Un lièvre de bon caractère
Voulait avoir beaucoup d’amis
Un seul est rare en ce pays
Notre lièvre avait cette marotte
Il ignorait qu’Aristote
Disait à ses élèves :
« Mes amis il n’est point d’amis »
Le lièvre rendait service à qui il pouvait
A ses congénères mais aussi à des lapins
Un taureau et un cerf dix cors
Il conseillait le serpolet et le lac transparent
Il se croyait aimé parce qu’il aimait
Certain jour où dans son gîte il dormait
Le son du cor l’éveille C’est la chasse
Notre lièvre arpente les guérets
Va tourne revient saute
Pour dévoyer les quatre chiens
Parfois il s’arrête
Assis les deux pattes en l’air
L’oeil et l’oreille au guet
Il élève la tête
Il aperçoit un lapin que toujours il traita comme un frère :
» Par pitié sauve-moi Ouvre-moi ton terrier »
» Ah ! J’en suis fâché ! Ma femme accouche
Sa famille et la mienne remplissent mon asile »
Le lièvre reprend sa course
Il rencontre un taureau son obligé
« Hélas ! Ce serait de grand coeur
Mais j’entends l’une de mes génisses
Qui m’appelle au fond du bois !
Je ne peux pas retarder son bonheur »
Un peu plus tard le daim puis le cerf
Prétextèrent l’urgence de paître
Le lièvre à bout de forces
Rencontre sous le même feuillage
Deux chevreuils qu’il ne connait guère
L’un d’eux part La meute sanguinaire lui court après
Quittant le lièvre
Quand le chevreuil revient l’autre part
La meute obstinée se fatigue
Enfin la retraite est sonnée
Les chevreuils se rejoignent
Le lièvre se plaint
Un chevreuil répond : » A quoi bon tant d’amis ?
Un seul suffit quand il nous aime »