Le fabuliste méconnu ( 40 )

Appuyé sur sa bêche un jardinier
Pensait à sa misère
Le chatelain vint l’interrompre dans sa méditation :
« Est-ce ainsi que tu travailles la terre ? »
Du tac au tac l’homme transmit
Le fruit de ses réflexions :
 » Monsieur, puis-je vous rappeler
Que du temps d’Adam et d’Eve
Il n’y avait ni maître ni serviteur ? »
Le maître répondit sur le même ton :
« Mon gà, ils n’étaient que deux
Nous sommes des millions
Regarde autour de toi
Cette nature que tu chéris
Rien n’y est égal il y en a pour tous les goûts
Du plus petit au plus grand
Nul être n’a son pareil
Chez les hommes aussi les différences sont grandes
Les talents sont rares
Le génie il vaut mieux ne pas y compter »
« je suis un talent dans le jardinage
Vous n’êtes qu’un héritier »
« Il ne nous appartient pas de changer la société
Si tu te remets au travail tu auras une prime »
Le jardinier reprit sa lourde charge
Entreprit d’égaliser ce qu’il put
Dans ce parc à la française
Puis l’inégalité reprit de plus belle

Notre mère nature
Est belle et bonne
Elle est cruelle aussi
Sorti d’elle l’homme
Ne doit pas l’imiter
S’il peut s’en inspirer
L’ordre humain se surimpose
A l’ordre naturel
L’hélice n’est pas une aile
La roue n’est pas des jambes