Le fabuliste méconnu ( 97 )

Deux éléphants avaient l’un pour l’autre
Une tendre amitié
Le rajah choisit l’un d’eux pour le porter
Pendant un voyage officiel
On n’aurait jamais crû que l’autre éléphant
Serait pris d’une pareille rage
Quand ils se revirent ce fut tout de suite la guerre
Ils entrenouaient leurs trompes menaçantes
Ils battaient des oreilles faisaient trembler le sol
Poussaient des cris de vengeance
Le rajah effrayé décida de les chasser du palais
Et de ses auges dorées
Dépouillés des harnais de soie et de brocart
Les deux rivaux exilés vécurent désormais
Dans un coin de forêt
Leur fierté d’abord soutint leur entêtement
Ils firent serment de ne jamais oublier les offenses
Peu à peu la pénitence l’ennui de ne rien être
De vivre oubliés
Entama leur résistance
Ils se virent un jour sans trop d’inimitié
Puis ensemble on les vit paître
Enfin à la chasse royale
On les regarda discrètement reparaître
Ils rentrèrent complètement en grâce
Retrouvèrent les palais de marbre
Et les mangeoires d’or

Le silence et l’oubli
Sont un art merveilleux
Contre les faquins les vaniteux