour voir que ce n’est pas l’énoncé des textes de lois qui prend tant de place mais d’une part les références jurisprudentielles qui permettent aux praticiens du droit de ne pas avoir à se pencher sur d’énormes recueils de jurisprudence et d’autre part les dérogations aux textes.
Un exemple : L’article L 1242-1 stipule :  » Le contrat de travail à durée déterminée « quel que soit son motif » ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
Suivent ensuite environ 90 articles dont beaucoup prévoient des dérogations au principe énoncé ci-dessus
Dans ces articles on est en présence de dérogations au principe général qui peuvent se justifier. Mais dans la dynamique de ces dérogations, les embauches en CDD ont tendance à devenir la norme dans certaines entreprises, alors même qu’il s’agit de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. ( on peut citer l’exemple de caissières embauchées en CDD !) Cette précarisation, douloureuse pour les salariés, est-elle vraiment un facteur de réussite pour les entreprises?
Par ailleurs -à propos de l’obésité du code- les articles sur le CDD occupent environ 5 pages du code et sont suivies de 12 pages de jurisprudence.
Les travailleurs se sont battus pour obtenir des textes qui les protègent contre l’arbitraire patronal. Certes, les chômeurs ne sont pas concernés. Mais les salariés n’ont pas cessé d’exister à ma connaissance.
S’en remettre aux Accords d’entreprise dans un contexte de désertification syndicale et d’emplois majoritaires dans les PME et les TPE est extrêmement dangereux pour les salariés de ces entreprises qui n’auront plus- au moins symboliquement- la protection du Code du travail.
Si je parle de symbole, c’est parce qu’une loi ne peut être appliquée dans un contexte de subordination de l’une des parties (du salarié à l’employeur) que si une institution force certains employeurs récalcitrants à l’appliquer. Le corps de l’Inspection du travail a été créé pour cela il y a plus d’un siècle.

(La suite dans le prochain article)

Accueil des migrants : nouvelles des préfectures

Pétitions bien pensantes, discours sur les droits de l’homme inaliénables…etc
Puis retour à la triste réalité : J’accompagne deux personnes à la Préfecture de Paris, ou plutôt au Centre de tri de ladite préfecture
Il semble que les personnels n’aient pas été mis au courant des bonnes résolutions des autorités françaises et européennes
Mr B, est en France depuis plus de dix ans. Il fait partie de ces déboutés du droit d’asile (RDC) qui ne peuvent pas retourner dans leur pays, ne peuvent pas travailler en France sans papiers et traînent misérablement.
Après quatre heures de queue, nous rentrons. Il est stressé. L’employée du tri (dit de l’accueil) lui assène : passeport, extrait de naissance… Il s’emmêle dans ses papiers. il ne sait plus ou sont les originaux… Elle est inflexible . Pas d’original de votre extrait de naissance. Il faudra revenir. Il tente d’expliquer qu’il a un acte notarié etc FINI. N’insistez pas Monsieur. Cela fait des mois qu’il cherche des papiers, des preuves de présence. Sa qualité de débouté du droit d’asile ne lui facilite pas les choses auprès des autorités consulaires de son pays.
Mais il n’y a aucune générosité, aucune empathie chez cette femme.
Il repart dans la galère. Il est jeune. parle parfaitement le français. Il pourrait participer au développement de ce pays;
Une employée qui se croit respectueuse du droit en a décidé autrement

Même topo pour l’autre jeune femme que j’accompagne. Elle a un dossier parfait pour bénéficier des dispositions de la Circulaire Valls sur la régularisation par le travail. Elle a fui un pays d’Afrique en 2007 lors d’une guerre où elle a vu les pires horreurs. Elle a deux enfants, travaille dur etc… Elle était en situation régulière depuis cinq ans. Mais l’employée (la voisine de la première) cherche et trouve la faille : il manque la déclaration d’impôts de son patron. Elle devra se représenter avec ce document qu’aucune fiche d’information ne prévoit. Protestations. Puis miracle ! Elle voit sur son écran que la dame est convoquée à la préfecture fin octobre. Elle accuse ma « patiente » qui est au bord de l’évanouissement de lui faire perdre son temps. Nous affirmons qu’elle n’a pas reçu cette convocation. « Ce n’est pas possible » dit-elle avec un regard méprisant pour les menteuses que nous sommes
Et puis, elle est prise d’un doute. Merci aux Chefs de service (à certains). Elle va voir sa chef qui revient avec elle et dit gentiment à la jeune femme qu’elle se présente à la Préfecture de Paris à la date qu’elle lui indique. Miracle : la chef sourit et m’autorise même à prendre une fiche d’information sur les documents à fournir qui m’avait été refusée méchamment (alors qu’elle est destinée au public) par la première méchante.
Tout cela est vrai.
Aucune manif, aucune pétition, aucune loi ne pourront venir à bout de cette bêtise crasse (qui n’est pas le fait de tous les guichetiers des préfectures heureusement)
Une formation à l’accueil peut-être ?

Enfin dernier exemple de ridicule administratif : MRX a obtenu un statut de réfugié politique. Il a trouvé un travail mais il a besoin d’un permis de conduire. Ce permis il l’a obtenu dans un pays d’Afrique qui a signé une convention avec la France sur la validité des permis.La Préfecture refuse de valider ce permis au motif que les preuves de sa présence dans ce pays d’Afrique ne sont pas suffisantes (ce qui est faux) et lui demande de repasser le permis en France alors qu’il n’a pas un sou et que sans permis son patron va peut-être le licencier!

Venez en France. Nous n’installons pas de barrières comme Orban. Nous possédons juste une magnifique administration !

Vivre et mourir dans la dignité

Depuis de longues années, je suis frappée par l’énergie et l’argent dépensés pour que vivent des gens plus ou moins condamnés à mort à court terme. Certains survivront dans des conditions indécentes, indignes. Le corps médical dans sa majorité estimera qu’aider à mourir un individu qui finit ses jours misérablement, même s’il le demande est contraire au Serment d’Hyppocrate.
Adhérente de l’ADMD et de Dignitas, je constate la lenteur des évolutions dans ce domaine. Il faut aller mourir en Suisse comme on allait y avorter dans les années d’avant la loi Veil.

Une forme de similitude en partie arbitraire mais en partie seulement m’est apparue entre cet acharnement médical et les efforts déployés (même s’ils sont insuffisants) pour venir au secours des migrants en danger de mort ou encore pour identifier les morts du camion tueur en Autriche.

Ces gens quittent leurs pays pour des raisons politiques, économiques, familiales (peu importe) qui ne leur permettent pas de vivre dignement.
Certains (la plupart) seront sauvés d’une mort certaine par ces Occidentaux qui ensuite (pour la plupart) fermeront les yeux sur leurs marches exténuantes, leur désespoir, leurs déplorables conditions de survie.

La dignité concerne aussi bien les conditions de vie que les conditions de mort.

Si l’on sauve les gens de la mort, on leur assure autant que faire se peut des conditions de vie dignes d’un être humain.

A défaut de respecter les êtres humains que sont les migrants, peut-on au moins respecter le Droit qui s’applique à eux ?

La Convention internationale du 28 Juillet 1951 dite Convention de Genève, ainsi que le Protocole de New York de 1967 sont les deux instruments juridiques internationaux qui encadrent le statut des réfugiés et demandeurs d’asile:
Article 1 de la Convention de 1951 : Le terme réfugié s’appliquera à toute personne craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou du fait de cette crainte ne veut se réclamer de la protection de ce pays
Article 31 : Les Etats contractants n’appliqueront pas de sanctions pénales du fait de leur entrée ou de leur séjour irréguliers, aux réfugiés qui, arrivant directement du territoire où leur vie ou leur liberté était menacée, entrent ou se trouvent sur leur territoire sans autorisation.
Préambule de la Convention de Genève : Considérant qu’il peut résulter de l’octroi du droit d’asile des charges exceptionnellement lourdes pour certains pays et que la solution satisfaisante des problèmes dont l’ONU a reconnu la portée et le caractère internationaux, ne saurait, dans cette hypothèse, être obtenue sans une solidarité internationale.

En ce qui concerne l’Europe, La Convention de Dublin signée le 15 Juin 1990 déterminait les compétences en matière d’asile et fixait les critères relatifs au pays compétent pour traiter la demande. A titre d’exemple, l’Etat avec lequel le demandeur d’asile a plus de liens familiaux

Le règlement de Dublin 2 a remplacé en 2003 cette convention en prévoyant notamment que les requérants ne pourront déposer qu’une seule demande . En principe l’Etat reponsable sera le premier Etat européen par lequel le demandeur d’asile est entré.

Cette procédure a été très critiquée par l’UNHCR et le Conseil européen pour les exilés et les réfugiés. Comme on le constate actuellement, les pays frontaliers comme la Grèce, l’italie, subissent des pressions migratoires énormes. Les associations d’accueil estiment que ce Réglement empêche les demandeurs d’asile de trouver le meilleur pays d’accueil, ce qui serait bénéfique pour le requérant mais aussi pour le pays choisi qui pourrait bénéficier de leurs compétences.

Dublin 2 est un Règlement. Ce règlement est-il hiérarchiquement supérieur à la Convention de Genève?
La Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948 n’a pas force de loi. Mais écrite dans les années qui ont suivi la deuxième guerre mondiale et ses monstruosités, elle prend valeur d’exemple en matière d’universalité des droits de l’Homme:
 » Considérant que la méconnaissance et le mépris des droits de l’homme ont conduit à des actes de barbarie qui révoltent la conscience de l’humanité et que l’avènement d’un monde où les êtres humains seront libres de parler et de croire, libérés de la terreur et de la misère, a été proclamé comme la plus haute aspiration de l’homme. »

Ce qui se passe en Syrie, en Erythrée, en Somalie, au Soudan, en Afghanistan, en Irak, pour certaines populations relève-il ou nom d’actes de barbarie ?
La réponse est à donner en conscience et en connaissance de cause.
Si l’on répond oui, le reste n’est qu’une question d’organisation et d’application du droit.
Le défi à relever pour l’Europe est difficile.
C’est sans doute l’une des conditions de sa re-naissance.