Hommage à Agrippa d’Aubigné

Je n’entre pas en politique à propos d’un siècle complexe et mal connu, encore moins en religion. Je célèbre le grand poète que fut Agrippa d’Aubigné, l’un des leaders calvinistes :

Je veux peindre en la France une mère affligée
Qui est entre ses bras de deux enfants chargée.
Le plus fort orgueilleux empoigne les deux bouts
Des seins nourriciers puis à force de coups
D’ongles de poings de pieds il rompt le partage
Dont la nature donnait l’usage à son jumeau
Ce voleur acharné fait dégât du doux lait
Qui doit les nourrir tous deux
Pour arracher à son frère la vie
Il méprise la sienne
Son frère qui aujourd’hui a jeuné
Ayant dompté en son coeur son cruel ennui
Se défend et rend à l’autre un combat
Dont le champ est la mère
Ni les soupirs ardents les pitoyables cris
Ni les chaudes larmes ne calment les esprits
Leur rage les guide leur poison les trouble
Si bien que leur courroux par leurs coups redouble
Cette mère éplorée succombe à la douleur
Mi-vivante mi-morte
Le lait se perd le suc de sa poitrine
Elle dit en un souffle : « Vous avez félons ensanglanté
Le sein qui vous nourrit et qui vous a portés
Vivez de venin sanglantes créatures
Je n’ai plus que du sang pour votre nourriture »