Un village riche et nombreux avait de beaux blés
Une année les terres haletèrent sous un ciel d’airain
Sur un sol crevassé l’on vit noircir le grain
Les épis sont brûlés
Leurs têtes penchées tombent sur leurs tiges séchées
On tremble de mourir de faim
La commune s’assemble
Comme à l’ordinaire chacun parle beaucoup et ne dit rien
Un laboureur encore jeune proposa :
« Sur les hauteurs au levant
Le grand lac est un immense réservoir
Allons saigner le lac
Mais attention ! Ménageons un petit nombre de saignées
Afin qu’à notre gré nous puissions diriger
Ces bienfaisantes eaux dans nos terres baignées »
« Courons, courons » s’écrient les jeunes gens
On perce en cent endroits à la fois
Le laboureur n’est plus entendu
Les eaux tombent de tout leur poids sur la digue affaiblie
Et roulent à grands flots
La troupe ébahie s’admire dans ses travaux
Mais le lendemain matin on voit flotter les blés sur un océan d’eau
Pour sortir du village il faut prendre un bateau
On s’en prend au laboureur qui se défend :
« Vous vouliez un peu d’eau vous avez lâché la bonde »
L’excès d’un grand bien devient un très grand mal
Le sage arrose l’insensé inonde