Epitomé 4

Le doute, rien que le doute, mais tout le doute ( ? ) :
A dix-sept ans j’ai pris une décision décisive : le doute. J’ai décidé de douter, de douter le plus possible, le mieux possible. Non pas pour rester dans le doute comme ceux qu’on appelle les « douteurs » et qui restent dans une expectative perpétuelle. Pour penser et agir avec les meilleurs chances de succès.
Mon refus de Dieu à quatorze ans, à cause de l’existence du mal, défi au tout-puissant, m’a aidé dans la voie du doute sauf que je ne suis pas agnostique, mais bel et bien matérialiste et athée. Je doute et je décide. Dans le doute, agis.
A l’âge de dix-huit ans un camarade, que je salue, Henri, a attiré mon attention sur le pari de Pascal que je résume à ma façon : dans le doute, pourquoi ne pas parier sur le meilleur, Dieu ? Ma réponse est que je laisse sa chance à Dieu car je ne peux pas prouver qu’il n’existe pas. Mais qu’à titre personnel, dans ma vie propre, je n’en ai pas besoin. Le pari reste un doute.
Auparavant, à dix-sept ans, j’avais lu Descartes, son « Discours de la Méthode ». Son « cogito », son « je pense » m’a mis sur la voie de formules que je devais explorer ultérieurement :
« Dubito, ergo cogito, erge sum ». « Je doute, donc je pense, donc je suis ». Descartes commence par le doute pour l’abandonner ensuite au profit de son « cogito » : « cogito, ergo sum », « je pense, donc je suis ». Mais moi, je ne quitte pas le doute ou plutôt il ne m’abandonne pas.
Mais moi je ne peux me contenter d’une affirmation absolue de l’ordre de l’être. Je conclus par : « dubito, ergo ( non ) sum ». Je doute, donc je suis ( je ne suis pas ).
J’hésite et j’agis.
Enfin dois-je rappeler que toute pensée scientifique digne de ce nom est fondée sur le doute, l’esprit de libre examen ? Donc mon empirisme, sur lequel j’ai insisté dans l’épitomé précédent, s’accompagne du doute quand celui-ci ne le fonde pas.

N.B. : « Dubito, ergo ( non ) sum », exergue de mon premier livre, « Pour l’Histoire ».