L’historien

L’historien s’intéresse à tout, à n’importe quoi. La seule condition est qu’il respecte les archives dont il se sert. Le terme qui s’impose est ici probité. Les archives de l’historien, comme le disait Emmanuel Leroy-Ladurie, doivent être sa suprême pensée. Le risque est qu’elles l’empêchent justement de penser. Les archives ne doivent pas penser à sa place.
Il doit par rapport à elles manifester du tact comme le proposait Marc Bloch, une politesse mêlée de finesse.
Mais au delà ? L’histoire est-elle une science inachevée, dépourvue de concepts, n’ayant droit qu’à quelques notions vagues ? Ressemble-t-elle à la tour de Babel peinte par Brueghel l’ancien ? La réflexion sur l’Histoire est encore réservée à des philosophes, des sociologues. Nous sommes proches de la catastrophe.
Heureusement il existe des archives spéciales, celles de l’histoire de la pensée. Pour ma part je me suis servi essentiellement de Marx et de Montesquieu, Marx pour la critique de l’économie politique, Montesquieu pour la critique du politique. J’ai utilisé bien d’autres auteurs.
Les journalistes John Reed et sa femme Louise Bryant, tous deux de sympathies socialistes, se trouvaient en Russie en 1917. Le premier en ramena un livre célèbre : « Dix jours qui ébranlèrent le monde ». L’autre en resta aux confidences d’un flic irlandais rencontré dans le métro de New-York. Les deux avaient raison de leur point de vue.
L’historien a une qualité éminente, il s’intéresse à ce qui n’est pas lui. Il se fait spécialiste de l’autre, de l’altérité.