La règle du jeu

Dessin publié par Valeurs Mutualistes (MGEN)

Et voici revenu le temps de l’Instruction civique et de l’enseignement de la Morale à l’Ecole, comme moyens de lutte contre les fanatismes de toutes sortes.
Je suppose que cet enseignement est différent d’un professeur à l’autre et il ne s’agit pas de jeter l’opprobre ni sur la connaissance des Institutions françaises ni sur la Morale.
Mais,le seul instrument pratique dont se sont dotés les sociétés humaines est le Droit. Ce sont les grands principes du Droit français et international qu’il s’agit d’enseigner. L’article 1134 du Code civil énonce l’essentiel des principes qui fondent notre Droit :« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. » Ce texte porte en lui l’essentiel, à savoir, la suprématie de la loi, la contractualité qui entraîne la responsabilité des co-contractants dans l’application des contrats qu’ils ont conclus dans le cadre des lois de la République.
Tous les enfants jouent à des jeux sportifs ou de société. Ils savent tous que les jeux ont des règles que l’on ne doit pas transgresser. Que serait un match de foot ou de hand ou de tennis ou les jeux vidéo sans règles ?

Le Droit est la règle du jeu social qui entraine des sanctions (des penalty) si on ne l’applique pas. C’est le droit qui permet le vivre-ensemble.Or, curieusement, les grands principes du droit ne figurent pas dans les programmes scolaires. Quand on évoque le droit, certains pensent punition, droit pénal. Mais le droit du travail permet que les travailleurs ne soient pas trop exploités, le droit de l’environnement, au prix de batailles judiciaires moins meurtrières que les guerres, autorise une relative préservation de l’environnement…etc
C’est le droit qui permet de poursuivre les violeurs, les pédophiles. Certes, il faut parfois se battre pour le faire respecter.Alors, battons-nous, battez-vous pacifiquement.

Les enfants ne pourraient pas comprendre le droit entend-on. Tous les enfants qui ont joué savent l’importance des règles Il ne s’agit pas de faire un cours de droit mais d’en donner à comprendre les principes organisateurs d’une société humaine. Les enfants ou les adolescents apprendront à sortir des idées reçues sur le droit qui se résument parfois à la peur de la punition, par exemple ,s’ils fraudent dans le métro. Il s’agit de leur faire comprendre que ce qui peut parfois les punir, les protège. Un ado qui compose de la musique prône la liberté d’Internet. En sera-t-il de même quand sa musique sera plagiée ? Le droit n’échappe pas aux contradictions. il tente de les ordonner.
Seule l’acceptation des règles du jeu par les co-contractants permet à une entreprise de fonctionner par exemple. Signer ou accepter un contrat, c’est bien sûr renoncer à certains avantages ou libertés au profit d’un but commun.Ce qui compte, c’est la tranquillité fondée sur la certitude d’un recours en cas de non application de la règle.

Je ne parle pas ici du Droit fondé sur l’inégalité des personnes (notamment entre hommes et femmes ou entre blancs et noirs…etc). Je parle d’un droit fondé sur l’égalité des personnes, la liberté d’agir et de penser…dans le cadre des lois et donc de la liberté d’autrui.
« La liberté d’autrui n’est pas la limite mais la condition de notre liberté. » Simone de Beauvoir

A propos de la liberté dans le couple et de la liberté en général

j’ai toujours été partisane de la liberté et de la transparence dans le couple.
Cette prise de position a l’air simple.
Elle est en fait extraordinairement compliquée à mettre en oeuvre et ne peut se construire que sur la sincérité.

Dans la cité, on n’est jamais seul. La liberté n’existe que si on lui met des limites afin de respecter celle des autres. C’est à cela que servent entre autres la morale et le droit ( la seule morale ne suffit pas. Elle est souvent subjective)
Pour beaucoup d’êtres humains, leur liberté est une fin en soi. Cette conception de la liberté comme absolu peut avoir des conséquences dramatiques.
Don Juan est libre et il le proclame. Sa liberté est criminelle pour les femmes qu’il approche.
La liberté ne peut se concevoir que comme le résultat d’une négociation, d’un compromis plus ou moins bancal mais acceptable pour les partenaires.
Certains hommes ont de la liberté une conception égotiste. Leur liberté est l’hypothèse. Aucune concession n’est envisageable. Le terme concession est en soi dégoutant pour ces gens (hommes ou femmes mais pour des raisons historiques plus souvent des hommes)) enfermés dans leur narcissisme.
Certes, eux aussi sont aliénés. Mais si ceux qu’ils font souffrir acceptent d’être maltraités, ces personnages pourront vivre leur vie entière au chaud dans leur égotisme. Refuser la soumission à un ordre aliénant est une obligation morale. Il faut parfois plus de courage pour refuser que pour accepter.
Stendhal aimait la concision et la précision du Code Civil. On y trouve les fondements d’une société à peu près démocratique. » La condition résolutoire est sous-entendue dans les contrats synallagmatiques au cas où l’une des parties ne respecterait pas ses engagements » (Art 1184)(synallagmatiques signifie réciproques)
La vie amoureuse échappe au droit et heureusement. Elle relève cependant des mêmes règles sur la responsabilité et le respect des contrats implicites ou explicites. Elle n’est pas extérieure à la vie en société. Même si elle n’a pas de limites juridiques, elle trouve ses bornes dans le respect de la sensibilité de l’autre.
S’il y a incompatibilité entre deux conceptions de la liberté, l’arrêt de la relation dans la plus complète transparence sera la seule solution acceptable.

Aucune société ne peut être fondée sur une liberté sans bornes, à moins d’imaginer un paradis terrestre où chacun d’entre nous aurait intériorisé les limites de sa propre liberté au regard de celle d’autrui.On est loin du compte.

(Ce petit texte m’a été inspiré par le récit d’échecs amoureux, de souffrances infligées par la cuistrerie et la lâcheté de l’un des partenaires.)

Kamel Daoud : « Meursault, contre-enquête » l’Algérie au coeur

Plage d'Oran au 19° siècle

Kamel Daoud est algérien. Il est né en 1970 à Mostaganem.
Il a fait toute sa scolarité en arabe, comme la plupart des enfants algériens nés après l’indépendance.
Il a vécu, entre 20 et 30 ans, la sale guerre des années 90.
Il n’a pas connu l’Algérie française.

Le livre de Kamel Daoud m’a ému aux larmes, au point de le relire plusieurs fois. Son idée est lumineuse : rendre une identité à l’Arabe de « l’Etranger ». Peu importe que ce ne soit pas le meilleur livre de Camus, comme l’insinuent quelques critiques malveillants et stupides avec condescendance à l’égard de Kamel Daoud.

Daoud a su à merveille, dans son premier roman, manier les contradictions: L’Européen a tué l’Arabe et n’a pas été condamné pour cela. Le héros de Daoud tue un Français quelques jours après l’indépendance et ne sera pas non plus puni. Son crime n’a pas de sens, à moins que ce ne soit une piètre vengeance.

Il prend conscience de l’absurdité et de la facilité du crime :  » Quand j’ai tué, donc, ce n’est pas l’innocence qui par la suite, m’a le plus manqué, mais cette frontière qui existait entre la vie et le crime. » et : » L’Autre est une mesure que l’on perd quand on tue. »

Il va plus loin et se demande finalement si l’assassinat n’est pas un moyen de tout résoudre, y compris ses petits problèmes personnels. Certains l’ont fait et continuent à le faire dans notre monde. On ne sort pas de l’absurde.

Il y a aussi dans ce livre une violente critique de l’Algérie d’aujourd’hui, une déception profonde sur un processus d’indépendance confisqué, « et une colère contre l’instrumentalisation de la religion: « Hurler que je suis libre et que Dieu est une question, pas une réponse. »

L’oeuvre de Camus et celle de Kamel Daoud se déroulent dans un monde absurde, sans Dieu. Mais, Daoud s’en sert aussi comme prétexte à un roman, à une fiction, une histoire dont on a envie de connaître la fin. Il dit avec humour: »Les mots du meurtrier et ses expressions sont mon bien vacant. »

Je me souviens avoir été choquée en lisant l’Etranger de Camus par l’anonymat de l’Arabe, la gratuité du crime et l’absence de sanction. Kamel Daoud émet une hypothèse à ce sujet : »Dès le début, on le (Meursault) sent à la recherche de mon frère (l’Arabe). En vérité, il le cherche, non pas tant pour le rencontrer que pour ne jamais avoir à le faire. »

Le mystère du  » fond de l’autobus »

Il y avait « Le mystère de la chambre jaune ».
Il y à Paris le mystère du « fond de l’autobus ».
Imaginez un autobus. Il y a un couloir, une petite place au milieu, un autre couloir, une marche et un espace au fond de l’autobus.
Ce dernier est rarement occupé même quand les nouveaux arrivants étouffent à l’entrée et qu’une voix douce enregistrée susurre : »Veuillez avancer au fond de l’autobus ».
Voila l’un de ces problèmes sans intérêt apparent dont je me plais à parler dans ce petit blog, malgré les remarques acerbes de certains de mes amis intellos de gauche qui après avoir jeté (forcés et contraints par mes relances) un coup d’oeil sur ce dernier déclarent : »C’est mignon mais tu pourrais élever le niveau ! »
Et bien justement, j’élève le niveau au dessus de la fameuse marche qui mène au fond de l’autobus.
Très souvent, lassée d’étouffer à l’avant, j’ai usé de ma petite taille pour m’avancer au fond de l’autobus et respirer enfin.
L’expérience est intéressante. Outre les regards curieux des passagers légèrement bousculés, il y a au fond les regards offusqués des ASSIS. Ils semblent dire : »La vieille veut nous piquer nos places mais on ne se laissera pas faire ». Le plus souvent, ils regardent fixement leurs pieds ou leur téléphone.
On est bien au fond de l’autobus. On y est le plus souvent seul à distance du passager qui s’est aventuré en bas de la fameuse marche mais n’a pas osé la franchir
Je ne suis pas la seule à le faire, heureusement, mais cette réticence me pose problème.
Y-a-t-il une définition légale du fond de l’autobus ? Est-ce que l’on transgresse une règle quand on s’y installe ?
Je rejoins là mon obsession : le fil ténu qui relie nos petits comportements quotidiens aux agissements étranges et parfois criminels des êtres humains.
Refuser d’aller au fond de l’autobus quand les derniers arrivés ne peuvent plus accéder à ce même autobus, n’est-ce pas faire preuve d’une forme de désintérêt pour autrui , qui dans ce cas est bénin, qui peut être criminel dans d’autres cas ?

La Préfecture de Seine-Saint-Denis invente un nouveau concept pour décourager les migrants

C’est nouveau, ça vient de sortir.
Cela s’appelle : Communication des motifs de la décision implicite de refus de séjour! Tout un programme
Vous êtes immigré et vous demandez une carte de séjour sur tel ou tel motif contenu dans la loi.
Vous attendez six mois, un an, deux ans.. Rien ne se passe.
Vous allez voir un avocat ou une association qui vous aide à demander communication de la décision prise…et l’interessé reçoit « explicitement » les motifs « implicites » du refus de séjour.
L’explicite se réduit à trois croix dans trois cases : situation familiale, situation professionnelle, existence d’aspects exceptionnels ou humanitaires . Si vous êtes célibataire, sans activité professionnelle et ne relevant pas d’une situation exceptionnelle (?), circulez.
L’aspect positif, c’est que vous n’êtes pas tenu de quitter le territoire français. Vous êtes tout simplement condamnée à errer sans papiers, sans travail et sans recours possible. Car comment faire un recours (même si la possibilité en est indiquée sur le document) contre trois croix.
Un exemple : une jeune fille de 20 ans arrivée de Haiti à 16 ans, scolarisée en terminale, sans famille en Haïti, hébergée par sa soeur en France a reçu ce « machin ». Elle est effectivement célibataire, sans situation professionnelle et ne justifie pas d’une situation exceptionnelle au regard de la préfecture.
Les nouveaux Préfets de Paris et de Seine-Saint-Denis ont trouvé cette formule pour contourner le droit des interessés de saisir les tribunaux.Il s’agit d’une atteinte grave à l’universalité des droits de l’Homme.
Cette jeune fille ne rentrera pas en Haïti. Elle viendra s’ajouter aux milliers d’errants sans statut. L’Immigration clandestine continuera à croitre.
Bravo à Messieurs les Préfets nommés par la gauche.

Monsieur Hollande, on est 12% à se « cramponner » mais on pourrait lâcher …

Non, mais alors ?

Monsieur le Président, comme vous l’aviez dit avec humour, nous sommes quelques uns à nous cramponner et à tenter de vous soutenir.
Mais, pour ma part, le coup des impôts qui ne vont plus augmenter, c’est la goutte de trop. Je ne sais pas s’il faudra les augmenter ou non. Mais ce que je sais, c’est qu’un chef d’Etat ne s’engage pas sans s’être assuré de la faisabilité de ce qu’il dit.
Si vous respectez les Français,il faut cesser de raconter n’importe quoi : que les filles enlevées par Boko Haram ont été libérées, que les impôts ne vont plus augmenter, que la croissance est pour demain etc…Couac, couac, couac.
Gouverner c’est prévoir, cela veut dire avoir une vision claire de la situation, aidé en cela par des conseillers soigneusement choisis. Le doute m’envahit. Et si vous étiez vraiment un petit bureaucrate qui n’a toujours su que naviguer dans les eaux de plus en plus troubles du PS. Et si vous n’aviez pas compris que la seule chance du PS est de repérer les talents nouveaux même s’ils ne sont pas exactement dans « la mystérieuse ligne » que vous déclarez suivre.
Et si vous teniez la promesse N° 41, au minimum, en aménageant la Loi Leonetti. Une majorité de Français sont d’accord là dessus. De quoi avez-vous peur ? Au moins vous auriez fait une chose importante dans le pays des droits de l’homme, ajouter à nos droits celui de mourir comme nous le souhaitons sans aucune obligation pour quiconque.
Je n’ai pas la souplesse du Marsupilami…je ne vais pas tarder à lâcher

Manifeste du « Hutu modéré ».

800000 Tutsis et « Hutus modérés » ont été massacrés en 1994 au Rwanda par des Hutus fanatisés.
Ce terme, « Hutu modéré » appelle une réflexion que Guy (Dhoquois) et moi-même avions commencé à mener à la fin des années 90.
Nous nous sentions proches des « Hutus modérés », et plus généralement de tous ceux qui dans les périodes de fanatisme passionnel tentent de continuer à faire preuve de lucidité, de calme, de raison.
Nous avions alors commencé à écrire ce Manifeste du « Hutu modéré ».

1/ Il pense qu’il est un être humain, ni Hutu, ni Tutsi
2/ Il en conclut que personne ne l’attaquera puisque lui-même n’attache aucune importance à sa qualité de Hutu
3/ Certains de ces Hutus pensent qu’ils n’ont pas à se mêler d’un conflit que ne les concerne pas
4/ D’autres estiment qu’ils pourraient être un recours en cas d’affrontements entre extrémistes ou entre communautés

Mais Tous se trompent : Leurs efforts de conciliation leurs valent la haine des Tutsis parce qu’ils le veuillent ou non, ils SONT Hutus
Ils se font également haïr des Hutus identitaires qui les considèrent comme des traitres.

Remplacez Hutu modéré par musulman laïque, marxiste non léniniste, patriote non nationaliste…etc et vous aurez l’une des problématiques historiques les plus communes et l’une des questions fondamentales qui se pose à nos sociétés contemporaines.
Dans des contextes historiques passionnels la parole du « Hutu modéré » n’est pas audible.

A suivre

Clown = Farceur = humour

Transformer les clowns de notre enfance en monstres agressifs montre une absence d’humour presque douloureuse.
Il y a des mythes éternels que l’on ne travestit pas impunément.
Ces imbéciles qui aiment faire peur en se déguisant en clowns cruels n’ont rien compris aux films d’horreur, ni à Halloween, ni à la signification profonde du cirque : une représentation du monde drôle, triste qui transcende le bien et le mal.
On pourrait traiter ces jeunes cons par le mépris si l’on n’y sentait les prodromes d’une vision sinistre de la condition humaine.

Ne pleure pas petit Auguste, on les aura

SAMBA : Allez le voir , vous ne le regretterez pas

Le journal Le Monde s’autorise à dire ce qui est politiquement correct en titrant : « Faut-il aller voir Samba ou Bande de filles ou… »
Quelques brillants intellos « de gauche »(Télérama, Le Masque et la Plume…) qui pour la plupart ne connaissent rien aux problèmes des migrants sans papiers en France ont décidé que Samba, le film de Olivier Nakache et Eric Toledano, les auteurs du très bon et très rémunérateur « Intouchables », n’était pas A VOIR.
Heureusement, comme pour « Intouchables », le public semble leur donner tort. Tant mieux
Parce que Samba est une comédie drôle, où l’on ne s’ennuie que quelques minutes (ce qui devient rare au cinéma) et qui accomplit l’exploit de donner à voir la plupart des violences subies par les migrants sans papiers ici et maintenant : Queues interminables dans certaines préfectures, incompréhension des procédures et du langage juridique (par exemple il y a cette scène drôle, terrible et poétique où une policière dit à Omar Sy qu’il est obligé de quitter le territoire français mais qu’il peut quitter le Centre de rétention. Il se met alors à courir derrière un avion en criant : »Attendez-moi, je dois quitter… »), brutalité du travail au noir, insalubrité des logements , incompréhensions d’ordre linguistique…etc.
En tant que bénévole à la Cimade depuis 7 ans, pas vraiment flattée par la scène de la permanence où j’ai cependant beaucoup ri parce que j’y ai reconnu des situations vécues, je souhaiterais que beaucoup de gens aillent voir ce film qui ne prétend pas tenir un discours politique mais montrer des situations individuelles dramatiques et casser ainsi cette vision globalisante du débat politico-médiatique sur l’immigration.
Les acteurs, (avec une mention particulière pour Charlotte Gainsbourg qui fait preuve d’un talent comique aidée en cela par d’excellents dialogues), sont tous excellents.
Allez le voir si vous aimez rire et pleurer et aussi vous informer.

Les bénévoles de la Cimade, figurants dans Samba avec Omar Sy