Nous embaumons le passé. Notre mémoire historique est remplie de momies. Il faut pieusement les conserver. Lénine et Mao doivent rester dans leur mausolée. Je suis très chinois de ce point de vue : quel que soit notre jugement sur l’histoire, c’est notre histoire. Nous sommes dans l’ensemble prisonniers d’un passé historique que nous ne connaissons pas ou guère. C’est vrai aussi de nos petites existences alors que nous n’avons qu’elles.
Je n’ai gardé d’Althusser qu’une seule phrase : seules durent les pensées dogmatiques. Elles sont donc mortes et subsistent comme des squelettes, dépouilles utiles à notre savoir. Je ne choisis pas entre les squelettes et les momies.
En attendant la mort qui n’est que la fin de la vie, il faut tenter de vivre. Il faut avoir des moeurs et des manières comme le proposait Montesquieu.
Dans nos milieux dits cultivés, à New-York, à Paris, les moeurs sont diverses : on compte beaucoup d’homosexuels, de femmes qui ont choisi le célibat… Il y a même des maris complaisants et heureux de l’être, des couples échangistes et fidèles en esprit… Les couples traditionnels, potentiellement minoritaires, restent fidèles à l’adultère, surtout les hommes de sexe masculin.
Par contre les manières sont singulièrement semblables. L’informatique, le cinéma, la télévision, les réseaux sociaux, les drogues, les divertissements, la mode vestimentaire égalisent, voire uniformisent les choses. Anna Wintour règne sur Paris et Londres presque autant que sur New-York.
La vie humaine, si elle n’est pas une foire d’empoigne, est un bel et gigantesque imbroglio.
Pour ne pas sombrer dans la morosité il faut être bon public. Alors qu’on ne s’y attend pas, l’absolu réapparait sous la forme cette fois du vivant. Il est nécessaire de goûter l’instant. Il est bon d’être absolument relatif.
Il est possible de prendre ensuite ses distances grâce à la réflexion. Celle-ci ne peut s’appuyer que sur la mémoire, mémoire paradoxale puisque, très négative par moments, à d’autres elle embaume !