Eloigné de vos yeux où j’ai laissé mon âme
Je n’ai de sentiment que celui du mal-heur
Sans un peu d’espoir qui luit dans ma flamme
Ma mort eût été ma dernière douleur
Plût au ciel que la terre ait quitté l’onde
Les rayons du soleil les cieux
Que tous les éléments aient quitté le monde
Et que je n’aie point abandonné vos yeux
Je ne suis plus vivant et passerais pour une ombre
Sauf mes discours qui dévoilent que je vis
Mon âme est dans les fers mon sang est dans les flammes
Jamais mal-heur ne fut à mon mal-heur égal
Je traîne en moi l’infortune et l’amour
Qui oblige mes sens à vous faire la cour
Dans le trouble importun des soucis de la vie
Chacun me croit chagrin de ne pas vaincre la terre
Alors que mes hauts desseins ne sont que de t’avoir*
* Le dernier vers est intégralement de Théophile de Viau