Le fabuliste méconnu ( 139 )

Dans une ferme régnait l’abondance
Le bonheur y endormait la prudence
Cependant trois chiens montaient la garde
Le danger avait souvent éprouvé leur courage
L’un était un chien de berger
Orgueilleux de son antique lignage
Le deuxième était un bâtard
Fier de son mélange de races
Le troisième était un dogue
Grognard au nez camus au large et gros museau
Querelleur de nature
Tous trois dans la ferme avaient vu le jour
Longtemps ils l’avaient défendue de concert
Mais chacun prétendait désormais
Disposer seul d’un chenil qu’ils avaient pour usage
D’occuper tour à tour
Discorde tapage On se déchire à belles dents
Un loup affamé se mêla au débat
Les chiens ont suspendu le cours de leur ébats
Mais pas celui de leur haine
Au lieu d’opposer au fauve un front fraternel
Chaque chien se crut à même de terrasser seul le loup
Le résultat fut que chacun périt à son tour
Le troupeau de moutons est livré
Au monstre assoiffé de sang

L’union fait la force
Répète-t-on sans cesse
Combien de fois la désunion l’emporte ?
Y-a-t-il des leçons de l’histoire ?